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EU-Talk n°11 avec Agnès Benassy-Quéré

Le 14 février dernier, le “groupe Eiffel Europe” composé d’économistes et de politiques présentait une déclaration “pour une communauté politique de l’Euro”. Un texte, qui se veut intergénérationnel et apolitique, et qui s’inspire d’un manifeste - publié à l’Automne Outre-Rhin - par le groupe de réflexion allemand Glienicker.

Comment réformer un euro en crise, comment lutter contre le désamour européen pour cette monnaie commune qui cristallise le projet européen ? Quelles réformes cette déclaration préconise-t-elle ? Comment se différencie-t-elle des autres prises de parole et manifestes du même type ? A l’occasion d’un chat organisé par Touteleurope.eu mercredi 5 mars, Agnès Bénassy-Quéré, membre du “groupe Eiffel Europe” a répondu aux questions des internautes sur ce sujet.

Mme Bénassy-Quéré est économiste spécialisée dans les questions monétaires internationales, professeur à Paris I - Panthéon Sorbonne et présidente déléguée du Conseil d’Analyse Economique.

Agnès Benassy-Quéré

Retrouvez le contenu du chat ici :

10h55 Toute l’Europe :
Bonjour à tous, le chat va commencer dans quelques minutes ! A vos questions !

11h18 Agnès Bénassy-Quéré :
Bonjour à tous, pardon pour ce retard dû à un pb technique.

11h18 Commentaire de la part de MadameBâ
Les divergences politiques et économiques entre les différents pays de la zone euro semblent irréconciliables à court ou moyen terme. En quoi vos propositions peuvent-elles changer quelque chose ?

11h19 Agnès Bénassy-Quéré : Il y a en effet une scission inquiétante entre pays du Nord et pays du Sud.
Notre proposition permet d’y remédier en associant les citoyens au traitement de la crise économique.
Plutôt que de confier la responsabilité à une troïka peu démocratique, avec veto de facto du parlement allemand.

11h20 Commentaire de la part de Guillaume H
Dans la déclaration “Pour une communauté politique de l’Euro” , il est indiqué que “l’Europe a un potentiel industriel, agricole et de services qui doit être valorisé” . Or, selon vous, est-ce que les grands accords bilatéraux en cours ou à venir constituent une réelle opportunité pour l’UE ? Doit-on continuer dans cette voie du libre-échange qui valorise peut-être le potentiel commercial de l’UE mais n’est pas forcément dans l’intérêt des consommateurs européens ?

11h21 Agnès Bénassy-Quéré :
L’intérêt du consommateur européen est incontestablement le libre-échange. On estime à 1 mois de salaire moyen le gain de pouvoir d’achat lié à la mondialisation.
La question est plus compliquée pour le producteur car la mondialisation induite des transferts massifs entre secteurs d’activité.
Une mondialisation “heureuse” est une mondialisation où ces transitions sont accompagnées, où les gagnants de la mondialisation aident les perdants. C’est cela l’enjeu, et nous avons besoin de l’Europe pour que la mondialisation soit gagnante.

11h23 Commentaire de la part de Louise
La déclaration parle de l’austérité trop importante qui a été mise en place dans les Etats membres et qui a eu des effets considérables sur les dettes publiques. Concrètement quelles sont les mesures complémentaires que les Etats peuvent mettre en place pour réduire leur endettement ?

11h24 Agnès Bénassy-Quéré :
Le groupe Eiffel pense qu’il est contre-productif de museler totalement la politique monétaire mais qu’en même temps les Etats ont besoin de se désendetter.
La proposition est de créer un budget au niveau de la zone euro qui aiderait les Etats à traverser les périodes de crise, tandis qu’au niveau national les règles budgétaires seraient respectées (un peu comme aux Etats-Unis, même si, au moins au départ, le budget “fédéral” sera nécessairement limité).

11h25 Commentaire de la part de Fabien
Vous avez dit lors d’une de vos chroniques sur France Culture que vous souhaitiez répondre à un appel d’un groupe allemand. Qu’y avait-il de si marquant dans leur texte pour que cela vous donne envie de réagir ?

11h26 Agnès Bénassy-Quéré :
Les Glienicker reconnaissaient que la politique suivie depuis le début de la crise n’est pas tenable dans la durée ; ils reconnaissaient l’excès d’austérité au niveau agrégé pour l’ensemble de la zone euro (Allemagne comprise). Ils brisaient des tabous allemands.

11h26 Commentaire de la part de Françoise
Outre le manifeste Piketty-Rosanvallon et la proposition du groupe Glienicker en Allemagne, avez-vous eu vent d’autres initiatives de ce type dans d’autres pays d’Europe ? Ne serait-ce pas l’étape suivante ?

11h27 Agnès Bénassy-Quéré :
Il y a beaucoup de points communs entre Eiffel et Piketty-Rosanvallon et les deux initiatives se renforcent mutuellement.
La différence majeure est la question de la représentation citoyenne : Piketty-Rosanvallon et al. veulent que la représentation soit issue des parlements nationaux. Nous pensons qu’elle doit être élue directement en même temps que le Parlement européen (les candidats des Etats de l’euro candidatant automatiquement pour les 2 assemblées). A partir du moment où le budget repose sur des ressources propres, la légitimité des parlements nationaux disparaît. En outre, il est dangereux de donner le pouvoir européen à des politiques élus sur des programmes nationaux. On a vu ce que cela donne avec le Conseil.
Il y a une initiative aussi en Italie. je n’en connais pas d’autres mais il y a un renouveau des discussions entre grands pays au niveau des experts du moins.

11h31 Commentaire de la part de Gaston
Quels pays sont à l’origine de l’idée d’un renforcement de l’union des pays de la zone euro ?

11h32 Commentaire de la part de Clément LUZEAU
Vous proposez un exécutif et une assemblée propre à la zone euro (même si composée de parlementaires européens) pour en améliorer la gouvernance. Pensez-vous qu’il s’agit ici d’un premier pas vers une “Kerneuropa” , telle que la réclamait MM. Schaüble et Lamers dès 1994, ou qu’il s’agirait d’une confirmation de la géographie polycentrique de l’Union actuelle, où différentes coalitions avancent ensemble sur différents sujets ?

11h34 Agnès Bénassy-Quéré :
C’est en effet aller dans le sens d’une intégration politique, que la France a refusée par deux fois. En creux, on acte le fait que tous les pays de l’UE28 ne désireront pas forcément en faire partie. Mais en même temps, un pays comme le Royaume-Uni n’a pas intérêt à une désagrégatio de la zone euro. Attention nous ne proposons pas une Europe à la carte : faire partie de l’euro omplique un ensemble de transferts de souveraineté - c’est tout ou rien.

11h34 Commentaire de la part de Jean-Guy Giraud
Est-il vraiment opportun de créer une STRUCTURE INSTITUTIONNELLE SPÉCIFIQUE pour la zone Euro, distincte de celle de l’UE ?

11h37 Agnès Bénassy-Quéré :
En effet dupliquer les institutions européennes fait peur. C’est pourquoi nous proposons que le Parlement zone euro soit élu en même temps que le Parlement européen et que les députés soient les mêmes pour ce qui concerne les pays de la zone euro. Il reste à traiter la question de la Commission européenne qui actuellement ne travaille que pour l’UE28. Il faudrait à la zone euro l’équivalent d’un Trésor qui pourrait être un département de la commission.

11h37 Commentaire de la part de Jean-Guy Giraud
“Communauté POLITIQUE de l’Euro” ?
Les États membres de l’Eurozone ont-ils vraiment une vision POLITIQUE commune de l’avenir de l’UE (intergouvernementale/fédéraliste) ?

11h39 Agnès Bénassy-Quéré :
Les élus nationaux préfèrent bien évidemment l’intergouvernemental qui leur donne l’illusion du pouvoir. Le groupe Eiffel soutient qu’une vraie souveraineté partagée vaut mieux qu’une fausse souveraineté nationale. Une partie de la classe politique en est convaincue mais c’est difficile à exprimer publiquement.

11h39 Commentaire de la part de Mona
Ne pensez-vous pas que les initiatives que vous proposez (mettre en place une Communauté de l’euro notamment) ne peuvent apporter qu’une réponse à long terme ?

11h41 Agnès Bénassy-Quéré :
La construction européenne s’est faite par avancées successives qui souvent ont été programmées sur plusieurs années avec des étapes. prendre une orientation claire aujourd’hui avec différentes échéances (notamment celle d’un nouveau traité) serait un signal fort en interne mais aussi en externe (car nos partenaires asiatiques et autres commencent eux aussi à désespérer).

11h41 Commentaire de la part de Christophe
Qu’apporte à un groupe comme le vôtre d’avoir des économistes, des chefs d’entreprise, des politiques, des think-tankionistes ? Pensez-vous que cela change réellement votre perspective ?

11h44 Agnès Bénassy-Quéré :
Nous avons voulu un groupe pluraliste pour apporter des éclairages différents sur une même question. En tant qu’économiste, je participe à de nombreux débats entre économistes où les questions institutionnelles par exemple sont reléguées au second plan alors que c’est central pour notre avenir commun.

11h44 Commentaire de la part de Arthur
L’ajout d’une autre “zone” à la réalité déjà complexe de l’Europe (UE, zone euro) ne va-t-il pas jouer en défaveur de l’Europe et du projet de Communauté politique ? Il me semble que cela comporte le risque d’embrouiller davantage les idées - déjà confuses - des citoyens européens sur l’Europe

11h46 Agnès Bénassy-Quéré :
Il n’y a aucun ajout, seulement une transformation. Donc deux cercles concentriques, qui existent déjà de facto ou sont en préparation (mécanisme européen de stabilité et union bancaire, deux avancées majeures dans l’intégration, ne concernent que la zone euro).

11h46 Commentaire de la part de Simon
Le groupe de Glienicker peut-il infléchir la position de l’Allemagne pour desserrer l’étau des politiques d’austérité ?

11h47 Agnès Bénassy-Quéré :
La politique budgétaire allemande est corsetée dans une règle inscrite dans la constitution, donc ça va être difficile de bouger. Mais il y a eu récemment des avancées notamment la création d’un SMIC en Allemagne, qui aura un effet positif sur le pouvoir d’achat, donc sur la demande.

11h48 Commentaire de la part de Jeanjean Comment relancer la croissance et faire revenir la confiance afin d’éviter l’effondrement de la zone euro ?

11h51 Agnès Bénassy-Quéré :
Le groupe Eiffel insiste sur le fait que la France doit, si elle veut être crédible, “balayer devant sa aporte” . Par exemple, on ne peut pas sérieusement convaincre sur l’assurance chômage européenne avec un marché du travail si dysfonctionnel. Le sursaut d’intégration que nous proposons peut être aussi un vecteur de changement en France, en donnant une perspective plus positive aux citoyens qui sont bien légitimement angoissés par les réformes. Et en étant reglo sur ses engagements, la France pourra plus facilement convaincre qu’il faut investir davantage dans la croissance au niveau communautaire.

11h51 Commentaire de la part de Babs
Que penser des arguments des économistes qui défendent une « sortie ordonnée » au motif que nous allons dans le mur et qu’un renforcement de la gouvernance économique au niveau européen sera rejeté par les peuples ?

11h53 Agnès Bénassy-Quéré :
La “sortie ordonnée” est un mythe. Elle sera nécessairement désordonnée. Pour quel bénéfice ? Est-ce qu’on a bien conscience que l’Italie, qui dévaluera la lire par rapport au franc, est un partenaire plus important pour nous que les Etats-Unis ?

11h53 Commentaire de la part de Rama
Doit-on plus craindre la déflation en zone euro ou l’inflation en cas de sortie de l’euro ?

11h55 Agnès Bénassy-Quéré :
Les deux ! C’est cela qui est difficile à expliquer. Aujourd’hui l’inflation est vraiment trop faible et la BCE va j’espère demain prendre de bonnes décisions. Mais sortir de la zone euro et permettre à la nouvelle banque centrale de monétiser la dette publique, c’est en effet une très bonne recette pour une inflation à 2 ou 3 chiffres (voir les travaux historiques sur le sujet). Or l’inflation est une taxe qui touche prioritairement les petites entreprises et les ménages les plus démunis…

11h56 Commentaire de la part de José_v
Souhaitez-vous recevoir l’adhésion des citoyens ou des décideurs politiques ? Si vous souhaitez que votre appel soit porté par « les citoyens/la société civile » comment comptez-vous faire connaitre vos idées ? Pourquoi ne pas lancer une initiative citoyenne européenne, surtout si la démarche se veut « franco-allemande » (avec le groupe de Glienicker)

11h58 Agnès Bénassy-Quéré :
Oui, nous espérons beaucoup que d’autres initiatives fleuriront. Pour l’instant nous dialoguons prioritairement au niveau des experts dans différents pays mais en effet cela ne servira à rien sans un relai dans les milieux associatifs, syndicaux, business et autres. Je vais relayer la suggestion auprès de mes collègues think-tankers !

11h58 Commentaire de la part de Frank Comment concrètement faire accepter une chambre parlementaire de la zone euro, donc faire un pas de géant vers une communauté politique, quand c’est justement l’une des avancées qui fait le plus peur à nos citoyens ?

11h59 Agnès Bénassy-Quéré :
On pourrait commencer par critiquer le fait que les questions relatives à l’euro sont débattues dans une commission présidée par une parlementaire anglaise ! Ce n’est pas satisfaisant et une solution doit être trouvée rapidement.

12h00 Commentaire de la part de Octave
Qu’attendez-vous des élections européennes ?

12h01 Agnès Bénassy-Quéré :
Un débat sur l’Europe (pas sur la politique intérieure) et un fort taux de participation. Il faut que les partis politiques et les citoyens prennent conscience de l’importance aujourd’hui de peser dans le débat européen.

12h02 Agnès Bénassy-Quéré :
Merci pour vos questions très pertinentes. A une autre fois j’espère ! 


12h02 Toute l’Europe :
Merci à Agnès Bénassy-Quéré d’avoir participé à notre chat ! Bonne journée à tous…

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