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Européennes : que retenir du débat du 22 mai sur France 2 ?

A quatre jours du scrutin, la chaîne publique a confronté 15 listes candidates aux Européennes en France. Le point sur les principaux éléments de la première partie, qui a opposé Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, François Bayrou, Raphaël Glucksmann, Yannick Jadot et Manon Aubry.

Plateau du débat des têtes de liste ou de leur représentant, diffusé sur France 2, le 22 mai (capture d'écran)
Plateau du débat des têtes de liste ou de leur représentant, diffusé sur France 2, le 22 mai (capture d’écran)

A gauche, trois têtes de liste : Manon Aubry pour La France insoumise, Raphaël Glucksmann pour la liste commune Place publique-Parti socialiste et Yannick Jadot pour Europe Ecologie - les Verts. A droite, trois chefs de partis : le président du Modem François Bayrou pour représenter la liste “Renaissance” menée par La République en marche, celui des Républicains Laurent Wauquiez et enfin Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national.

Au menu : quatre thèmes identifiés par l’institut de sondage Ipsos, représentant les sujets de prédilection des Français pour les Européennes : environnement et climat, pouvoir d’achat, place de la France en Europe et dans le monde et immigration.

Ecologie populaire contre localisme et barrière écologique

Définitivement le thème central des élections européennes en France, les questions écologiques ont occupé la première partie du débat, mené par les journalistes Thomas Sotto et Alexandra Bensaïd. D’abord interrogés sur l’opportunité d’interdire les moteurs diesel dans l’UE à l’horizon 2040, les candidats et chefs de partis ont illustré leurs différences. Lorsque Laurent Wauquiez, pour qui cette mesure n’est pas la priorité environnementale, et Marine Le Pen, qui croit en des progrès technologiques en la matière au cours des prochaines années, s’y opposent, Manon Aubry, Raphaël Glucksmann et François Bayrou y sont favorables.

S’agissant de Yannick Jadot, le candidat des Verts estime pour sa part que l’horizon 2030 est celui à sélectionner, car quand on est confrontés à “700 000 morts prématurées par an, on est obligés d’agir” . Et l’eurodéputé de plaider pour la conciliation des mesures environnementales et sociales car, estime-t-il, c’est “l’écologie sociale qui combat la vie chère et crée de l’emploi” .

Plutôt proches sur cette question, les têtes de liste de La France insoumise et de l’alliance Place publique-Parti socialiste-Nouvelle donne plaident également pour une “écologie populaire” et posent la même question s’agissant de la transition écologique : “qui paye” ? Pour Manon Aubry, il revient aux pouvoirs publics de mettre en œuvre des “alternatives” et un terme à l’ouverture à la concurrence des services publics comme le rail, qui conduit à la “fermeture des petites gares” . Quant à Raphaël Glucksmann, l’essayiste propose de “taxer les bénéfices des grandes compagnies” qui, en Europe, paient en moyenne 5 points de moins d’impôts qu’aux Etats-Unis.

Dans des styles certes différents, Laurent Wauquiez et Marine Le Pen proposent pour leurs parts d’utiliser les frontières dans le domaine environnemental. Pour le patron des Républicains, l’Europe fait beaucoup, “mais ne se préoccupe pas du reste du monde” : il est ainsi nécessaire de fixer une “barrière écologique” aux produits étrangers ne respectant pas les normes européennes. Concernant la présidente du Rassemblement national, le mot clé est celui du “localisme” , qui signifie la généralisation des circuits courts et de cesser de faire fabriquer des produits à l’autre bout du monde “par des esclaves pour des chômeurs” .

Le projet en un objet

Comme lors du débat organisé par la chaîne en avril, les personnalités ont introduit le débat par la présentation d’objets ou de photos incarnant leur projet pour l’Europe.

Marine Le Pen a ainsi présenté la photo d’un chauffeur routier afin de déplorer la concurrence déloyale, “ADN” de l’Union européenne, exemplifiée par la directive sur le détachement des travailleurs.

Pour François Bayrou, c’est une statue de chouette, “oiseau de la sagesse (…) qui voit pendant la nuit”, mais aussi une “espèce en danger”, qui fait écho aux menaces pesant aujourd’hui sur l’Europe.

Manon Aubry a brandi une bouteille d’oxygène, “car l’UE est à bout de souffle” concernant les “règles européennes [qui] nous étouffent”, les “services publics à l’asphyxie”, “l’injustice fiscale” ou encore la pollution et le changement climatique.

Raphaël Glucksmann a évoqué ce “moment où l’Europe faisait rêver les peuples” à travers une photo de Jacques Delors, qui présidait la Commission européenne avant que l’Europe ne faillisse “mourir en passant aux mains de José Manuel Barroso et Jean-Claude Juncker”.

Pour Laurent Wauquiez, “civilisation”, “culture” et “identité” européennes, issues des Lumières et de “racines chrétiennes”, a été portée par une photo de la cathédrale du Puy-en-Velay.

Enfin Yannick Jadot a présenté le bulletin de vote de la liste Europe Ecologie : “79 combattants de l’écologie et du régionalisme” qui poursuivront “toutes les victoires” des Verts au Parlement européen “sur l’environnement, la santé, la liberté, contre les OGM et Monsanto, pour les énergies renouvelables…”.

Pouvoir d’achat : produits de première nécessité et SMIC européen

Première question sur le pouvoir d’achat : faut-il instaurer une TVA à 0 % sur les produits de première nécessité ? Pour Manon Aubry comme pour quatre des personnalités présentes sur le plateau, une telle mesure est nécessaire. Mais la candidate LFI rappelle que le cadre européen actuel interdit les taux de TVA inférieurs à 5 %, règle que seule l’unanimité des Etats membres permettrait de changer. Pas besoin de sortir des traités cependant pour Raphaël Glucksmann, qui prône un “rapport de force politique” permettant, à travers une “coopération renforcée” par exemple, d’instaurer une politique fiscale différente. Laurent Wauquiez n’est “pas contre la mesure en soi”, mais contre son coût, qu’il estime à 13 milliards d’euros. Pour le chef des Républicains, “la meilleure protection européenne du pouvoir d’achat” est l’euro, qui “protège les salaires, les retraités contre l’inflation” et que Marine Le Pen souhaiterait selon lui affaiblir.

Réponse de cette dernière : une telle taxe ne coûterait que 6 milliards d’euros, tandis qu’il serait nécessaire de remettre de la justice fiscale sur l’essence et de “faire énormément d’économies” sur “l’immigration” ou “la fraude”. Pour la présidente du Rassemblement national, les nations doivent par ailleurs donner des directives à la Banque centrale européenne, afin que celle-ci lutte pour la croissance et contre le chômage. Pour Yannick Jadot enfin, il est possible de “faire évoluer la TVA pour moins taxer ce qui fait du bien à l’environnement et davantage taxer ce qui vient de loin”. Par exemple en interdisant d’ici 5 ans “les produits issus de pays qui ne respectent pas la liberté syndicale”.

Vient le sujet du SMIC européen, porté par plusieurs des candidats avec des montants différents. Ainsi de Raphaël Glucksmann, qui le fixerait à 65 % du salaire médian au niveau européen. Celui-ci déplore par ailleurs que la directive européenne proposant un congé parental paritaire ait été refusée par le gouvernement français. Pour François Bayrou, celle-ci aurait en effet imposé que “les congés parentaux soient payés au tarif du congé maladie”, ce qui aurait entraîné un coût trop important. Par ailleurs, on ne peut selon lui imposer de tels choix aux couples. Manon Aubry, elle aussi favorable à la directive européenne sur le congé parental, défend un SMIC européen à 75 % du salaire médian dans chaque pays, mais également un encadrement des écarts de salaire, avec un rapport maximum de 1 à 20. Pour Laurent Wauquiez, le SMIC européen est une fausse bonne solution : la priorité n’est “pas la concurrence entre pays européens” mais la “concurrence déloyale de la Chine”, notamment en termes d’accès réciproque aux marchés publics.

Réciprocité des échanges, protectionnisme vert et solidaire, ou patriotisme national ?

Troisième question posée : la place de l’Europe dans le monde. Quel degré de “protectionnisme” adopter, interrogent Thomas Sotto et Alexandra Bensaïd ?

J’ai souvent envie de poser cette question à Marine Le Pen” , raille François Bayrou, selon qui la priorité est de mettre en œuvre une “réciprocité” dans les échanges avec les Etats-Unis ou la Chine, plutôt que de fermer les frontières car, le cas échéant, nos produits et services seront à leur tour bloqués. Une idée également défendue par Laurent Wauquiez - même si le président de LR a cherché à se différencier du représentant de la majorité présidentielle - pour qui la lutte contre la “concurrence déloyale” passe par la “réciprocité” . Pour les deux hommes, l’échelon européen apparaît ainsi comme pertinent.

Moi ça ne me suffit pas” , rétorque Marine Le Pen. Pour la dirigeante du RN, “il faut du patriotisme économique national” , prenant l’exemple du secteur de la “restauration collective” . Les “agriculteurs français produisent la meilleure nourriture du monde” , “laissons les Français la consommer” , a-t-elle plaidé.

A l’autre extrémité du spectre, Manon Aubry et Raphaël Glucksmann plaident tous deux pour la mise en place d’un “protectionnisme vert et solidaire” . Pour la tête de liste de LFI, les accords de libre-échange européens organisent en effet “le grand déménagement du monde” et ont conduit la multiplication par trois du trafic de marchandises depuis 25 ans. Tandis que ce protectionnisme vis-à-vis de l’extérieur doit être accompagné, selon elle, d’une lutte contre le “dumping social” à l’intérieur, avec notamment l’abrogation de la directive sur les travailleurs détachés. Pour sa part, Raphaël Glucksmann met plutôt en avant l’importance de “l’harmonisation fiscale” afin de créer un espace européen “cohérent” .

Se positionnant également contre les accords de libre-échange en ce qu’ils “harmonisent les normes par le bas” , Yannick Jadot estime pour sa part que la solution réside dans la constitution d’une “politique industrielle européenne” afin de “peser sans naïveté” dans le commerce mondial et d’être en mesure de réagir au dumping exercé par la Chine.

Ne souhaitant pas renouveler l’expérience d’un débat avec un trop grand nombre de personnalités, France 2 et France Inter ont fait le choix de recevoir dans un premier temps les représentants des 6 partis annoncés en tête par les sondages, puis d’organiser un “second tour” avec 9 autres candidats. Toute l’Europe rend compte des échanges du premier débat à 6, l’intégralité des échanges étant disponible ici.

Immigration : contrôles aux frontières nationales et quotas migratoires

Doit-on rétablir les contrôles aux frontières nationales ? Le “Oui” de Laurent Wauquiez résonne, avant une explication. Il faut une “double protection aux frontières” : européennes d’abord, mais “la France doit aussi avoir la maîtrise de ceux qui entrent ou non sur son territoire”.

“Mieux surveiller les frontières extérieures” : une nécessité aussi pour Raphaël Glucksmann, accompagnée d’un droit d’asile européen et d’une “répartition contrainte des demandeurs d’asile en Europe”. Le problème est, pour la tête de liste PS-Place publique, cet accord “inique” de Dublin qui fait peser “tout le poids de l’accueil des réfugiés sur les pays d’entrée”. Pour Marine Le Pen, il faut certes un corps de garde frontières, mais différent de l’agence Frontex, qui est aujourd’hui une “agence d’accueil des migrants”.

Sur l’instauration de quotas obligatoires de migrants dans les pays de l’UE, seuls Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann y sont favorables. François Bayrou “ne croit pas aux politique autoritaires qui s’imposeraient aux Etats”, qui servent ceux qui y sont les plus opposés. Manon Aubry souhaite quant à elle “un mécanisme européen de coordination”, et notamment “un corps européen de sauvetage en mer”, que Frontex n’est pas aujourd’hui.

Yannick Jadot veut quant à lui réformer les accord de Dublin pour accueillir les demandeurs d’asile “en dignité”, mais également “lutter contre la source” dans les pays d’origine, comme le dérèglement climatique ou les “milices libyennes”. Enfin, Laurent Wauquiez propose de “ramener tous les migrants sur les navires vers les côtes africaines”, afin que les demandes d’asile soient “faites de l’autre côté de la Méditerranée”. “Quand on entre dans une maison on demande la permission”, conclut-il.

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