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Hervé Gaymard : “La notion de diversité culturelle doit aussi s’appliquer à la directive services pour les biens culturels”

L’Assemblée nationale française vient d’adopter le 15 février 2011 une loi relative au prix unique du livre numérique à l’instar de ce qui se pratique depuis 1981 pour le livre papier. Mais du fait de règles européennes, ne seraient concernés que les éditeurs et distributeurs de livres numériques établis en France. Touteleurope.eu a interviewé Hervé Gaymard (UMP) qui a porté cette loi mais qui reconnait bien volontiers qu’il reste des choses à changer à l’avenir.

Touteleurope.eu : Comment la Commission européenne peut-elle se retrouver à donner son avis sur une loi française ?

Hervé Gaymard : J’ai fait un rapport édité par la Documentation française sur la politique du livre en 2009. Il nous est apparu sur la question du livre numérique qu’il fallait “légiférer en tremblant” comme le disait Portalis. Dans ce cadre de cette approche législative minimaliste et pour ne pas handicaper le développement du marché, nous avons touché à deux sujets :

- la TVA, pour qu’il y ait le même taux que pour le papier, ce qui sera le cas à partir du 1er janvier 2012.
- le prix fixé par l’éditeur du livre numérique. Il est nécessaire que l’éditeur ait la maîtrise du prix de son fichier dont on sait qu’il sera moins cher que le livre papier, entre 30 et 40% (à la condition que la TVA soit au taux réduit comme pour le livre papier).

C’est après des discussions entre le Sénat, l’Assemblée nationale, le gouvernement et les professionnels du secteur (avec qui nous avons organisé énormément de tables-rondes et de réunions) que nous avons abouti à un texte consensuel déposé au mois de septembre. Au Sénat, il y a eu un amendement sur la question de l’extra-territorialité proposant que cette loi s’applique en dehors des frontières nationales. En effet, un acheteur en France peut très bien télécharger un livre légalement sur un site à l’étranger.

Nous avons demandé l’avis de la Commission européenne à la fin janvier/début février. Elle s’est montrée opposée à cette disposition au motif qu’elle serait contradictoire avec la directive services.

Touteleurope.eu : Ne risque-t-on pas d’avoir un marché à deux vitesses, comme le président de la Fnac le suggère, entre les distributeurs installés en France et les autres ?

Hervé Gaymard : C’est assez curieux de la part de la Fnac. Le prédécesseur d’Alexandre Bompard a participé à tous les tours de table. J’ai personnellement reçu cette personne une semaine avant qu’il ne change d’affectation et à aucun moment il ne m’a parlé du sujet. Il y a une sorte de défiance vis-à-vis des éditeurs. Donc il s’agit plus d’un problème entre les éditeurs et la Fnac qu’entre la Fnac et le législateur.

J’ai été ministre de l’Agriculture et des Finances et je connais très bien Bruxelles. Je ne suis pas un “eurolâtre” béat et ne me laisse pas impressionner par ce que peut dire parfois la Commission. J’ai toujours été un combattant de la diversité culturelle. Il y a une approche politique des choses dans cette loi et pas une excessive révérence juridique.

On peut se faire plaisir politiquement en disant qu’on vote l’extra-territorialité mais cette loi était inapplicable dans sa forme adoptée par le Sénat. Je suis quelqu’un de pragmatique. Pour aboutir à cet objectif d’un prix unique fixé par l’éditeur, il faut utiliser deux moyens : la loi pour l’ordre juridique français et puis le contrat de mandat pour les plateformes de téléchargement situées à l’étranger.

Touteleurope.eu : Est-ce que le contrat de mandat peut être suffisant ?

Hervé Gaymard : C’est cet outil qui est utilisé aux Etats-Unis. Il y a deux ans, Amazon y avait 85% des parts de marché. Ils ont essayé de forcer Hachette à vendre moins cher le fichier numérique d’un best-seller. Finalement, le livre a été dé-référencé du site d’Amazon qui n’a pas pu tenir longtemps face à Hachette. Aujourd’hui, six éditeurs américains utilisent le contrat de mandat et on a réduit la part de marché d’Amazon de 85% à 45%.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas aller plus loin. La notion de diversité culturelle doit aussi s’appliquer à la directive services pour les biens culturels, et notamment la partie de l’économie numérique s’apparentant plus à la culture qu’aux échanges de services. Mais pour l’instant ce n’est pas les cas. Donc il y a un vrai travail de convictions à faire avec le Parlement européen.

Touteleurope.eu : Ne faudrait-il pas adapter le droit européen de la concurrence en différencier les produits numériques, qui ne connaissent pas de frontière, et les produits physiques ?

Hervé Gaymard : Je suis militant de ce combat-là mais il faut se mettre au boulot. Je suis en relation avec l’eurodéputée Marielle Gallo qui travaille beaucoup sur ces questions numériques.

La notion (et ce qu’elle englobe) de la diversité culturelle est beaucoup plus présente chez les parlementaires européens que chez les fonctionnaires de la Commission… qui sont très obnubilés par l’idéologie “la concurrence ou la mort” . Sur ce sujet, la montée en puissance du Parlement européen avec l’augmentation de la co-décision du fait du traité de Lisbonne est une très bonne nouvelle.

En savoir plus :

Un pays européen peut-il imposer un prix unique pour les livres numériques dans ses frontières ? - Touteleurope.eu

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