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“Il y a une normalisation de la politique européenne de l’Allemagne” selon Elvire Fabry de Notre Europe

Notre Europe publie vendredi 2 juillet 2010 un rapport intitulé “Where is Germany heading ?”, sous la direction de Renaud Dehousse et Elvire Fabry. Cette dernière nous présente le résultat de ces recherches et nous livre sa vision de l’actualité européenne.

Touteleurope : Pourquoi Notre Europe consacre-t-elle une étude sur l’Allemagne ?

Elvire Fabry : Nous avons lancé le projet à un moment où les débats portants sur la position de l’Allemagne face à la crise grecque faisaient l’objet de réactions très vives à la fois dans la presse allemande et dans les autres Etats-membres. On a voulu prendre du recul sur ces déclarations faites à chaud pour tenter de dresser un état des lieux de l’évolution de la politique européenne de l’Allemagne et évaluer la capacité et la volonté actuelle du gouvernement allemand de répondre à la demande de leadership que semblent aujourd’hui lui adresser ses partenaires européens.

L’objectif était de parvenir à distinguer les grandes tendances de fond qui ont fait évoluer la politique européenne de l’Allemagne ces dernières années, et ce qui relève plus d’une conjoncture de court terme.

Touteleurope : l’Allemagne est-elle moins pro-européenne aujourd’hui ?

Elvire Fabry : Dans l’étude, les experts abordent cette question sous différents angles : la relation de l’Allemagne à l’Euro, l’évolution de l’opinion publique à l’égard de l’UE, la prédisposition du gouvernement à une plus forte intégration communautaire, la politique extérieure, …

Lorsque l’on compare notamment les récents sondages d’opinions à ceux de ces dernières années, on observe une certaine stabilité du sentiment d’appartenance et de l’attachement des citoyens allemands à l’Union européenne. En revanche, plusieurs des experts interrogés analysent ce qu’ils appellent une forme de “normalisation” de la politique européenne de l’Allemagne, au sens où cette dernière intègre davantage que par le passé, les préoccupations internes du pays, à l’image d’autres Etats membres…

Les analyses présentées évoquent moins une remise en cause du rôle que l’Allemagne souhaiterait jouer dans l’UE dans les années à venir, que les préoccupations actuelles du gouvernement - comme notamment la préservation de son capitalisme coopératif et de ses choix de modèle de croissance - qui pourraient l’amener à repenser sa politique européenne. L’objectif de ce rapport n’est pas d’aboutir à une conclusion fermée mais de mettre en évidence les différents acteurs et facteurs internes qui influencent actuellement l’évolution de la politique européenne de l’Allemagne.

Touteleurope : pour la rédaction de cette étude, à quels chercheurs avez-vous donné la parole ?

Elvire Fabry : Nous avons donné en priorité la parole à des Allemands. Six articles sont rédigés par des Allemands et un Germano-Grec, Janis Emmanouilidis. Et nous avons voulu y ajouter le point de vue extérieur, celui d’un grand expert britannique de l’Allemagne, William Patterson, pour avoir du recul sur les différents enjeux abordés dans le rapport et une analyse de la relation franco-allemande notamment.

Touteleurope : D’un point de vue interne, Angela Merkel est en mauvaise posture avec la défaite en Rhénanie du Nord - Westphalie et les difficultés dans la dernière élection présidentielle. Peut-on parler d’une crise du politique outre-Rhin ?

Elvire Fabry : L’article d’Henrik Uterwedde, qui passe en revue l’évolution du modèle allemand de capitalisme coopératif, est à ce sujet assez éclairant. Revenant sur les réformes structurelles lancées par Gerhard Schröder, qu’il qualifie de « modérément » libérales, il évoque la façon dont Angela Merkel a tenté par la suite de poursuivre cet agenda de réforme (passage à la retraite de 65 à 67 ans, …) tout en s’efforçant d’atténuer certains effets négatifs de cette rigueur par davantage d’investissement dans l’éducation, la recherche et l’innovation ou encore les allocations familiales. Or ces choix étaient plus faciles à tenir avec la coalition précédente (constituée avec le SPD) qu’avec la coalition actuelle de la CDU-CSU et des Libéraux. Alors que le FDP souhaitent voir adopter des mesures plus libérales, auxquelles l’opinion publique se montre aujourd’hui moins réceptive, cette coalition est indéniablement difficile à manœuvrer pour Angela Merkel.

Si la récente élection du président allemand a attiré autant l’attention, pour un mandat qui est essentiellement représentatif, c’est bien que la dissidence de certains libéraux, qui ont voté contre le candidat présenté par Merkel, met en évidence la fragilité de cette coalition.

Touteleurope : Dans votre autre rapport Think Global Act European (TGAE), dans lequel vous rassembliez les recommandations que 14 think tanks européens adressent au Trio actuel des présidences espagnole, belge et hongroise de l’Union européenne. Comment jugez-vous le rôle des présidences tournantes du Conseil de l’Union européenne à l’heure du passage de témoin entre les présidences espagnole et belge ?

Elvire Fabry de Notre EuropeElvire Fabry : Il est indéniable que la présidence espagnole a été une présidence de transition, pendant laquelle les nouvelles institutions mises en place par le Traité de Lisbonne, le Président permanent et le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et l’affirmation du Parlement européen dans ses nouvelles compétences de codécision, ont connu une période de rodage, au bout de laquelle, à l’heure actuelle, il est encore difficile d’évaluer ce qu’il reste de la présidence tournante de l’UE assurée par un Etat membre.

Il faut bien admettre que la présidence espagnole a été particulièrement fragilisée par le contexte de crise économique sur lequel elle a eu finalement peu d’emprise. Dans la gestion de la crise grecque, l’acteur le plus déterminant s’est avéré être le président permanent, Herman Van Rompuy. Cette crise lui a permis, d’une certaine façon, de s’installer dans son mandat.

Sur un dossier sur lequel la présidence espagnole affichait beaucoup d’ambition en début de présidence, la nouvelle stratégie “Europe 2020” , on rencontre par ailleurs une déception indéniable. La stratégie vient d’être adoptée sans que l’on ait de visibilité sur la gouvernance même de cette stratégie. Il y a bien des objectifs mais pas de méthode pour les atteindre. Nous pouvons légitimement nous demander si ce n’est pas la nouvelle chronique d’un échec annoncé.
Cependant, sur d’autres dossiers comme la définition de l’organisation du Services Européen d’Action Extérieure (SEAE), il faut reconnaître à la présidence espagnole un rôle constructif de soutien à Catherine Ashton.

La présidence tournante continuera de faire avancer le processus législatif communautaire mais son rôle sera plus difficile à évaluer car sa visibilité sera moindre et sa capacité à rythmer l’agenda européen est atténuée par celle qu’ont acquis les autres institutions.

Il faut espérer que la présidence belge permettra de redéfinir plus clairement le rôle de la présidence tournante. Mais plus encore que ce dernier, c’est bien l’affaiblissement de la capacité d’initiative de la Commission qui doit faire aujourd’hui l’objet de plus d’attention.

En savoir plus :

Where is Germany heading ?, ss la dir. de R. Dehousse et E. Fabry, Studies and Research, n°79, Notre Europe. Traduction française sous deux semaines disponible sur le site www.notre-europe.eu

Le premier Think Global - Act European sorti par Notre Europe en mai 2008

Europe 2020 : un test pour le Trio des présidences ? - Touteleurope

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