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Histoire de l’Union économique et monétaire et de l’euro

Comment la construction européenne a-t-elle abouti à une monnaie unique ? Par quels moyens la zone euro a-t-elle été bâtie ? Quel est le dernier pays à avoir adopté l’euro ? Toute l’Europe retrace l’histoire de l’Union économique et monétaire (UEM) et de l’euro.

Réalisation majeure de l'UEM, l'euro est mis en circulation pour la première fois le 1er janvier 1999
Réalisation majeure de l’UEM, l’euro est mis en circulation pour la première fois le 1er janvier 1999 - Crédits : Leontura / iStock

L’idée de créer une monnaie unique à l’ensemble de la Communauté économique européenne (CEE) fait une première apparition dans les années 1960. Un projet qui n’était était donc initialement pas prévu par les traités européens. Cette absence tenait au fait que les six Etats membres fondateurs participaient déjà au système monétaire international de Bretton Woods, lequel fixait les cours de change des devises.

A la fin des années 60, des problèmes monétaires internationaux commencent cependant à entraver le bon fonctionnement de la CEE, créée en 1957 sur l’idée d’un grand marché unique européen. Les divergences croissantes entre les économies des Etats membres, ainsi que les stratégies monétaires (dévaluation) risquent alors de mettre en péril l’Union douanière.

Du plan Barre au rapport Werner

Afin d’arriver progressivement à une harmonisation de ces économies, la Commission Hallstein présente le 12 février 1969 le plan Barre, du nom du vice-président français de la Commission en charge des Affaires monétaires (qui deviendra plus tard Premier ministre). Raymond Barre envisage le développement progressif de relations monétaires plus étroites entre les Etats membres ainsi qu’une meilleure concertation entre leurs politiques économiques. Il propose en outre d’obliger les Six à ne faire aucun changement dans les parités des monnaies (sauf par un accord préalable), afin de faire face aux déséquilibres entre les devises nationales et d’écarter l’épouvantail d’une crise monétaire internationale. Les pays à faible monnaie comme la France considéraient en effet la solidarité monétaire comme primordiale.

Le plan, adopté le 17 juillet 1969 par les ministres des Finances des Six, fera l’objet de réflexions plus approfondies. Le Sommet de la Haye, ayant lieu quelques mois plus tard, représente ainsi l’occasion pour les chefs d’Etat et de gouvernement de créer les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’une Union économique et monétaire (UEM).

Les Six confient ainsi à Pierre Werner - alors chef du gouvernement et ministre des Finances luxembourgeois - l’élaboration, sur la base du plan Barre, d’un projet détaillé exposant les mesures nécessaires à la réalisation de l’UEM. Le 30 octobre 1970, la Commission européenne rédige une communication adressée au Conseil dans laquelle elle se dit favorable au rapport Werner, “concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire de la Communauté” .

Le Serpent monétaire européen

A la suite de l’écroulement du système de Bretton Woods en 1971 - qui devait initialement éviter les secousses monétaires internationales - le processus ne peut aboutir, du fait de l’instabilité des cours de change. C’est à ce moment-là que l’Europe prend conscience de la nécessité d’une zone de stabilité monétaire. Une première initiative est prise à Bâle (Suisse) le 10 avril 1972 avec la création du Serpent monétaire européen. Les accords prévoient alors un engagement de la part des gouverneurs des banques centrales pour réduire la marge de fluctuation entre les monnaies des Etats membres à un écart maximal de 2,25 % autour d’une parité fixe.

Cependant, cet instrument disparait en quelques semaines. Les fortes tensions sur les marchés qui résultent des crises pétrolières, de la faiblesse du dollar ou encore des divergences économiques et politiques empêchent effectivement la plupart des Etats membres de contrôler leurs taux de change.

Le Système monétaire européen

Mais les 7 et 8 avril 1978, à l’occasion du Conseil européen de Copenhague, le président français Valéry Giscard d’Estaing et le chancelier allemand Helmut Schmidt relancent le projet de la Haye visant à construire une Europe plus politique, et initient la création d’un Système monétaire européen (SME). Celui-ci voit le jour le 13 mars 1979.

Le SME reprend le principe de réduction de la marge de fluctuation propre au serpent monétaire, mais va plus loin en proposant un mécanisme de taux de change fixes mais ajustables entre les monnaies des pays de la CEE, désormais au nombre de neuf depuis l’entrée de la Grande Bretagne, de l’Irlande et du Danemark en 1973. Le SME permet progressivement la création d’une zone de stabilité monétaire. Principale innovation par rapport au serpent : la création de l’Ecu (European Currency Unit), une unité de compte regroupant les valeurs des monnaies qui la composent. Ainsi, aucune devise n’a de statut privilégié.

L’adoption de l’Acte unique européen en 1986 donne un nouvel élan au projet de création d’une monnaie unique, en réaffirmant la nécessité de réaliser une UEM et en fixant un calendrier pour la mise en place de celle-ci.

La création de l’Union économique et monétaire

C’est en juin 1988 que le Conseil européen annonce vouloir instaurer une Union économique et monétaire (UEM). Le président de la Commission européenne de l’époque, Jacques Delors, est alors chargé de former un comité qui étudie les étapes d’avancement. Le rapport Delors, publié l’année suivante, indique trois phases :

  1. Le renforcement de la coopération monétaire et la libération complète des mouvements des capitaux (à partir du 1er juillet 1990)
  2. La création de l’Institut monétaire européen (à partir du 1er janvier 1994)
  3. La fixation irrévocable des taux de change et l’introduction de l’euro (à partir du 1er janvier 1999)

De la coopération monétaire au traité de Maastricht

La première étape de la construction de l’UEM débute en 1990 avec la décision du Conseil européen de confier de nouvelles responsabilités au Comité des gouverneurs des banques centrales des Etats membres de la CEE.

En effet, pendant cette phase, le Conseil européen veut rapprocher les différentes politiques monétaires nationales, afin d’arriver (dans la troisième phase) à la fixation des taux de conversion entre les devises. Les nouvelles missions du Comité consistent donc à mener des consultations sur les politiques monétaires des Etats membres et à en promouvoir la coordination.

En outre, cette première étape vers l’établissement de l’UEM prévoit un grand travail juridique en vue d’une modification du traité de Rome (le traité instituant la CEE). A cette fin, une conférence intergouvernementale sur l’UEM est convoquée en 1991. Celle-ci se tient en même temps qu’une autre sur l’union politique.

Le résultat de ces négociations est probablement l’un des traités les plus célèbres de l’histoire de l’intégration européenne : le traité de Maastricht. Connu aussi sous le nom de “traité sur l’Union européenne” (TUE), ce texte est approuvé en décembre 1991 et signé à Maastricht le 7 février 1992 (il entre en vigueur le 1er novembre 1993).

Concernant le futur de l’UEM, le traité de Maastricht indique notamment les cinq critères de convergence qui règlent l’entrée d’un Etat membre dans la future union monétaire.

La création de l’Institut monétaire européen et de la Banque centrale européenne

La deuxième phase de l’UEM débute avec la mise en place de l’Institut monétaire européen (IME) le 1er janvier 1994. Il s’agit d’une institution “temporaire” qui remplace le Comité des gouverneurs et dont l’objectif est de poursuivre l’intégration monétaire de la communauté en vue de la création d’une Banque centrale européenne (BCE).

L’IME n’a pas la responsabilité de la conduite de la politique monétaire (qui demeure une prérogative nationale) et ne peut pas effectuer des interventions de change. Il est chargé de renforcer ultérieurement la coordination entre les banques centrales et de préparer la création du système européen de banques centrales (SEBC).

Pendant cette deuxième phase, le Conseil européen tranche sur le nom de la nouvelle monnaie unique, l’euro (en 1995), tandis que l’IME présente la série de maquettes sélectionnées pour les nouveaux billets en euros en décembre 1996.

En juin 1997, le Conseil européen adopte le Pacte de stabilité et de croissance, composé de deux volets (préventif et correctif) et visant à assurer la discipline budgétaire dans l’UEM. Le 2 mai 1998, le Conseil de l’Union européenne, réuni au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, décide à l’unanimité que onze Etats membres remplissent les conditions nécessaires pour adopter la monnaie unique. C’est le début de la troisième phase.

La construction de la zone euro

Alors que le 1er juin 1998, la Banque centrale européenne prend la place de l’Institut monétaire européen, six mois plus tard, le 1er janvier 1999, onze Etats membres (sur les 15 qui composent alors l’UE) intègrent la troisième phase de l’UEM. La Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal et la Finlande sont les premiers pays à accepter la fixation irrévocable des taux de conversion de leurs monnaies.

Ce groupe, aujourd’hui connu sous le nom de “zone euro”, s’est agrandi après l’entrée de la Grèce (2001), de la Slovénie (2007), de Chypre et de Malte (2008), de la Slovaquie (2009), de l’Estonie (2011), de la Lettonie (2014) puis de la Lituanie (2015). La Croatie est devenue le 20eme Etat membre à adopter l’euro le 1er janvier 2023.

En théorie, tous les pays membres de l’UE sont censés participer à l’UEM et intégrer un jour la zone euro (quand ils respecteront les critères de convergence). Deux pays bénéficient cependant d’une dérogation. Le Danemark a refusé, dès le début, de s’engager à participer à l’UEM (opt-out). La Suède dispose quant à elle d’un “opt-out informel” : à la suite d’un référendum organisé en septembre 2003 et qui refusa l’adoption de la monnaie unique, le pays s’est intentionnellement maintenu hors des critères de convergence, en ne participant pas au mécanisme de taux de change européen MCE II.

Avant sa sortie de l’UE le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni bénéficiait lui aussi d’un opt-out, ayant refusé comme le Danemark de participer à l’UEM dès son lancement.

L’UEM face à la crise de 2008

La crise économique qui frappe l’Europe à partir de 2008 amène les Etats membres à mettre en place des nouveaux instruments politiques communs plus précis et efficaces. Ces réformes, qui font l’objet de plusieurs sommets, concernent les trois volets de l’UEM : monétaire, économique et budgétaire.

La stabilité de la monnaie unique est longuement mise à l’épreuve durant la crise, et la presse européenne s’interroge plusieurs fois sur le futur de l’euro. L’économie de plusieurs Etats membres est très touchée : les niveaux des déficits et des dettes nationales excèdent alors de loin les règles prévues par le traité de Maastricht. L’UE met des plans de sauvetage afin de renflouer les caisses des Etats. Dans le même temps, les Etats membres discutent d’un approfondissement de l’UEM afin de réaffirmer les principes de Maastricht et d’assurer une meilleure coordination économique et monétaire.

En janvier 2011, le Semestre européen entre en vigueur. Il s’agit d’un outil de coordination et surveillance budgétaire et économique. Fin 2011, l’UE décide de renforcer le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) adopté en 1997 : la réforme dite “six pack” impose des procédures quasi-automatiques en cas d’infraction aux règles et la mise en place de sanctions financières graduelles. Le “two pack”, également adopté à la fin de l’année 2011, porte à la fois sur l’assistance financière en cas de difficulté d’un Etat membre et sur l’adoption du budget national.

En septembre 2012, un mécanisme européen de stabilité (MES) est mis en place - il remplace le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) - afin d’aider financièrement les pays qui le demandent.

Le pacte budgétaire européen (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance - TSCG), en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit notamment l’introduction d’une “règle d’or” budgétaire : c’est-à-dire un principe d’équilibre ou d’excédent des budgets des administrations publiques.

Toujours dans le contexte de la crise économique de 2008, les Etats membres commencent à mettre en place une Union bancaire, adoptée par le Parlement européen en avril 2014. Ce système de surveillance vise à s’assurer que les 130 plus grandes banques de la zone euro, qui présentent un risque systémique pour l’économie, ne tombent pas en faillite. Le but de l’Union bancaire, à laquelle seuls les pays de l’eurozone appartiennent d’office (la participation est libre pour les autres Etats de l’UE), est également d’éviter d’avoir recours à l’utilisation de l’argent du contribuable pour sauver des banques, comme cela a été le cas à partir de 2008. Cette Union repose sur deux mécanismes : le mécanisme de surveillance unique (MSU), auquel participent la BCE et les autorités de supervision nationales, et le mécanisme de résolution unique (MRU), qui comporte le fonds de résolution unique (FRU). Celui-ci, destiné au renflouement en dernier recours des banques en difficulté, est alimenté par ces dernières et doit atteindre environ 55 milliards d’euros d’ici fin 2023. En novembre 2020, les ministres des Finances de l’UE se mettent d’accord pour que le mécanisme européen de stabilité puisse accorder, d’ici 2022, une ligne de crédit de 55 milliards d’euros supplémentaires au FRU et ainsi doubler ses capacités.

En 2015, pour relancer une croissance qui se fait attendre, la BCE fait le pari du “quantitative easing” ou “assouplissement quantitatif”, une version moderne de la planche à billets. L’institution achète alors des titres de dette publique ou privée (banques, assurances, fonds) afin de réinjecter des liquidités et recréer de l’investissement. Déjà pratiquée par la Banque fédérale aux Etats-Unis, cette mesure exceptionnelle marque une rupture dans la politique monétaire traditionnelle de la BCE. Elle avait en particulier longtemps suscité l’opposition de l’Allemagne, qui craignait qu’une telle opération n’alimente les bulles financières en facilitant l’endettement et en décourageant la mise en œuvre de réformes structurelles dans les pays du Sud.

Covid-19 puis guerre en Ukraine

Plus récemment, dans le cadre de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, la BCE lance en mars 2020 un vaste plan de rachats d’obligations, d’émetteurs publics et privés. Ce “programme d’achats d’urgence pandémique (PEPP)”, initialement de 750 milliards d’euros, est porté à 1 350 milliards en juin 2020, puis à 1 850 milliards d’euros en décembre, jusqu’en mars 2022. Les obligations publiques ont finalement représenté plus de 97 % des rachats de titres dans le cadre de ce programme.

Autre initiative majeure pour répondre à la crise du Covid-19 : le plan de relance européen (Next Generation EU) d’un montant de 750 milliards d’euros, adossé au budget 2021-2027 de l’UE et adopté lors du Conseil européen de juillet 2020 (après un compromis sur l’état de droit avec la Hongrie et la Pologne, les Vingt-Sept l’ont définitivement entériné en décembre 2020). Il introduit un concept inédit dans l’histoire de l’UEM : celui d’un endettement commun des Etats membres, auquel plusieurs pays “frugaux” dont l’Allemagne s’étaient jusque-là opposés. La position de cette dernière a finalement évolué à l’aune de la pandémie de coronavirus, aboutissant à une proposition franco-allemande en mai 2020 d’un fonds de solidarité de 500 milliards d’euros, dont le plan de relance est largement inspiré.

Face aux conséquences de la guerre en Ukraine et à une inflation historique en Europe, la BCE décide d’installer un nouvel outil anti-fragmentation le 21 juillet 2022. L’objectif est d’éviter les trop fortes divergences entre les taux des obligations des Etats de la zone euro. Appelé “instrument de protection de la transmission monétaire” (TPI), il doit permettre à l’institution européenne d’acheter des titres souverains émis par un pays si les taux d’intérêt de la dette flambent.

Alors que la crise sanitaire aggrave l’augmentation significative de la dette des pays européens, le manque d’efficacité du Pacte de stabilité et de croissance incite par ailleurs à une révision des règles budgétaires européennes. Soutenue par plusieurs Etats dont la France, la Commission européenne présente un projet de réforme de la gouvernance économique le 9 novembre 2022. Bien qu’elle maintienne les plafonds de dette (60 % du PIB) et de déficit publics (3 % du PIB), elle prévoit des périodes de 4 à 7 ans pour les atteindre et des plans de réformes plus adaptés à la situation de chaque Etat membre. Si les sanctions seraient moins lourdes, elles pourraient toutefois être appliquées plus efficacement qu’aujourd’hui.

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