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Jean-Dominique Giuliani : “Cet accord est une bonne nouvelle pour l’Europe parce qu’il met fin à une crise, devenue quasi-existentielle”

Le 1er juillet 2007, le Portugal succèdera à l’Allemagne à la tête de l’Union européenne. A cette occasion, Jean-Dominique Giuliani, le Président de la Fondation Robert Schuman, dresse le bilan des 6 mois de la Présidence allemande de l’UE et livre ses réflexions concernant l’accord trouvé par les Vingt-Sept lors du Conseil européen..


Accord historique, bricolé, a minima… les commentaires sur l’issue des négociations du Conseil ont été très divergents. Que pensez-vous de l’accord trouvé entre les 27 ? Peut-il relancer l’intégration européenne ?

Cet accord est une bonne nouvelle pour l’Europe parce qu’il met fin à une crise, devenue quasi-existentielle, provoquée par la non-ratification du projet de traité constitutionnel par 9 Etats membres. Le mouvement d’unification en semblait paralysé, les institutions elles-mêmes s’interrogeaient. On doutait.

C’est aussi une bonne nouvelle pour la France qui a fait la preuve, par les propositions et l’action du Président de la République, qu’elle entendait tirer un trait sur son refus de la Constitution, qu’elle voulait jouer tout rôle au sein de l’Union en s’y ré-investissant.

Quant au fond, nous pouvons être satisfait du traité réformateur. L’essentiel des outils institutionnels que prévoyaient la Constitution s’y retrouve. Les institutions européennes vont prendre un nouveau visage dès 2009 et pourront faciliter l’élaboration et la conduite de politiques communes nouvelles, celles-là même qui sont nécessaires pour affronter les nouveaux défis qui nous sont lancés : énergie, sécurité, police et justice, immigration.

L’Union aura un visage, le président du Conseil, une voix, le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité. Elle devrait pouvoir décider plus facilement dans nombre de domaines (40) qui passent à la majorité qualifiée, c’est-à-dire que les Etats pourront moins bloquer le processus et empêcher ceux qui veulent avancer ensemble de le faire pour résoudre les problèmes que nous ne pouvons solutionner tout seuls. L’Union européenne va davantage exister sur la scène internationale où elle disposera de la capacité de conclure des traités et accords ; le premier qu’elle ratifie est la Convention européenne des droits de l’homme. Ce n’est pas négligeable.

Dans le même temps, il a été tenu compte des inquiétudes manifestées par les Français et les Néerlandais qui ont refusé de ratifier la Constitution. Les parlements nationaux disposeront de la possibilité de mieux contrôler le travail des institutions européennes et de faire connaître leur avis. Les services d’intérêt général (services publics) sont protégés et la politique de concurrence, indispensable pour réaliser le grand marché unique d’un demi milliard de citoyens européens, n’est plus magnifiée mais ramenée à son juste rôle de moyen nécessaire pour protéger le consommateur.

La forme choisie, vraisemblablement la seule possible pour sortir de l’impasse, est plus problématique. L’intérêt de la Constitution était de disposer d’un texte unique rassemblant tous les traités européens. Il était compliqué, mais les deux traités consolidés dont nous allons disposer après la ratification de l’accord du 22 juin seront encore plus difficiles à expliquer et à comprendre. Nous restons dans la technique diplomatique alors que nous avons besoin de clarté pour renouer avec les citoyens européens, pour qu’ils s’approprient davantage cette construction et qu’ils en soient fiers. D’ailleurs, tous les symboles européens, qui existent et auxquels les citoyens sont attachés, le drapeau, l’hymne, la devise, ne sont plus mentionnés dans les traités. C’est un peu ridicule, mais si cela a permis de rallier les plus sceptiques !

Que pensez-vous du rôle joué par la Présidence allemande durant ces 6 mois ? A-t-il été déterminant pour la conclusion d’un accord au Conseil ?

Il a été déterminant. Depuis 6 mois Angela Merkel travaille à rapprocher les positions qui se sont éloignées depuis la signature, le 29 octobre 2004, de la Constitution européenne. Elle a pu s’appuyer très tôt sur un couple franco-allemand revivifié, avant même l’élection présidentielle française dont le calendrier ne facilitait pas les choses. Et la France a joué un rôle essentiel dans l’accord trouvé en menant une action très positive.

Les positions de la Pologne et du Royaume-Uni ont beaucoup compliqué le travail de l’Union européenne. La première, dont les nouveaux dirigeants sont très imprévisibles et peu habitués à de vraies discussions entre partenaires, a tout fait pour faire échouer un accord que tout le monde désirait, mais n’en a pas eu les moyens. C’est heureux. Quant au Royaume-Uni, il poursuit sa politique ambiguë qui consiste à profiter de l’Union sans en jouer le jeu et en accepter les disciplines. Il faudra bien un jour que les Britanniques se prononcent clairement pour ou contre leur appartenance à l’Union, plutôt que de freiner systématiquement les bonnes volontés de ses partenaires.

Dans ce contexte, Mme Merkel s’est révélée une remarquable négociatrice, respectueuse de tous les points de vue, mais déterminée à avancer. Soutenue par la France, l’Italie, l’Espagne et la plupart des Etats membres elle a pu conclure après un marathon de 36 heures. C’est une réussite personnelle pour elle.

Il faut enfin reconnaître que l’alliance franco-allemande est toujours indispensable même s’il lui faut se montrer plus ouverte aux autres partenaires de bonne volonté qui sont nombreux.

Propos recueillis le 29/06/07

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