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José Bové : “Sans solutions rapides la moitié des producteurs de lait mettront la clé sous la porte”

Attendue depuis plusieurs semaines, la réunion des ministres européens de l’Agriculture, le 5 octobre à Bruxelles, n’aura pas changé grand chose : la Commission européenne ne semble pas vouloir fléchir fasse aux producteurs laitiers. Le 16 septembre dernier nous avions rencontré José Bové, député européen chez les Verts et membre de la commission Agriculture au Parlement. L’occasion pour le fondateur de la Confédération paysanne de s’exprimer sur l’une des crises majeures que vit le monde agricole.

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Retour sur une crise annoncée

Grève de la faim, destruction de lait, défilés de vaches laitières dans le quartier des institutions européennes : les producteurs européens de lait sont en colère et ne le cachent plus.

En cause ? La crise que subit le secteur depuis de nombreux mois. L’effondrement des prix du lait a en effet entraîné une baisse considérable des revenus des producteurs laitiers qui se plaignent aujourd’hui de ne plus pouvoir vivre de leur production.

Ces derniers demandent donc à la Commission européenne de réguler le marché et d’autoriser notamment les aides à la production. Or, la commissaire en charge de l’Agriculture, Mariann Fischer Boël, mène une politique bien différente en allant dans le sens d’une dérégulation totale du marché.

Les producteurs de lait attendaient donc beaucoup de la réunion du Conseil de l’UE. Or, les ministres européens n’auront pas réussi à faire fléchir l’Exécutif européen. Seule concession : la Commission a demandé la mise en place d’un “groupe d’experts de haut niveau” chargé de faire des propositions pour soutenir le secteur … d’ici juin 2010 !

La mission de ce groupe sera d’étudier l’opportunité de mettre en place de nouveaux arrangements susceptibles d’améliorer encore la stabilité du marché et des revenus des producteurs, de réduire la volatilité des prix et de renforcer la transparence du marché, en vue notamment de la suppression des quotas qui sera effective en 2015

La Commission prévoit d’affecter cette année jusqu’à 600 millions € à des mesures de soutien du marché. Le Conseil se prononcera le 19 octobre prochain sur la proposition de la Commission visant à prolonger la période d’intervention.

Le producteurs considèrent que l’urgence de leur situation n’est pas prise en compte par Bruxelles. Les syndicats veulent cependant voir dans cette proposition de la Commission un pas en avant.

La France, parmi les pays les plus touchés d’Europe par la crise, s’est félicitée, par la voix de son ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire, de cette avancée, considérant qu’il s’agit d’un début de régulation.

Cible directe des producteurs de lait, Mariann Fischer Boël a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne se représenterait pas au poste de commissaire pour l’Agriculture. Elle devra cependant continuer de gérer le dossier pendant encore plusieurs semaines.

“Ne plus produire n’importe comment, dans n’importe quelle quantité”

Pour José Bové, ancien syndicaliste de la Confédération paysanne devenu député européen en juin dernier, “il faut continuer à mettre la pression sur la Commission européenne” . Il rappelle que “40 000 producteurs de lait font la grève du lait (…) donc il y a un vrai souci aujourd’hui. Si il n’y a pas de solutions rapides ce sont la moitié des producteurs de lait qui vont mettre la clé sous la porte” .

L’eurodéputé souhaite que la Commission européenne, et en particulier M. Fischer Boël, “comprenne qu’elle n’est pas seule à décider. Elle fait de l’idéologie : elle veut démanteler l’agriculture, elle ne supporte aucune forme de soutien. C’est pour cela qu’on a assisté ces derniers mois au démantèlement de toutes les organisations communes de marché” .

José Bové préconise donc qu’un certain nombre de solutions soient proposées, notamment :

  • maintenir les prix, afin que les producteurs ne soient pas payés en dessous de leurs coûts de production,

  • diminuer les volumes de production, “on a trop de lait en Europe” , constate-il, “mais en même temps il ne faut pas que les industries européennes se fournissent sur le marché mondial [auprès de producteurs qui vendent à des prix] inférieurs aux coûts de production

L’eurodéputé explique que le problème laitier n’est pas franco-français puisqu’au sein des Verts d’autres partenaires européens soutiennent la même position.

Il reproche cependant aux ministres de l’Agriculture de ne pas avoir su maintenir la pression sur la Commission européenne pour obtenir les solutions nécessaires et indispensables pour les producteurs laitiers de leur pays.

José Bové regrette également la superposition des intérêts nationaux et l’absence de vision globale, que ce soit du côté des Etats membres ou de celui de la Commission européenne.

Ainsi, il prend pour exemple les quotas laitiers : les pays entrés dans l’Union le plus récemment n’ayant pas obtenu de quotas suffisants, ils soutiennent aujourd’hui la proposition de la Commission de les supprimer car ils se jugent lésés. Les 27 n’arrivent donc pas à s’accorder sur des mesures communes qui permettraient à tous de faire face à la crise.

Sources


Mariann Fischer Boel Member of the European Commission Responsible for Agriculture and Rural Development Opening remarks Informal Agriculture ministers’ gathering on milk Brussels - 05/10/09 - Commission européenne

Lait : un groupe à haut niveau va se pencher sur l’avenir à long terme du secteur laitier - 05/10/09 - Commission européenne

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