Touteleurope.eu : Les droits sociaux européens sont-ils aujourd’hui menacés ?
Jean-Paul Delevoye : Sous l’impulsion du Président de la Commission Jacques Delors, le projet économique européen a été équilibré par des fonds de cohésion territoriale et sociale. L’idée était que le développement économique ne pouvait se concevoir qu’avec un certain nombre de protections environnementales et sociales. La Charte des droits fondamentaux a ainsi été élaborée.
Curieusement cette charte, qui a été ratifiée par l’ensemble des Etats membres, n’est pas toujours appliquée, mais surtout qu’au nom de l’intégration européenne, un certain nombre de droits sont en recul, sont fragilisés voire dégradés. Les pays entrent en compétition sur les salaires, la protection contre la maladie, l’âge du travail, l’égalité hommes-femmes…
Aujourd’hui, la crise rend beaucoup plus sensibles ces injustices. Elle constitue alors peut-être une opportunité pour l’Europe de servir non pas uniquement les intérêts de son marché, mais de montrer la voie en conciliant l’économique, le social et l’environnemental.
Touteleurope.eu : La France fait-elle encore partie des bons élèves de l’Europe en matière sociale ?
J.-P. D. : La France est plutôt bien placée par son modèle social, et quelquefois critiquée parce que ses dépenses publiques seraient trop importantes.
Mais c’est son fonctionnement qui est aujourd’hui fragilisé. Il faut revisiter les équations de la République, parce que notre modèle social est paradoxalement un facteur d’exclusion plus que d’inclusion. Le sentiment d’aide et d’assistanat fait reculer la perception de la dignité humaine. Ce modèle doit ainsi être développé et conforté dans sa conception et dans sa solidarité, et contre l’idéologie néolibérale mondiale, car c’est un pacte collectif (ceux qui travaillent paient la retraitent, ceux qui gagnent de l’argent paient la santé…), mais son fonctionnement doit être revu.
Touteleurope.eu : Quels sont les défis sociaux à relever pour la France et l’Europe ?
J.-P. D. : Le Conseil économique, social et environnemental réunit toutes les forces vives de la nation. Avec le président du Comité économique et social européen Staffan Nilsson, nous avons souhaité programmer des réunions des Conseils économiques et sociaux nationaux, pour réfléchir à un certain nombre de sujets susceptibles de faire exploser nos sociétés : la jeunesse, la mobilité, la protection a minima des droits sociaux et leur convergence au niveau européen. Qu’on soit en compétition sur l’innovation ou sur la qualité d’un produit, c’est le principe même de la concurrence, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment des droits sociaux et environnementaux.
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