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Etats Généraux du Renouveau : le nouveau droit d’initiative citoyenne européenne, gadget ou véritable outil démocratique ?

A l’occasion de l’édition 2010 des Etats Généraux du Renouveau à Grenoble, Touteleurope.fr et le Mouvement Européen - France organisent ensemble plusieurs ateliers. L’un d’entre eux porte sur la nouvelle possibilité offerte par le traité de Lisbonne : l’initiative citoyenne. Interview croisée à ce sujet de Pauline Gessant, secrétaire générale du ME-F, et d’Henri Oberdorff, le président de l’Université Populaire Européenne de Grenoble (UPEG).

Touteleurope.fr : Quel est l’intérêt pour une association comme le Mouvement Européen - France d’avoir la possibilité de lancer une initiative citoyenne ?

Pauline Gessant : C’est un outil qui nous semble particulièrement important car cela devrait permettre de réduire le fossé qui existe entre les institutions et les citoyens, du moins on l’espère. Cela va être aussi un outil qui va promouvoir la création d’un espace public européen en suscitant le débat transfrontalier.

Aujourd’hui on est en train de travailler à développer les conditions de mise en oeuvre réelle de l’outil. La Commission européenne a publié une proposition de règlement et cette législation sera probablement adoptée à l’automne (sûrement en octobre), pour une entrée en vigueur en janvier 2011.

Touteleurope.fr : Les initiatives citoyennes existent-elles déjà dans les pays européens ?

Henri Oberdorff : La démocratie participative existe depuis longtemps dans différents pays européens selon différentes modalités : initiative populaire pour déposer une loi, pour un référendum, veto populaire… Il existe une gamme assez étendue de démocratie participative ou semi-directe. L’exemple le plus développé est celui de la Suisse qui a vraiment beaucoup investi ce domaine depuis de nombreuses années.

Touteleurope.fr : Au niveau européen, qu’est-ce que cela va donner ?

Henri Oberdorff : Ce n’est pas forcément facile de l’imaginer pour le moment. Le traité Lisbonne le prévoit, mais le texte pour l’organiser n’est pas encore adopté.

Peut-être y aura-t-il des initiatives sur des thèmes tels que la libre circulation des citoyens, etc. De fortes demandes existent aussi concernant le droit de la famille car il y a de plus en plus de couples mixtes en Europe.

Il manque une réglementation suffisamment étoffée au niveau européen sur ce sujet. Ce sont des choses pratiques qui pourraient être suggérées par les futures initiatives citoyennes européennes.

Pauline Gessant : Comme le Mouvement Européen est lui-même dans un réseau européen (le Mouvement Européen International), nous allons travailler avec les Mouvements Européens des autres pays. Il faut un million de signatures donc nous aurons besoin d’une forte coopération avec nos homologues.

Nous nous sommes vus récemment et nous avons évoqué de premières idées de propositions : que les candidats à la présidence de la Commission européenne soient inscrits sur les listes pour se présenter aux élections européennes ou encore que le 9 mai soit un jour férié dans toute l’Europe. Notre réseau européen sera entièrement mobilisé : les autres sections nationales, mais aussi les associations membres du réseau ou les sections jeunes avec le réseau des Jeunes Européens Fédéralistes.

De nombreuses propositions peuvent être faites par la société civile : des choses qui sont liées aux citoyens eux-mêmes ou à la mobilité. On peut ainsi penser au service civique européen ou à une augmentation importante des budgets alloués à la mobilité et à leur extension à d’autres catégories de personnes que les étudiants. Un autre sujet peut être la question du statut de l’association européenne qui a été un temps sur l’agenda de la Commission, puis retiré. Voici des choses qui concrètement, pourraient être portées.

Il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle des syndicats, qui ont des réseaux dans toute l’Europe et la capacité de mobiliser et de porter une initiative ayant réuni un million de signatures. Dans ce cadre-là, on pourrait tout à fait voir des syndicats proposer des législations pour rapprocher progressivement les systèmes fiscaux ou sociaux. Le champs des possibles est quand même relativement vaste.

Touteleurope.fr : la Commission prépare un règlement pour permettre de faire éclore ce type d’initiatives. Les pistes évoquées vont-elles dans le bon sens ?

Pauline Gessant : Nous avons été consultés en amont par la Commission mais aujourd’hui, nous sommes préoccupés par certains points. Tout d’abord par le nombre d’initiatives d’Etats-membres requis pour que la pétition soit valable. La Commission propose un tiers des Etats membres. Nous, comme le Parlement Européen, proposerions plutôt un quart des Etats membres.

La Commission propose également d’imposer un seuil pour la recevabilité d’une initiative citoyenne. Elle demande qu’il y ait déjà 300.000 signatures, nous 50 ou 100.000. Le Conseil propose 100.000.

Autre sujet de préoccupation : la Commission demande que ce délai soit d’un an. Cela ne nous semble pas tout à fait raisonnable : différents pays, avec différentes langues et avec des distances géographiques très importantes… Nous préférerions quelque chose comme 18 mois. Aucune initiative informelle qui avait pu être lancée avant que le traité de Lisbonne ne soit adopté n’a pu recueillir un million de signatures en douze mois.

Et puis il faut que la Commission fournisse un certain nombre de services pour permettre la mise en place de cette initiative. Par exemple la traduction du texte en ligne. Il est vraiment très important que les conditions de mise en oeuvre permettent une application effective de l’initiative. Sinon, cela créera des frustrations chez les citoyens. On crée un outil pour que vous puissiez vous exprimer mais en fait il y aura de telles contraintes qu’il ne pourra pas être mis en oeuvre ou pris en compte.

C’est un élément qui nous préoccupe un peu : si la Commission reçoit une pétition qui a recueilli un million de signatures et respecte les différentes conditions (par exemple qui respecte les Droits de l’Homme ou les valeurs de l’Union européenne), il ne doit pas y avoir de barrages ou de censure de la part de la Commission, sinon nous aurons de fortes frustrations chez les citoyens qui y auront participé.

Henri Oberdorff : Il faut auprès de la Commission une structure qui serve de filtre pour éviter les débordements à dimension populiste ou démagogique qui pourraient voir le jour. Après tout, réunir un million de signataires dans une dizaine de pays avec les moyens électroniques d’aujourd’hui est tout à fait possible.

C’est aussi par ce type de référendum en Suisse que la question des minarets a été traitée. Mais le filtrage ne devra pas non plus être l’élimination excessive des futures propositions. Il existe un système de cette nature à la commission des pétitions au Parlement européen.

Touteleurope.fr : ces futures initiatives populaires doivent-elles être soutenues par les groupes politiques au Parlement européen ?

Henri Oberdorff : Oui, cela ne peut pas être des initiatives en l’air. Cela suppose un relais par les partis politiques, les groupes de pression, les ONG. C’est un tout. Il y a un décalage aujourd’hui entre l’inexistence d’une véritable vie politique européenne et une future mobilisation citoyenne par ces initiatives. Si une vie politique européenne se développe et que les partis politiques s’européanisent beaucoup plus fortement, ces initiatives citoyennes peuvent avoir un réel impact. Pour l’instant, ce sont les partis politiques nationaux qui seront des relais politiques efficaces.

En savoir plus :

le site des Etats Généraux du Renouveau

les deux ateliers organisés par Touteleurope.fr

le site du Mouvement Européen - France

le site de l’Université populaire européenne de Grenoble

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