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Herman Van Rompuy, cinq ans à la présidence du Conseil européen

Herman Van Rompuy cèdera sa place de président du Conseil européen à Donald Tusk le 1er décembre. Lors de l’une de ses dernières interventions publiques avant la passation de pouvoir, il a choisi de revenir sur ses cinq années de mandat devant les étudiants de Sciences-Po Paris, le mardi 25 novembre.

Herman van Rompuy
Herman van Rompuy a été le premier à endosser la responsabilité de président permanent du Conseil européen, instaurée par le traité de Lisbonne. Son mandat a été mouvementé avec la crise des dettes publiques qui a succédé à la crise bancaire, le conflit ukrainien ou encore la montée des populismes.

“Depuis ces cinq dernières années, l’Europe est devenue impopulaire” , reconnaît l’homme politique belge. La crise a laissé des traces profondes. Les responsables ? Herman van Rompuy, fin diplomate, ne les citera pas de but en blanc, mais il dit comprendre les Européens qui se sont rendu compte “qu’ils avaient été mal gouvernés et que des risques inacceptables avaient été pris par les secteurs financiers” . En tout état de cause, la coupable n’est certainement pas la mondialisation en tant que telle, pour ce chrétien-démocrate qui affirme que “le plus souvent, ces victimes de la mondialisation sont en fait celles des réformes qui n’ont pas été faites à temps” . Il nomme ainsi la Grèce, pour qui la crise de l’eurozone n’a fait que “révéler les handicaps structurels de la Grèce” et épouse la ligne du respect des règles budgétaires imposée depuis la crise. Il estime que dans le cas de la Grèce, certains médias et “leaders politiques irresponsables” ont opéré une “caricature” .

Une montée globale du populisme global

L’ancien Premier ministre belge constate ainsi la montée des populismes. Pour lui, les politiques menées au niveau européen n’en sont pas responsables, puisque le populisme “est beaucoup plus large que la crise de la dette et beaucoup plus large que la zone euro” . Il explique que “les tendances dans les démocraties aussi diverses que les États-Unis, la Suisse ou la Norvège montrent que les États membres de l’Union sont loin d’être les seuls” . Il estime néanmoins que leur succès “souligne la faiblesse de l’offre en matière d’opposition, qui reflète une crise de la politique traditionnelle dans de nombreux pays.
Pour moi, le populisme est la fausse promesse d’une identité restaurée. L’illusion que la fermeture d’une barrière peut arrêter le cours des choses. Le mensonge selon lequel vous pouvez survivre dans un marché mondialisé seul et sans faire d’effort. Les populismes offrent un exutoire à la peur, à la colère et au ressentiment.
Dans ce contexte de doutes, “l’horloger des compromis impossibles” , comme il est surnommé, affirme qu’ “on a besoin de plus d’Europe, non pas pour des raisons idéologiques, mais quand on a fait le choix d’une monnaie commune (…) c’est une nécessité” . Le pragmatisme semble guider l’intellectuel discret qui estime que “pour la première fois, [les Européens] ont le sentiments d’être dans le même bateau, qui a eu l’air parfois d’un bateau ivre” . Encore une fois, le président du Conseil européen, institution rassemblant les chefs d’État et de gouvernement, affirme que le problème ne vient pas du niveau européen, mais que pour améliorer la croissance, “il faut se concentrer sur les réformes structurelles” , pour lesquelles “les autorités nationales sont en première ligne” .

Les causes de la faible croissance ne sont pas à chercher du côté de la politique monétaire, qui est accommodante, et elle n’est plus à chercher du côté de la politique budgétaire dont l’orientation n’a pas pesé sur la croissance en 2014. Il y avait déjà un taux de chômage structurel très élevé dans une période de croissance beaucoup plus forte, avant la crise bancaire et avant la crise financière. On a tendance à l’oublier. On avait déjà un problème bien avant la crise de l’eurozone.

La France, un sujet délicat

Concernant l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, Herman van Rompuy affirme que “c’est au peuple britannique de décider” . Il ne partage pas l’avis selon lequel ce pays ralentirait les avancées européennes, au contraire, il “a été constructif dans les grandes négociations sur le budget européen” et “souvent, il a entraîné les autres vers l’avant” . Solennellement, il explique que “sans le Royaume-Uni, l’Europe serait blessée, amputée. On doit donc tout faire pour l’éviter. Mais l’Europe survivra. Sans la France, l’idée européenne serait morte. Le projet, conçu dans ce pays depuis des siècles et né à Paris, ne pourrait survivre” .

Le président du Conseil européen estime que la France est “un sujet délicat” . Face à la montée de l’euroscepticisme, il clame que “la France ne peut pas se replier sur elle-même, comme le voudrait une partie radicale et de gauche, et de la droite” .
La France a besoin de l’Europe car elle n’est grande qu’en Europe. Mais l’Europe a besoin, elle aussi, d’une France économiquement forte, libérée des passéismes de tous genres, confiante en elle-même.

Le président du Conseil européen, “gardien de la confiance”

Revenant sur son mandat, le président du Conseil européen estime que “l’une de ses responsabilité est d’agir comme un gardien de la confiance” , entre les États et les institutions européennes. Il rappelle au sujet de l’institution que “la description du poste et des compétences formelles de son président sont assez vagues, voire squelettiques (…) tout ce qui n’est pas prévu de manière formelle a dû être créé de manière informelle” . Critique envers les moyens qui lui sont alloués, il signale également qu’il n’a “ni responsabilité budgétaire, ni administration propre, ni le droit de nommer des collaborateurs, dont le nombre est restreint” . Il explique également qu’il a “un mandat assez court, deux ans et demi renouvelable une seule fois (…) : moi, j’ai une autre définition de la permanence” .

Sur le rôle du Conseil européen, Herman van Rompuy est clair, “c’est essentiellement une instance politique, dont le rôle est de définir la direction générale à suivre” , mais “ne doit pas s’occuper de la gestion au jour le jour. Les autres institutions de l’Union le font beaucoup mieux qu’elle dans le cadre de la méthode communautaire” .
Il estime néanmoins que l’institution doit “passer à l’action quand des cas particuliers se présentent, changer les traités, arrêter le budget européen et aussi, bien sûr, gérer les crises” . Au cœur de la crise ukrainienne il affirme qu’ “il y avait plusieurs acteurs” , la Haute représentante, les ministres français et allemands, les chefs d’État et de gouvernement. Selon lui le président du Conseil européen doit veiller à ce que “le plus possible, on donne le même message, même s’il y a plusieurs voix” et choisir son créneau “là où le Conseil européen doit prendre des décisions. Les sanctions étaient une telle décision (…) le seul vrai levier” .

Son successeur, le Polonais Donald Tusk, prendra ses fonctions au 1er décembre. Lorsqu’on lui demande s’il aurait un conseil, il dit lui avoir déjà transmis que “chaque président du Conseil européen devra définir son rôle, en tenant compte de son propre tempérament et des circonstances (…) Mais pour bien fonctionner à la présidence du Conseil européen, on doit se considérer à la tête d’une institution importante, sans qu’on ne soit soi-même important.

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