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José Manuel Durão Barroso, Président de la Commission Européenne : Conférence de Paris pour une gouvernance écologique mondiale

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Je souhaiterais tout d’abord remercier le Président Chirac de nous accueillir à l’ouverture de la conférence sur la gouvernance écologique mondiale. Aujourd’hui, les scientifiques du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, nous passent en quelque sorte le témoin. La synthèse de leurs travaux va nous permettre, à nous acteurs politiques, d’orienter notre action à long terme pour répondre aux scénarios actualisés de changement climatique. Je tiens à remercier le président du GIEC et les 2 500 chercheurs qui ont participé à cette immense entreprise.

C’est à nous, tous ensemble, que reviennent désormais le devoir moral et la responsabilité historique de mettre en place sans plus attendre des parades énergiques, à la hauteur des conséquences prévisibles du réchauffement de la planète.

Je crois que personne ne doit s’y tromper : il n’y a qu’une seule réponse à apporter aux grands défis climatiques. Elle est immédiate. Mais elle est aussi, pour des raisons évidentes, multilatérale.

Le récent rapport de Sir Nicolas Stern a calculé le prix de l’inaction. Si nous n’enrayons pas le changement climatique, il prévoit qu’il nous en coûtera au moins 5% du PIB mondial par an. Si nous prenons le problème à bras-le-corps dès maintenant, il ne nous en coûtera que 1%. La conclusion s’impose : faisons de cette formidable “économie” un investissement prometteur, pour ne pas dire vital, dans le développement durable.

Au-delà des chiffres, et sans céder au catastrophisme, il faut garder à l’esprit les risques d’une “politique de l’autruche” - déséquilibres mondiaux, crises humanitaires et conflits pour la maîtrise des ressources naturelles. Nous ne pouvons pas prendre ces risques.

C’est pourquoi je détournerai la phrase attribuée à André Malraux en disant que “le 21e siècle sera environnemental ou ne sera pas” .

L’Europe, pour sa part, n’a pas attendu pour intégrer le développement durable dans toutes ses politiques et pour parier sur une croissance verte. Pour nous, prospérité et protection de notre environnement sont les deux faces d’une même pièce.

Nous sommes aujourd’hui à quelques semaines de la déclaration de Berlin, qui commémorera le 50e anniversaire du traité de Rome et fixera notre cap pour les prochaines décennies. Dans ce document solennel, j’ai proposé d’inscrire le développement durable parmi les grandes missions de l’Europe de demain. C’est une des attentes profondes des citoyens européens.

À l’intérieur de l’Europe, l’équation “coopération + efficacité” égale nécessité de s’unir. Au regard de l’extérieur, l’Europe veut montrer la voie pour jouer un rôle de force d’entraînement.

Nous vivons actuellement un moment important de l’application de cette équation. La nouvelle stratégie énergétique, que la Commission vient de proposer, en est un exemple : elle apportera une réponse commune au changement climatique. L’énergie contribue à 80% des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Pour éviter que les projections actuelles se réalisent, c’est-à-dire une hausse de 5% de ses émissions d’ici à 2030, on a décidé de “forcer” en quelque sorte le passage à une économie qui produise peu de carbone.

Nous avons placé la barre haut. Par exemple, en fixant des objectifs contraignants pour que les énergies renouvelables représentent 20 % de la production énergétique globale de l’Union d’ici 2020, par un encouragement de la recherche, y compris dans le domaine nucléaire, comme dans le cas d’ITER. Par exemple, en proposant des mesures pour donner un coup de pouce énergique aux biocarburants. Par exemple, en envisageant de réduire de 20 % la consommation totale d’énergie primaire d’ici à 2020, soit une économie en dioxyde de carbone de 780 millions de tonnes par an. Il nous faut un véritable marché intérieur qui protège les droits des consommateurs et les besoins énergétiques de tous pour atteindre nos objectifs de sécurité et de respect de l’environnement. C’est par l’intégration européenne, et non par l’isolement, que nous réaliserons la sécurité énergétique.

Les gouvernements des États membres, qui se prononceront sur ces propositions au Conseil européen de mars prochain, prendront une décision très importante pour l’avenir. Pour l’avenir des Européens, mais aussi pour celui des autres “citoyens de la terre” .

Les deux événements, la déclaration de Berlin et le Conseil européen de mars prochain, sont étroitement liés. La crédibilité de l’Europe dépend non seulement de sa capacité à anticiper les défis à venir, mais aussi à agir pour faire face à ces défis.

L’Europe prend également les devants sur plusieurs fronts.

Elle est par exemple la première au monde à avoir introduit un système de commerce des permis d’émission de dioxyde de carbone. La période de rodage nous a permis d’améliorer certains aspects de sa gestion, pour assurer la crédibilité de ce système révolutionnaire. Nous étudions les possibilités de le relier aux mécanismes que certains de nos partenaires internationaux mettent actuellement en place.

Nous nous attaquons aussi à la définition d’une future politique maritime, qui me paraît très emblématique - et par son contenu, et par sa démarche.

Nous avons voulu jeter un regard neuf et global sur les mers et les océans. C’est-à-dire les considérer comme un macrocosme vital pour notre avenir. Tout d’abord sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique et social.

Pour la première fois, l’Europe va donc réunir dans cette nouvelle politique maritime intégrée toutes les pièces d’un vaste puzzle - emploi, ressources économiques, alimentation, santé, pollution, transports, commerce, recherche scientifique, innovation technologique, nouvelles sources d’énergie, habitats et écosystèmes marins. Parce que tout est lié. Et parce qu’entre ces objectifs parfois divergents, nous voulons trouver un juste équilibre pour protéger le patrimoine marin tout en développant harmonieusement les activités et la vie de nos zones côtières.

Mais là encore, il ne suffit pas d’agir chez soi pour lutter contre le réchauffement planétaire, même avec la volonté et l’ambition dont l’Europe fait preuve. Il faut aussi participer activement à la diplomatie environnementale, qui fait désormais partie intégrante de la politique internationale.

Le défi du changement climatique ne sera relevé que par la coopération internationale : l’ampleur croissante des défis climatiques appelle une réforme urgente de la gouvernance internationale de l’environnement. L’Agenda 21 de Rio, la première “charte”

écologique mondiale, nous a donné un code de conduite. Mais les initiatives politiques internationales sont trop fragmentées ; l’action des agences des Nations unies chargées des questions d’environnement insuffisamment coordonnée et le nombre accords multilatéraux - plus de 400 ! - parle de lui-même.

Nous devons par conséquent faire un grand effort de rationalisation et d’efficacité. L’Union européenne propose de renforcer rapidement le Programme des Nations unies pour l’environnement. Il faut qu’il ait des moyens adaptés - statut, mandat et ressources - pour s’attaquer aux nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés.

L’Europe n’enrayera pas le changement climatique en agissant seule. Elle n’émet que 14% des émissions totales de gaz à effet de serre ; en 2030, elle en émettra 8%. Il faut donc que chacun joue son rôle. C’est pourquoi la Commission européenne veut un engagement des pays industrialisés à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30% d’ici à 2020. Elle propose aussi pour l’Europe un engagement unilatéral de 20% en 2020. Nous irons donc plus loin, jusqu’à 30%, si les autres nous suivent, ce qui est capital. Le Conseil européen de mars devra se prononcer sur cette proposition. C’est en effet le seul moyen qui nous permettra, en 2020, de contenir la hausse des températures à 2 degrés par rapport à celles de 1990. Passé ce seuil, les scientifiques nous le disent, les risques de catastrophes irréversibles augmenteront considérablement.

Nous devons aussi apporter un soutien aux pays en développement pour qu’ils puissent s’adapter au changement climatique. Les plus pauvres sont aussi les plus vulnérables aux modifications de l’environnement, comme l’illustre l’avancée des déserts. Il y a là un enjeu de développement et de sécurité tout à fait crucial. Mais il y a un autre enjeu : sans la coopération des pays en développement, il sera impossible de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés, car en 2020, ils émettront plus de gaz à effet de serre que les pays industrialisés.

Mesdames et Messieurs,

Le scientifique Hubert Reeves a écrit que “l’univers est une machine à faire de la conscience” . J’espère qu’il sera aussi une machine à faire de l’action.

L’Europe a prouvé qu’il était possible d’agir unie pour atténuer le changement climatique. Alors faisons-le à une échelle encore plus vaste et ne perdons pas de temps !

Merci

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