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EU-Talk n° 2 : chat avec Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles pour le quotidien Libération, sur le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012

Le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 portera à la fois sur les dossiers économiques (Acte pour le marché unique, mécanisme unique européen de surveillance bancaire), la défense et l’élargissement de l’Union européenne. Le Conseil pourra également être amené à se pencher sur certaines questions de politique étrangère.Â

Les internautes ont débattu lors de ce chat spécial Conseil européen avec Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles pour le quotidien Libération.

Retrouvez le contenu intégral du chat ici.

10h54 Toute l’Europe :
Bonjour, le chat ‘EU-Talk’ avec Jean Quatremer commencera dans quelques minutes. Vous pouvez poser vos questions en direct dès maintenant !

11h12 Jean Quatremer
Bonjour à tous.

11h12 Commentaire de la part de Javier
Cher Monsieur Quatremer, je vous félicite pour votre blog ‘Coulisses de Bruxelles’ et je vous remercie pour ce chat sur le dernier Conseil européen de 2012. Il est clair que le projet européen n’est pas très populaire parmi les citoyens européens… Comment changer cette perception, qui est la leur, où l’Europe est la cause de leurs difficultés économiques et de leurs frustrations politiques ? Comment expliquer mieux l’Europe aux citoyens ?

11h22 Jean Quatremer :
L’Union sert hélas d’exutoire aux citoyens, mais surtout aux politiques qui y voient un moyen commode de justifier leurs échecs. Reprenons les choses dans l’ordre : est-ce l’Europe qui est responsable de la crise économique ? Pas plus que la France en tant que telle. Ce sont les politiques qui sont menées (en Europe ou aux USA) par des politiciens élus qui sont responsables de ce que nous vivons. On fait comme si l’Europe en soi menait une politique alors que ce sont des femmes et des hommes élus qui la décident. Souvent, j’entends la gauche déplorer la politique de “droite” menée par l’Europe : mais comment avoir une politique de gauche ou disons moins austéritaire, plus solidaire, plus sociale, alors que les électeurs votent en masse pour des partis conservateurs (voir la composition du PE)? Donc, ce qui est décevant, c’est un gouvernement de l’Europe, pas l’Europe en tant que telle. L’Europe reste bien le seul moyen de peser sur le monde, sur l’économie, sur la finance. On ne m’a jamais démontré en quoi la France seule ferait mieux face à la crise. On ne m’a jamais démontré comment par exemple, elle aurait pu imposer aux banques la réglementation que l’Europe vient d’adopter, etc.

11h22 Robin L.
Beaucoup d’europhiles (Cohn-Bendit, Verhofstadt, Barroso etc.) présentent les élections européennes de 2014 comme le prochain évènement politique majeur pour l’UE. Le parti majoritaire des élections enverra sa tête de liste comme nouveau président de la Commission. Dans “Debout l’Europe !” est proposé de faire de la prochaine Assemblée une Constituante pour réécrire un nouveau traité européen de réforme institutionnel. Mais que se passerait-il si les eurosceptiques faisaient un score important ? Avons-nous une idée de ce à quoi pourrait ressembler le Parlement européen de 2014 ?

11h23 Jean Quatremer :
Toujours à Javier : Je vous renvoie quand même au livre de Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstatdt, Debout l’Europe, qui répond en détail à votre question.

11h24 Jean Quatremer :
Je ne suis pas Madame Soleil et les élections de juin 2014 sont dans 18 mois, un siècle en temps politique. Mais si les eurosceptiques gagnent, qu’il en soit ainsi. Si les citoyens ne veulent plus de l’Europe et préfèrent les vieux Etats nations, ce sera leur choix !

11h25 Jean Quatremer :
Car l’Europe est démocratique contrairement à ce que l’on entend ici ou là.

11h26 Commentaire de la part de Max
En cas de référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE et en cas de vote exigeant son départ, faut-il s’inquiéter d’un effet domino ?

11h31 Jean Quatremer :
Un référendum en GB me parait inévitable. Il faut donc qu’il ne soit organisé qu’une fois que les traités européens auront été modifiés afin de mettre en place une Europe à géométrie variable : l’idée serait de lui offrir, plutôt qu’un départ pur et simple, la possibilité d’adopter un statut à la Suisse, où elle ne prendrait que ce qui l’intéresse dans les politiques européennes (en payant en fonction de ce qu’elle retiendrait). Car il est clair qu’avec l’approfondissement de la zone euro, plusieurs pays refuseront de suivre : le Danemark, la Suède, la Tchéquie, notamment. Donc il faut dès à présent prévoir cette Europe diverse. Le mythe delorien d’une Europe avançant d’un même pas vers un avenir glorieux est mort et bien mort comme l’a montré la crise de la zone euro. Il m’a toujours semblé illusoire de croire que 30 pays ne rêvaient que d’une chose, créer une Europe fédérale. Mais il ne faut pas insulter l’avenir et leur permettre de rejoindre le mouvement le jour où ils seront politiquement prêts.

11h32 Commentaire de la part de T.T.
Encore un sommet des chefs d’Etat qui vont discuter de sujets digne des ministres des finances, voire de directeur de ministères des finances. Que faut-il faire pour que nos chefs d’Etat aient envie de parler de politique de l’Union, de vision pour l’Europe, de projets pour l’avenir ?

11h36 Jean Quatremer :
Ce sont les Français qui veulent faire remonter la discussion sur l’union bancaire au niveau des chefs. Les Allemands s’y opposent fermement, voulant se concentrer sur l’avenir de la zone euro, un sujet qui, justement, met mal à l’aise François Hollande. Son rêve : que l’on s’écharpe sur l’union bancaire pendant deux jours et que personne ne parle de la feuille de route menant à l’Europe fédérale. Or, c’est bien cela le coeur de ce sommet. Donc, pour répondre à votre question, le seul moyen d’obliger Hollande à parler politique est de régler cette nuit, au niveau des ministres des finances, l’union bancaire. Aux Allemands de faire des concessions pour placer la France face à ses non-dits !

11h36 Commentaire de la part de Mamad
Pensez-vous que les décisions du Conseil européen seront de toute façon minimes en attendant les prochaines élections en Allemagne ?

11h39 Jean Quatremer :
Les élections allemandes vont effectivement peser sur le calendrier. Certaines questions qui fâchent seront mises sous le tapis, comme les euro-obligations. Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, et ses camarades présidents, vont donc présenter une feuille de route qui n’insulte pas l’avenir (en ne fermant aucune porte) afin que Merkel puisse donner son aval.

11h41 Jean Quatremer :
Cela étant, ces élections vont pourrir l’ambiance. Déjà Hollande a commis une faute en pariant sur une alternance : la superstructure étatique n’aime pas ce manque de loyauté et le lui fera payer. Il faut se rappeler Chirac qui a mis Kohl en difficulté en mai 1998 lors de la nomination du premier président de la BCE : Schröder le lui a fait sévèrement payer ensuite à Nice. La règle, en Europe, est de jouer la coopération loyale avec les majorités en place.

11h43 Commentaire de la part de Emilio Fuentes
L’Europe traverse une longue et difficile crise. En Espagne nous perdons l’optimisme peu abondant qui nous restait. Voit-on depuis Bruxelles une lumière à la fin du tunnel ? L’Europe renforcée ou plus faible sortira-t-elle ?

11h45 Jean Quatremer :
Je ne suis pas sûr que le tout austérité choisi par la droite soit la bonne réponse économique. Il faut être Olli Rehn, le commissaire finlandais aux questions économiques et monétaires pour proclamer “l’austérité ça marche!” Quand on gagne ce qu’il gagne, il y a des phrases que l’on ferait mieux de ne pas prononcer (ce qui montre au passage qu’il faut absolument démocratiser la Commission européenne pour que les citoyens puissent sanctionner de tels commissaires…).

11h49 Jean Quatremer :
Mais on ne peut pas incriminer l’Europe pour ce qui se passe en Espagne : ce sont les gouvernements successifs qui ont mené une politique économique suicidaire (mais on ne pouvait rien dire à l’Espagne qui donnait alors des leçons de bonne gestion à la France…) et ce sont les marchés qui l’ont sanctionné. Europe ou pas, droite ou pas, il faut redresser le pays et le redressement du pays passe par des sacrifices. Je ne vois aucune sortie de crise qui ne soit pas douloureuse (contrairement aux docteurs Diafoirus qui affirment que sans l’euro, la crise serait une sorte de Disneyland amusant).

11h49 Commentaire de la part de T.T.
Vous êtes un excellent journaliste qui couvre les questions européennes. Ce n’est malheureusement pas le cas de bon nombre de vos collègues qui ne s’intéressent pas à l’UE, avec les conséquences que l’on sait sur le peu d’intérêt des citoyens par rapport à l’Europe. Quels conseils donneriez-vous aux politiques et aux journalistes (ou à qui vous voulez) pour améliorer la situation ? En d’autres termes, comment parvenir à créer une agora européenne ?

11h49 Jean Quatremer :
Merci pour le compliment que je prends avec plaisir 😉

11h51 Jean Quatremer :
Cela fait 20 ans que je m’occupe d’Europe (Hé oui, Emilie, et la moindre remarque sera mal prise), et je n’ai pas vraiment de réponse à votre question. Il y a une vraie résistance dans les journaux au traitement de l’actualité européenne. Regardez, par exemple, la place que l’on accorde dans les journaux à l’Egypte par rapport à l’UE (ou même l’Allemagne).

11h54 Jean Quatremer :
L’une des raisons est sans doute la formation : les écoles de journalisme négligent les questions européennes et encouragent les jeunes à devenir des généralistes (c’est-à-dire des incompétents dans tous les domaines) ou des grands reporters (le syndrome Albert Londres). C’est à mon avis une erreur mortel, surtout dans la presse écrite : l’information brute est disponible partout gratuitement, il faut donc donner du sens et de la profondeur et cela, seuls des spécialistes peuvent le faire.

11h55 Commentaire de la part de clemence
Après le prix Nobel de la paix, un geste fort de nos gouvernements serait le bienvenu. Pourquoi ne pas envisager un début d’harmonisation fiscale si nécessaire pour casser la concurrence malsaine à laquelle se livrent nos pauvres pays ?

11h58 Jean Quatremer :
Les pays partageant la même monnaie ne peuvent plus se livrer au petit jeu de la concurrence fiscale déloyale (loyale si on baisse les impôts parce qu’on est bien géré). L’exemple de la Belgique est frappant : elle surtaxe les revenus du travail par rapport à ses voisins puisque le travail est peu mobile (à 1500 euros par mois, vous êtes déjà dans la tranche à 45 %) et ne taxe ni le capital, ni l’immobilier (pour acheter la paix des rentiers).

11h58 Jean Quatremer :
Il faudra donc un minimum d’harmonisation, un minimum d’équilibre. Mais bien sûr pas d’harmonisation totale, cela n’aurait aucun sens.

12h00 Commentaire de la part de philou
la proposition de vrp de budget de la zone euro vous semble-t-elle viable ?

12h02 Jean Quatremer :
Absolument et même nécessaire ! L’un des vices de construction de l’euro est justement l’absence de budget commun, de solidarité commune. Il faut que la zone euro ait les moyens de venir en aide à un pays qui fait face à un choc asymétrique et ce budget de la zone euro sera l’un des moyens d’éviter que la crise grecque ou portugaise se répète. Voici le papier que j’ai fait sur les propositions de la Commission dans ce domaine : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2012/12/2018-la-f%C3%A9d%C3%A9ration-de-la-zone-euro-voit-le-jour.html

12h03 Commentaire de la part de Gauthier
Quel mesures entreprenez vous avec vos collègues correspondants a Bruxelles et europhiles pour changer le traitement de l’UE dans les medias nationaux ? comment réagissent vos rédactions ?

12h04 Jean Quatremer :
J’ai déjà répondu à cette question un peu plus haut. Je précise que les Allemands ou les Britanniques ont moins de difficulté à traiter de l’Europe que les Français ou les pays du sud, c’est-à-dire ceux qui sont en crise… Ceci explique peut-être cela 😉

12h07 Commentaire de la part de Fanny
Que penser de la nomination d’Yves Mersch contre la volonté du Parlement ? Pourquoi seule l’Espagne a-t-elle osé s’opposer à la nomination ?

12h14 Jean Quatremer :
Je suis scandalisé par cette BCE uniquement mâle, blanche, chrétienne. C’est tout le contraire de la diversité européenne. L’affaire de la nomination du Luxembourgeois Yves Mersch n’est même pas une question de “parité”: il s’agissait simplement qu’il y ait une femme parmi 23 membres du directoire et gouverneurs de banque centrale. Le Conseil européen a balayé les objections du Parlement, mais au moins on a évité la nomination par procédure écrite lors du we de la Toussaint qu’a essayé le très démocrate président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et ce, grâce à l’Espagne. Madrid a maintenu jusqu’au bout son opposition, mais surtout pour des raisons nationales : elle voulait avoir un de ses ressortissants au directoire. Cela étant, il aurait suffi d’une abstention française ou italienne pour bloquer cette nomination. En tous les cas, les dirigeants européens ne sortent pas grandis de cette affaire et la BCE est tristement consciente que son image a été atteinte (on peut aussi dire merci à Jean-Claude Juncker qui n’a même pas essayé de négocier avec le Parlement européen).

12h14 Commentaire de la part de Sarah
D’après vous, quel impact le départ de Mario Monti pourrait-il avoir sur la crise économique et financière européenne ? et à fortiori, sur les rapports de forces intra-UE ?

12h15 Jean Quatremer :
Le retour de Berlusconi a déjà eu pour effet de réveiller les marchés qui s’étaient calmés depuis août dernier. Cela montre à quel point il n’y a désormais plus de politique intérieure, mais seulement de la politique européenne…

12h16 Jean Quatremer :
Cela étant, après un mouvement de panique, les marchés ont analysé la situation et se sont rendu compte que “le retour de la momie” avait peu de chance de se réaliser.

12h18 Jean Quatremer :
Celui-ci serait catastrophique : Monti avait réussi à peser sur l’Allemagne en s’appuyant sur Hollande et à rassurer les marchés. Un retour de Berlusconi (l’homme qui croit que le “spread” est une invention destinée à le faire tomber…) risquerait de faire à nouveau plonger la zone euro dans la crise. Pourvu que les électeurs italiens le comprennent !

12h19 Jean Quatremer :
Et pour finir sur un sourire, voici les voeux d’un député eurosceptique néerlandais-belge, Derk Jan Eppink, qui a élu le couple de l’année : https://www.youtube.com/watch?v=9VBGGGnvvTY&feature=youtu.be

12h20 Jean Quatremer :
Bon 12-12-12 à tous !

12h20 Toute l’Europe :
Merci à Jean Quatremer pour vos réponses, et merci à tous les participants d’avoir été nombreux à poser des questions !

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