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France-Croatie : un Mondial sous influence européenne

Dimanche 15 juillet, la Coupe du monde 2018 va rendre son verdict, avec une finale France-Croatie. La compétition aura souri aux pays de l’Union européenne, qui ont monopolisé les 4 places en demi-finales. Une performance sportive majeure à l’heure où politiquement l’Europe apparaît au contraire fragile.

Kylian Mbappé et Luka Modric
Kylian Mbappé et Luka Modric - Crédits : Kirill Venediktov et Svetlana Beketova

France, Croatie, Belgique et Angleterre. Les pays de l’UE, qui étaient 10 sur 32 parmi les qualifiés pour le Mondial 2018, ont marqué la compétition de leur empreinte et monopolisé les quatre places de demi-finalistes. Et après deux matchs indécis et intenses, Français et Croates se retrouvent pour le graal du football mondial, dimanche 15 juillet à Moscou (17h, heure française).

2006-2018 : destins croisés

Au Mondial 2006, pareille performance avait déjà été réalisée. Les demi-finalistes s’appellent alors Allemagne, France, Italie et Portugal. L’UE, qui ne compte alors “que” 25 membres (il manque la Bulgarie, la Roumanie et… la Croatie) marche sur le football. L’Union n’est certes pas dans une forme olympique, ayant essuyé un an auparavant le rejet du projet de constitution. Mais nous sommes avant la crise économique, qui va sérieusement faire trembler l’édifice sur ses bases. Et surtout les Européens affichent une assez forte unité. Le mot “Brexit” n’existe pas. Viktor Orban, alors dans l’opposition, est fréquentable. Et seule l’Autriche, par ailleurs marginalisée au niveau européen, compte un parti populiste au pouvoir.

Douze ans plus tard, les Etats membres de l’UE règnent à nouveau sur le football, mais le contexte politique a profondément changé. Sur le plan économique et social, les Européens achèvent seulement de panser les plaies de la crise, les pays méditerranéens continuant de souffrir. Le Royaume-Uni a voté par référendum en faveur du Brexit et, depuis, Londres se débat avec les modalités du divorce. Enfin, et non des moindres, une vague populiste ne cesse de déferler aux quatre coins du continent, de l’Italie à la Pologne, en passant par la Hongrie, le Danemark et l’Autriche. Dit plus simplement, l’Europe est en perte de confiance, fragilisée par un clivage Ouest/Est croissant, nourri par la crise migratoire.

Le Mondial 2018, un instantané de l’UE

Le contraste entre l’Europe politique et l’Europe footballistique est donc frappant. La Coupe du monde 2018 fait ainsi office de soupape de décompression, du moins pour les quatre nations aux meilleurs parcours. Et donne un aperçu assez représentatif de l’actuelle diversité de l’Union.

Première finaliste, la France est de retour au centre du jeu européen après avoir fait refluer la progression du Front national en 2017. Mais ses nombreuses propositions pour l’avenir de la construction européenne peinent à convaincre le reste de l’UE.

Deuxième finaliste, la Croatie est aussi le dernier pays à avoir intégré l’Union en 2013 - il n’y aura d’ailleurs probablement pas de nouvelle adhésion avant de nombreuses années. Etat plutôt discret sur les dossiers les plus controversés comme ceux de la gestion des migrations ou encore des travailleurs détachés, il poursuit son rattrapage économique en vue d’une intégration à la zone euro.

Battue par la France, la Belgique est l’autre membre fondateur de l’UE à avoir réussi une belle Coupe du monde. L’occasion rêvée de rassembler un peuple scindé en deux depuis de nombreuses années. Car si le pays n’a pas connu de crise politique depuis fin 2011, le spectre de sa fragmentation n’est pas écarté. Une situation qui n’est d’ailleurs pas unique en Europe, en atteste la crise catalane en Espagne.

Enfin, défaite par la Croatie, l’Angleterre a probablement raté sa dernière occasion de remporter un titre majeur en tant que pays membre de l’UE. Le Brexit étant programmé pour l’an prochain, le pays devrait en effet disputer la prochaine compétition - l’Euro 2020 - en tant qu’Etat tiers. Et puisque les Européens n’en sont pas à un paradoxe près pendant ce Mondial, c’est au moment où les Anglais sont en plein doute politiquement et où sa sélection paraissait peut-être la plus faible, que cette dernière a su serrer les rangs pour réaliser un beau parcours.

La “vieille” France contre la “jeune” Croatie

Samedi 14 juillet à 16h, Belges et Anglais, qui se sont déjà affrontés au 1er tour, se retrouveront pour la “petite finale” . Les premiers voudront atténuer leurs regrets d’avoir été proches d’éliminer la France. Les seconds se battront pour que les tabloïds, d’ordinaire si cruels à leur égard, poursuivent leurs louanges. Même si quoiqu’il advienne, les deux sélections savent qu’elles seront accueillies en triomphe à leur retour de Russie. De quoi éclipser encore un peu les délicates réalités politiques.

Et, bien sûr, dimanche 15 juillet à 17h, Français et Croates croiseront le fer en clôture du Mondial. Comme en 1998, lorsque la France avait battu la Croatie au bout du suspense, les Bleus auront certainement à aller au bout d’eux-mêmes pour obtenir une deuxième étoile sur leur maillot. Car la Croatie, pays de 4 millions d’habitants et indépendant depuis seulement 1991, ne fera aucun complexe d’infériorité face à une nation un peu plus “historique” . A Zagreb, la finale est même vue comme l’événement le plus important depuis l’indépendance.

Le match ne devrait tout de même pas prendre une dimension trop extra-sportive. Le dialogue entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale a beau être difficile voire heurté, la France et la Croatie ont beau appartenir à des “blocs” de plus en plus opposés, il convient tout de même de ne pas surjouer l’antagonisme entre les deux pays. D’autant moins que la Croatie ne fait pas partie du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), qui concentre la majeure partie des prises de position offensives et polémiques.

Grand pays de sport collectif (football, basket, handball, volley…), la Croatie a simplement l’opportunité de se faire un peu plus connaître et de compter un peu plus dans le concert des nations. Un sentiment qui, à en croire les prestations de l’équipe depuis le début de la Coupe du monde, devrait davantage la galvaniser que la paralyser. Les Français sont donc prévenus : comme lors de toute négociation européenne, tout sentiment de supériorité sera sanctionné. Prudence et constance donc. Et allez la France.

En finale, dimanche 15 juillet à Moscou (stade Loujniki), la France s’est imposée 4 buts à 2 face à la Croatie, remportant ainsi sa deuxième Coupe du monde, après celle de 1998.

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