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En quoi consiste le mécanisme européen de réassurance chômage ?

Le 21 octobre dernier, la Commission européenne a émis ses premières obligations sociales sur les marchés financiers dans le cadre du programme SURE. Pourquoi, et comment, l’idée d’un mécanisme de réassurance chômage au niveau européen a-t-elle refait surface dans le cadre de la crise liée au Covid-19 ?

En quoi consiste le mécanisme européen de réassurance chômage ?
Crédits : tommaso79 / iStock

Au niveau européen, l’idée d’un mécanisme d’assurance chômage universel a déjà été évoquée, sans toutefois parvenir à faire consensus : les détracteurs du projet craignaient notamment une harmonisation à la baisse des niveaux de protection sociale. Ces dernières années, plusieurs travaux institutionnels ou académiques avaient d’ailleurs évoqué la création d’un tel mécanisme au niveau de l’Union européenne. Mais la pandémie de Covid-19 et ses importantes conséquences économiques ont précipité le début de ce chantier.

Qu’entend-on par “assurance chômage” ?

Le mécanisme d’assurance chômage consiste à donner une compensation au salarié en cas de perte d’emploi (volontaire ou non), qui lui permet de conserver une partie de son revenu. La durée de couverture par l’assurance chômage, ainsi que le montant de la compensation varient selon les Etats.

Pourquoi la proposition est-elle revenue dans le débat ?

Depuis le printemps de l’année 2020, la propagation du coronavirus, et les mesures de confinement de la population qui ont été adoptées partout en Europe, ont mis les économies à l’arrêt et des millions de personnes en situation de chômage technique. La crise engendrée par la pandémie a bousculé l’agenda politique de la Commission, et poussé cette dernière à accélérer les concertations autour du mécanisme de réassurance chômage, pour atténuer les effets du ralentissement économique. Le 31 mars 2020, le commissaire européen à l’Emploi, Nicolas Schmit, déclarait au média Politico vouloir mettre en place ce programme “dès que possible” pour faire preuve de réactivité et de solidarité à l’égard des États européens face à l’explosion du nombre de chômeurs. La mise en place de ce mécanisme devait permettre de contrer les retombées économiques et d’atténuer les impacts sociaux négatifs qui en découlent.

En réaction à la crise, la Commission européenne a ainsi mis en place son dispositif de réassurance chômage, appelé SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency - Soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d’urgence).

Qu’est-ce que le mécanisme SURE, déjà mis en place par la Commission européenne ?

Dans ce cadre, elle a dans un premier temps proposé d’élargir le champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE (FSUE) aux urgences majeures de santé publique, comme la gestion de la pandémie de Covid-19, en ciblant les régions européennes les plus touchées par la crise. Ce programme a ainsi permis de financer le chômage partiel dans les Etats sans peser trop sur leurs dépenses publiques, et d’éviter que les entreprises licencient. Pour la Commission européenne, le mécanisme a aussi permis “d’aider les États membres à préserver les emplois et, ainsi, à protéger les salariés et les travailleurs indépendants contre le risque de chômage et de perte de revenus”. A long terme, il vise à faciliter la reprise économique une fois la crise terminée.

Validé par les ministres des Finances européens le 9 avril 2020, la proposition de règlement est adoptée par le Conseil le 19 mai. Le mécanisme est activé pour la première fois le 22 septembre suivant. Pour le financer, la Commission a émis ses premières obligations sur les marchés financiers le 21 octobre 2020.

La Commission européenne émettait ses première “obligations sociales” au mois d’octobre dernier - Crédits : Bryan R. Smith / Commission européenne

Le mécanisme SURE prend la forme d’un prêt accordé par l’UE à l’État membre qui en a fait la demande. Pour cela, la Commission a été habilitée par les États membres à emprunter de l’argent sur les marchés financiers au nom de l’UE. A ce jour, l’exécutif européen a d’ores et déjà approuvé un total de 94,3 milliards d’euros, que doivent se répartir 19 États membres. 75,5 milliards auraient déjà été distribués à 17 d’entre eux. D’autres pays peuvent soumettre des requêtes, le montant maximum que la Commission s’est engagée à distribuer étant fixé à 100 milliards d’euros.

Dans un rapport du 22 mars 2021, la Commission européenne se félicitait du succès de l’instrument, qui aurait “permis d’apporter une aide à 25 à 30 millions de personnes en 2020″. “Les États membres ont économisé quelque 5,8 milliards d’euros en paiements d’intérêts, par comparaison à ce qu’ils auraient dû verser s’ils avaient émis de la dette souveraine eux-mêmes”, avance également le rapport.

D’où venait l’idée d’un mécanisme européen de réassurance chômage ?

Au niveau européen, la question d’un mécanisme d’assurance chômage était déjà revenue dans le débat au moment de la crise de la zone euro. Plusieurs études avaient été réalisées sur le sujet. En 2017, la Commission Juncker avait intégré l’idée dans sa proposition pour le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. La disposition était alors présentée comme un “mécanisme d’absorption des chocs” en cas de crise. Le président de la Commission européenne de l’époque, Jean-Claude Juncker, justifiait cette mesure de la manière suivante : “Il n’est pas normal qu’un pays de l’UE doive réduire ses allocations de chômage en raison de l’augmentation du nombre de chômeurs dans une crise dont il n’est pas responsable”.

L’idée s’est plus récemment concrétisée dans le programme de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Celle-ci avait annoncé, parmi les priorités de son mandat, l’ambition de mettre en place un système européen de réassurance des allocations chômage.

Dans le cadre de son agenda social, la Commission avait également présenté au mois de janvier 2020 son plan d’action et les différentes réformes qu’elle souhaitait mener tout au long de l’année dans le domaine social. Dans ce planning, le régime européen de réassurance des prestations de chômage ne devait initialement pas être abordé et débattu avant le quatrième trimestre de l’année 2020. La pandémie en a donc décidé autrement.

En quoi consisterait le projet de réassurance chômage à plus long terme ?

Après la crise sanitaire, le principe d’un mécanisme de réassurance chômage consisterait à créer un fonds européen qui viendrait soutenir les régimes d’assurance chômage nationaux, si ceux-ci venaient à être mis en difficulté par une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Les financements européens seraient directement versés aux systèmes nationaux d’assurance chômage. En cela, l’idée se rapproche davantage du système américain dual, où l’État fédéral complète et encadre les dispositifs des États fédérés et n’intervient qu’en cas de crise. Pour Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et directeur de recherche au CNRS, “la cohérence de cette proposition avec ‘le’ politique européen repose sur sa compatibilité avec l’hétérogénéité des systèmes nationaux”. Il s’agit donc d’un mécanisme qui n’intervient qu’en cas de crise grave en complément des mécanismes d’assurance chômage nationaux, sans les harmoniser ni les centraliser.

D’après les différentes études menées sur le sujet, le mécanisme de réassurance chômage se financerait de la manière suivante : en période de croissance, les États versent une contribution à la Commission européenne. Daniel Gros, économiste et directeur du think tank Centre for European Policy Studies (CEPS) qui a réalisé en 2015 une étude sur le sujet pour la Commission, estime cette contribution à 0,1 % du PIB annuel des États membres. Elle pourrait éventuellement être complétée au niveau européen par l’émission de titres de créance sur les marchés financiers, afin d’enrichir la trésorerie du mécanisme. Ce que la Commission a mis en place dans le cadre de SURE.

En période de crise, l’exécutif européen redistribuerait cet argent aux États membres afin de limiter leurs pertes économiques, et d’éviter qu’une explosion du nombre de chômeurs n’oblige les États à réduire leurs allocations chômage - ou d’autres dépenses publiques - par manque de moyens. Le mécanisme de réassurance chômage aurait ainsi une fonction de “stabilisateur automatique”, c’est à dire qu’il permettrait d’atténuer les effets de la crise et faciliterait une reprise fluide de l’activité économique.

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