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Joaquin Almunia : “La réalité, c’est que l’euro nous a apporté depuis sa création la stabilité des prix”

Joaquin Almunia est commissaire européen chargé des Affaires économiques et monétaires. Dans un entretien accordé à Touteleurope.fr, il revient sur l’adhésion prochaine de Chypre et Malte à la zone euro et le rôle de la Commission dans le processus d’adhésion.

Le sixième rapport de la Commission européenne sur les préparatifs pratiques en vue de l’introduction de l’euro à Chypre et à Malte a été publié le 27 novembre. Quelles sont les conclusions de ce rapport ?

Le rapport analyse dans le détail la situation à Chypre et à Malte et conclut que les deux Etats sont globalement bien préparés. Chypre en particulier a fait des progrès considérables depuis le précédent rapport, en juin, dans lequel nous avions exprimé quelques inquiétudes.

Maintenant, il semble que les conditions soient réunies pour un passage à l’euro en douceur. Les entreprises se sont dans l’ensemble bien préparées. Les banques ont déjà reçu les euros et ont commencé à approvisionner les commerces. Grâce à une campagne d’information intense menée dans les deux îles, les consommateurs abordent maintenant le changement de monnaie avec plus de sérénité.

Comment les citoyens chypriotes et maltais sont-ils préparés pour accueillir la monnaie unique ?

Malte a conduit la plus importante campagne de communication jamais menée à ce jour pour préparer l’introduction de l’euro. Chypre est partie plus tardivement, mais a réussi à rattraper assez largement son retard.

Dans les deux pays, tous les canaux possibles sont utilisés : télévisions, radios, journaux, conférences, brochure. Ces campagnes produisent leurs effets : alors qu’ils manquaient encore d’information en début d’année, en septembre dernier un sondage indiquait que les 2/3 des Chypriotes et les 3/4 des Maltais se sentaient bien ou très bien informés.

L’information n’a pas entièrement fait disparaître les craintes qui abondent à Malte et surtout à Chypre, craintes qui concernent l’évolution future des prix.

Mais nous espérons que grâce aux mesures mises en place - signature par les entreprises d’un code de bonne conduite pour ce qui concerne la conversion des prix, Observatoires des prix en partenariat avec les associations de consommateurs, etc - on pourra éviter les dérapages et autres abus.

Ceci est très important car même si les abus sont limités, ils peuvent causer une impression négative durable, surtout s’ils concernent des achats de tous les jours.

Quels sont les critères d’adhésion à l’euro ? Quel est le rôle de la Commission européenne dans cette procédure ?

Les critères ont été fixés par le traité de Maastricht et n’ont pas varié depuis. Ils demeurent d’ailleurs inchangés dans le futur traité de Lisbonne.

Il y a quelques éléments de nature juridique : les banques centrales doivent être indépendantes, elles ne doivent pas financer le secteur public et doivent être capables de s’intégrer dans le système européen de Banques centrales.

Les autres sont de nature économique et visent essentiellement à évaluer la capacité d’un pays à profiter pleinement de la monnaie unique. Concrètement, il faut des finances publiques saines et une inflation sous contrôle, afin d’éviter des problèmes de compétitivité après l’entrée dans l’euro. Il faut aussi avoir participé pendant deux ans au mécanisme de taux de change du Système Monétaire Européen sans sévères tensions, ce qui teste en quelque sorte la capacité à supporter un taux de change fixe. Enfin, il faut des taux d’intérêt à long terme raisonnablement proches de ceux des autres, ce qui résume un peu tous les autres critères : on mesure en quelque sorte par ce biais la confiance des opérateurs financiers dans la stabilité à long terme de l’économie concernée.

La Commission évalue régulièrement le respect de ces critères. Si elle considère qu’un Etat les respecte, elle propose au Conseil son entrée dans l’euro.

Ce qui est très important au sujet des critères dits de Maastricht, c’est que leur respect ne se termine pas avec la qualification pour l’euro. En prenant l’allégorie du football, la qualification n’est qu’un premier pas. Il faut ensuite gagner le championnat c’est-à-dire rester compétitif dans la zone euro. Pour cela il faut poursuivre la consolidation budgétaire et les réformes nécessaires pour que l’économie puisse répondre aux défis de la mondialisation et du vieillissement de la population.

Quel est l’état d’avancement des prochains pays qui entreront dans la zone euro ?

La Slovaquie s’est donnée pour objectif le 1er janvier 2009. Nous saurons au printemps 2008 si elle sera en mesure de le faire. Au delà, les calendriers se font moins précis. Les autres Etats visent en général une entrée dans l’euro entre 2010 et 2014.

Mais ce qui importe, ce n’est pas la date à laquelle on rentre dans la zone euro, mais plutôt d’être bien préparé. Rien ne sert de forcer le pas. Il ne s’agit pas de prendre une longue vue et d’identifier une période de quelques semaines ou mois où les critères sont respectés. Plutôt que de chercher à forcer l’entrée avec des mesures produisant des résultats éphémères, comme par exemple des gels de prix, il vaut mieux prendre le temps de créer le cadre nécessaire à la vie en union monétaire.

De nombreux citoyens européens associent l’adhésion de leur Etat à la zone euro à une hausse des prix et à une baisse du pouvoir d’achat. Que leur répondez-vous ?

Toutes les enquêtes montrent que l’introduction de l’euro a eu un impact assez marginal sur les prix, compris entre 0.1 et 0.3 point. S’il est vrai que la perception dans certains pays est différente, la réalité n’en est pas moins là : à 2 % en moyenne, jamais l’inflation n’a été aussi basse dans les pays qui partagent l’euro. On peut dire la même chose des taux d’intérêt, qui ont permis pour beaucoup l’achat d’une maison. Ce décalage entre inflation réelle et perçue est dû à une conjugaison de facteurs :

il y a eu des abus dans les services de proximité au moment du passage à l’euro. C’est le cas par exemple pour les restaurants, les cafés, les coiffeurs, les cinémas. Je ne dis pas que tous les membres de ces professions ont utilisé le passage à l’euro pour augmenter abusivement les prix. Il y a aussi des raisons objectives qui peuvent expliquer certaines hausses, comme la hausse du coût des produits alimentaires ou l’augmentation du salaire minimum là où il existe. Quoiqu’il en soit et même si ces services ne pèsent pas lourd dans l’indice des prix - personne ne dépense la moitié de son salaire chez le coiffeur ! - ils sont très visibles dans la vie quotidienne et donnent lieu à des dépenses récurrentes ;

à l’époque, beaucoup d’entreprises ont aussi eu tendance à avancer ou reculer leur adaptation des prix de manière à coïncider avec l’introduction de l’euro, ce qui a perturbé le consommateur ;

enfin, les études psychologiques montrent que les consommateurs - vous et moi - se souviennent davantage des hausses de prix que des baisses. S’y ajoute un élément qui explique assez largement le phénomène : les gens conservent à l’esprit leurs anciennes références de prix en monnaie nationale. On se rappelle le prix de la baguette ou du café en francs français, par exemple.

Dans ce contexte, plus le temps passe et plus le prix en euro parait élevé alors que la base de comparaison aurait normalement crû de 15 à 20 % sur la période si la monnaie nationale avait toujours été en circulation. Sans parler du fait que le prix de la baguette et du café n’était, et n’est toujours pas, le même partout…

La réalité, c’est que l’euro nous a apporté depuis sa création la stabilité des prix… C’est un élément essentiel à la préservation du pouvoir d’achat. Les hausses annuelles de salaire sont certes moins importantes que dans les années 80, mais à la différence de cette période, elles ne sont plus absorbées par la valse des étiquettes. Mieux vaut une hausse de salaire de 2,5 % avec une inflation à 2 % qu’une hausse de salaire de 5 % avec une inflation à 6 %, même si le consommateur peut mettre un certain temps à s’en rendre compte !

Propos recueillis le 06/12/2007

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