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Fous d’Europe, les Britanniques ?

God save l'Europe - © Jacob-Duvernet, 2006Ils achètent des résidences secondaires en Espagne, viennent se faire soigner en Normandie, font la fête à Prague, accueillent dans leurs équipes de football la crème des joueurs continentaux mais n’en demeurent pas moins viscéralement attachés à la livre, à l’Union Jack et à tout ce qui fait leur spécificité historique. Tel est le paradoxe des Britanniques, ainsi que les présente cette enquête menée auprès de nos voisins d’outre-Manche par Catherine Ilic et Chloé Leprince, journalistes correspondantes à Londres au début des années 2000. En une dizaine de chapitres au ton vif et bien documentés, les deux auteurs explorent les différentes facettes des rapports complexes entre les Anglais et le continent.

En instaurant la libre circulation des personnes, l’Europe a modifié la vie quotidienne des Britanniques et leur a ouvert de nouveaux horizons. On rencontre ainsi au fil des pages plusieurs personnages bien conscients des bénéfices de la construction européenne, comme cet agriculteur qui, après avoir organisé le boycott de produits français durant la crise de la vache folle, soutient désormais la PAC avec ferveur, ce sujet de Sa Majesté qui s’est fait élire dans une commune du Limousin ou encore ce patron d’une PME londonienne tout heureux de trouver dans l’immigration polonaise une main d’œuvre compétente et motivée. Cela ne les empêche pas de se montrer souvent critiques envers le fonctionnement de l’Union et sceptiques quant aux chances d’une intégration plus poussée des peuples européens. Mais la plupart de leurs compatriotes demeurent spontanément hostiles à “Bruxelles” , son administration “coûteuse” , sa réglementation “envahissante” . Et ce à tel point que les édiles de Liverpool, ville longtemps sinistrée qui a retrouvé sa vigueur économique en partie grâce aux aides européennes, n’osent témoigner en faveur de l’UE, de peur de déplaire à un électorat majoritairement europhobe.

Espoirs déçus

L’arrivée au pouvoir de Tony Blair en 1997 augurait pourtant d’un changement de mentalités, le fondateur du New Labour ne cachant pas sa sensibilité proeuropéenne, partagée à l’époque par de nombreux entrepreneurs britanniques acquis au marché unique et à l’euro. Mais comme le soulignent Catherine Ilic et Chloé Leprince, le blairisme a engendré beaucoup d’ “espoirs déçus” en la matière.

L’Europe a-t-elle fait les frais de l’alliance tacite scellée entre Tony Blair et Rupert Murdoch, magnat de l’influente presse tabloïd ? Toujours est-il que l’adoption de l’euro longtemps esquissée par Blair n’a jamais eu lieu. Le Ministre de l’Economie Gordon Brown s’est rapidement érigé en gardien de la livre et les milieux d’affaires, inquiets du fossé grandissant entre le dynamisme de l’économie britannique et l’atonie du continent, semblent avoir renoncé à soutenir ce projet.

Si le Royaume Uni n’est pas devenu plus européen au cours des dix dernières années, l’UE est sans nul doute plus britannique aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. Ce tropisme anglo-saxon tient en grande partie à l’élargissement de 2004, mais également à l’activité déployée par les représentants britanniques au sein des institutions communautaires et dans les différents lobbies. En diffusant leurs idées, ils ont impulsé un virage vers une Europe concrète, pragmatique, soucieuse d’efficacité, qui semble avoir (momentanément?) renoncé à ses hautes ambitions politiques. Une Europe qui finalement pourrait davantage convenir aux Britanniques s’ils se décidaient à rompre avec les idées reçues.

Catherine Ilic & Chloé Leprince, God save l’Europe !, Jacob-Duvernet, 2006

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