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L’Europe divisée sur l’exploitation du gaz de schiste

Déjà exploité aux Etats-Unis et au Canada, le gaz de schiste comporte des risques environnementaux et sanitaires ayant rapidement été mis en évidence, notamment par une étude commandée par la commission ENVI du Parlement européen. Parmi les pays membres de l’Union, la Pologne se présente comme un farouche partisan de l’exploitation de ce gaz “non-conventionnel” au nom de son indépendance énergétique et défendra ses positions au Parlement européen dans le courant du mois d’avril.

Une technique comportant de nombreux risques

Le gaz et l’huile de schiste sont présents à un voire plusieurs kilomètres sous la terre, en certaines régions du monde. Certains Etats du Canada et des Etats-Unis, et certains pays d’Europe comme la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Pologne disposent par exemple de réserves en gaz de schiste. L’extraction de ce gaz dit “non-conventionnel” s’effectue par la technique de la fracturation hydraulique, également appelée “fracking” en anglais. Par le biais de micro-fractures dans la roche, on permet au gaz de remonter jusqu’aux puits et ainsi d’être récupéré à la surface. La fracturation est, elle, obtenue par l’injection d’eau à haute pression.

C’est précisément cette technique de “fracking” qui concentre les critiques et les inquiétudes concernant l’extraction du gaz de schiste. De nombreuses conséquences environnementales et sanitaires peuvent découler de la fracturation des roches, comme la contamination des nappes phréatiques par des fuites de méthane par exemple. En outre, les experts ont montré du doigt l’importante quantité d’eau utilisée, l’emprunte carbone du “fracking” , ou encore le risque de tremblement de terre du aux fracturations.

De fait, le forage de gaz de schiste au Royaume-Uni a causé deux séismes de magnitude 2,3 et 1,5 près de Blackpool en mai 2011. La compagnie Cuadrilla y injectait des fluides sous haute pression souterraine pour faire sauter la roche.

Des gains incertains

En 2011, la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen a commandé une étude sur les incidences de l’extraction de gaz de schiste et de pétrole de schistes bitumineux sur l’environnement et la santé humaine. Faisant le bilan des risques environnementaux et sanitaires, celle-ci indique que les accidents sont largement dus à des manipulations imprudentes et une exploitation trop intense. De plus, il apparaît que compte tenu des émissions de gaz à effet de serre du gaz de schiste issues du processus de fracturation, son bilan énergétique reste décevant. Par ailleurs, les réserves européennes de gaz de schiste semblent, selon l’étude, trop faibles pour pouvoir être à terme une alternative véritable au gaz conventionnel, d’autant que les obligations environnementales vont nécessairement retarder les projets et les rendre plus coûteux.

En définitive, l’étude commandée par la commission parlementaire se prononce en défaveur de l’exploitation du gaz de schiste dans la mesure où l’injection de substances chimiques dans le sous-sol peut empêcher toute utilisation future. Les effets de long terme ne sont pas non plus intégralement connus. Enfin, l’exploitation du gaz de schiste pourrait également être contreproductive dans l’effort de l’Union pour le développement de ressources énergétiques alternatives et propres.

La Pologne, premier partisan de l’exploitation du gaz de schiste

Le gaz de schiste est néanmoins défendu en Europe par la Pologne. L’eurodéputé polonais Bogusław Sonik est d’ailleurs auteur et rapporteur d’un rapport défendant le principe selon lequel “chaque pays a le droit de décider avec quel carburant il veut couvrir ses besoins en énergie et qu’aucune interdiction ne peut être donnée au niveau européen” . Selon M. Sonik, l’exploitation du gaz de schiste est un processus sûr grâce aux lois européennes et nationales existantes.

Le fait est que la Pologne est très dépendante des ressources énergétiques étrangères, et notamment russes. Varsovie se montre donc naturellement favorable à la diversification de l’approvisionnement, voire à l’autosuffisance par le gaz de schiste. Les forages sont d’ores et déjà en cours et le pays envisage l’exploitation des gisements à l’horizon 2014. Toutefois, la Pologne a récemment dû revoir ses ambitions à la baisse, constatant que ses réserves ne s’élevaient pas à 5 300 milliards de mètres cubes, comme l’Institut nationale de géologie l’avait laissé présumer, mais plus vraisemblablement entre 350 et 770 milliards de mètres cubes. Ces réserves représentant tout de même environ soixante ans de production.

Ailleurs en Europe, la Hongrie a accordé des licences d’exploration et d’exploitation de ses réserves en gaz de schiste. La Roumanie avait choisi la même voix mais a finalement gelé l’exploration sous la pression de l’opinion publique. De même, la Bulgarie, pourtant dépendante du gaz russe à l’image de la Pologne, a également interdit la fracturation hydraulique. D’une manière générale, la majorité des pays européens disposant de réserves en gaz de schiste ont mis l’exploitation en suspens, attendant les résultats des études scientifiques évaluant l’impact environnemental et sanitaire. L’Allemagne a par exemple suspendu ses six forages, attendant les conclusions d’un groupe de travail réunissant scientifiques et représentants de l’industrie et du gouvernement. En France, l’Assemblée nationale a prononcé un moratoire sur le forage de gaz de schiste et a interdit la fracturation hydraulique.

Des débats sur ce sujet devraient avoir lieu au Parlement européen dans le courant du mois d’avril. Du propre aveu de Bogusław Sonik, les positions polonaises devraient se heurter à celles des groupes écologiste et socialiste.

En savoir plus

Incidences de l’extraction de gaz de schiste et de pétrole de schistes bitumineux sur l’environnement et la santé humaine - Parlement européen
Gaz de schiste : une énergie sans risque ? - Parlement européen
Gaz de schiste : tour d’horizon de la situation en Europe - actu-environnement.com

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