L’annonce avait été faite en octobre et la distinction a été officiellement remise le 12 décembre : le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov est le lauréat du prix Sakharov 2018 du Parlement européen. Celui-ci étant emprisonné depuis 2015 dans une colonie pénitentiaire en Sibérie, c’est donc sa cousine, Natalya Kaplan, qui s’est rendue à Strasbourg pour recevoir le prix en son nom.
“Avoir mérité ce prix”
Rappelant le parcours d’Oleg Sentsov, de sa passion pour les jeux vidéo à son refus de l’annexion de la Crimée par la Russie, en passant par sa participation très active au mouvement proeuropéen Euromaïdan, Mme Kaplan a dénoncé ses conditions de détention sur la presqu’île de Yamal, située au-delà du cercle polaire. Louant son courage et sa résilience, Natalya Kaplan a conclu en lisant une déclaration préparée par Oleg Sentsov lui-même. “Que mon nom soit associé à celui d’Andrei Sakharov est un honneur trop grand pour moi” , soutient-il. “Il a placé très haut la barre par son intelligence, ses connaissances, son talent, sa dignité et son humanisme. J’espère que j’aurai encore du temps pour faire en sorte d’avoir le sentiment d’avoir mérité ce prix” .
Agé de 42 ans, M. Sentsov a été arrêté en mai 2014 peu après l’annexion de sa région natale, la Crimée, puis reconnu coupable en août 2015 de “projets d’actes terroristes” . Très suivi à l’international, son procès militaire a été largement dénoncé et qualifié de “non équitable” par l’ONG Amnesty International.
En choisissant Oleg Sentsov - les autres nominés étaient Nasser Zefzafi, activiste marocain condamné à 20 ans de prison, et les ONG “qui œuvrent en Méditerranée pour défendre les droits de l’homme et sauver des vies” - les parlementaires européens trouvent une autre manière de réclamer la libération du cinéaste au pouvoir russe.
Prisonnier politique
Car depuis l’emprisonnement d’Oleg Sentsov, l’Union européenne, les États-Unis ou encore de nombreux cinéastes ne cessent de demander sa libération immédiate. Pour accroître la pression sur Moscou, le réalisateur s’est en outre imposé une grève de la faim de 145 jours, commencée peu avant la Coupe du monde de football organisée par la Russie, et arrêtée début octobre pour ne pas être nourri de force. Totalement inflexible, la Russie refuse pour l’heure d’accéder aux demandes internationales et à la proposition de procéder à un échange de prisonniers.
Comme l’explique l’eurodéputé allemand Michael Gahler, représentant du Parlement européen pour la libération d’Oleg Sentsov, le Kremlin considère ce dernier comme étant de nationalité russe car né en Crimée. Une manière, selon le parlementaire, de rejeter toute possibilité d’échange et même de lui dénier le statut de prisonnier politique étranger, qui lui donnerait droit à des visites de diplomates ukrainiens.