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Europe : la norme sans la force

TelosContrairement à la vision qu’on peut en avoir “de l’intérieur” , l’Union européenne est, par les normes qu’elle met en place, “un acteur hyper régulateur” . C’est cette forme d’influence particulière que souligne Zaki Laidi dans un article publié par Telos. Directeur de recherche au Centre d’études européennes de Sciences-Po, Zaki Laïdi est notamment l’auteur de “La norme sans la force, l’énigme de la puissance européenne” (Presses de Sciences-Po, 2005).

La préférence forte de l’UE pour la norme s’explique essentiellement par le fait que c’est “le seul moyen de lier durablement le destin d’Etats qui entendent rester souverains tout en abdiquant une partie de leur souveraineté” , explique l’auteur. En effet, ce qui caractérise une norme c’est “le principe de consentement” originel. La norme commune est par la suite “d’autant plus contraignante qu’elle aura été négociée” . “Le sens et la portée de cette puissance normative ne doivent être sous-estimés” , défend Zaki Laïdi, car “la puissance normative de l’Europe découle largement de son pouvoir de marché” qui est loin d’être négligeable. Qui renoncerait à un marché d’un demi milliard de consommateurs parmi les plus riches du monde ?

Les normes européennes ont un impact au-delà même du territoire européen. “Dans un monde globalisé, chacun a intérêt à ce que les normes reconnues à l’échelle mondiale soient les plus proches de ses intérêts.” Du fait que les frontières entre le marché européen et le marché mondial sont de plus en plus “floues” , le relèvement considérable de ces normes constitue en réalité la première source de puissance de l’Europe” , avec les inconvénients que cela peut avoir sur la compétitivité des entreprises européennes.

Avec la politique européenne de voisinage et la fameuse assimilation de l’acquis communautaire, on touche néanmoins “aux limites d’une politique fondée sur des normes acceptées car négociées” , puisque, celles-ci étant à prendre ou à laisser, tout “dépend plus d’un rapport de forces que d’un choix librement consenti” .

Zaki Laïdi analyse plus en détails les trois domaines où l’influence normative européenne est la plus forte. Tout d’abord l’environnement. Ainsi, lors des négociations à l’OMC, les agriculteurs américains ont décidé “de renoncer à produire de nouvelles variétés d’OGM tant qu’ils [n’auraient] pas l’assurance que le marché européen ne leur serait pas fermé” . Deuxièmement, la régulation de la concurrence mondiale. On peut penser ici au fait que “c’est une entreprise américaine qui a porté plainte contre Microsoft en Europe, comme si elle avait considéré qu’il serait plus facile de le faire en Europe qu’aux Etats-Unis” . Troisièmement, la gouvernance mondiale, qui toutefois “est loin d’avoir tenu ses promesses et l’Europe est loin d’avoir accordé ses principes avec ses actes” . Ainsi, dénonce l’auteur, “l’Europe qui parle d’un monde plus ouvert fait, par ses divisions nationales, obstacle à une meilleure représentation des émergents tant au Conseil de Sécurité qu’au G7 ou au FMI” .

Zaki Laïdi conclut : “il n’y a pas de norme possible sans équité, sauf à croire que la norme n’est, en définitive, qu’un instrument de puissance entre les mains de ceux qui n’ont pas la force pour l’exercer” .

Lire l’analyse

Zaki Laïdi, “Les formes inattendues de la puissance européenne” , Telos, décembre 2007

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