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Emmanuel Macron, un destin en marche

C’est fait. Emmanuel Macron est devenu, dimanche 7 mai, le 8e président de l’histoire de la Ve République. Le plus jeune. Le candidat d’En Marche, mouvement fondé il y a seulement un an, a obtenu environ 66% des voix. L’apogée d’un parcours singulier et d’une ascension politique météorique. Et la victoire de la troisième voie. Celle du ni gauche ni droite. Celle du social-libéralisme. Celle de l’Europe qui “ne peut pas être timide”.

Emmanuel Macron

Comète” , “soufflet” , “feu de paille” , disait-on régulièrement de lui il y a encore quelques semaines. Difficile d’en faire le reproche à ces commentateurs plus ou moins bienveillants tant Emmanuel Macron a réalisé une affolante et inédite campagne-éclair. Et tant son ascension n’a pas grand-chose à voir avec les standards français.

Le parallèle avec Valéry Giscard d’Estaing ou Georges Pompidou est certes possible. Comme l’explique Jean Garrigues dans la revue L’Histoire, Emmanuel Macron partage avec le premier nommé un passage au ministère de l’Economie, un positionnement centriste et en dehors des partis traditionnels, et la volonté de diffuser une image de modernité et de progressisme. Tandis qu’avec M. Pompidou, le nouveau chef de l’Etat a en commun une expérience chez Rothschild et une carrière politique bâtie, jusqu’au scrutin présidentiel, largement en marge des urnes.

Prendre des risques

Mais la singularité d’Emmanuel Macron prédomine. Valéry Giscard d’Estaing avait plus de 15 ans de carrière politique au moment d’entrer à l’Elysée et Georges Pompidou s’inscrivait dans la totale continuité du général de Gaulle. Alors que l’intéressé choisit plutôt Pierre Mendès France, figure importante de la gauche et éphémère président du Conseil de la IVe République, car il a su “prendre des risques et expliquer ses décisions” .

Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron a été élu président de la République. Agé de 39 ans, il a occupé le poste de ministre de l’Economie (août 2014 - août 2016), et a été secrétaire général adjoint de l’Elysée (mai 2012 - juillet 2014). Diplômé de l’ENA, il a également travaillé à l’inspection des finances ainsi qu’à la banque Rothschild.

Prendre des risques ne l’a effectivement jamais effrayé. Pas plus qu’il n’a eu peur de brûler les feux rouges ou de mélanger les genres. Diplômé de Sciences Po et de l’ENA, ancien assistant du philosophe Paul Ricœur, il n’hésite pas à quitter l’inspection des finances pour entrer chez Rothschild, tout en s’engageant aux côtés de François Hollande en vue de la présidentielle de 2012. Brillant, travailleur et ambitieux, Emmanuel Macron enchaîne les bons choix et se retrouve, à 34 ans, millionnaire et secrétaire général adjoint de l’Elysée.

Les cinq années qui suivent, au cœur du quinquennat, sont du même ordre. Conseiller du président pour les questions économiques, il s’illustre rapidement pour sa compétence, son aisance, sa sympathie naturelle et, aussi, pour son impatience. Démissionnaire en mars 2014, il est rappelé en août pour succéder au trublion Arnaud Montebourg à Bercy. Incarnant, avec Manuel Valls, le tournant social-libéral de la présidence Hollande, Emmanuel Macron poursuit sa course.

Pied à pied, il défend la loi fleuve, qui porte son nom, “pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques” . Une étape déterminante pour la suite des événements. Des 500 heures de discussions à l’Assemblée nationale, l’ancien ministre retient que “dans l’épaisseur du débat parlementaire on peut construire” . Même si, rattrapé par la logique partisane et la colère de la gauche déçue du hollandisme, le gouvernement doit recourir à l’article 49-3 pour faire valider le texte. “Quand la politique redevient un théâtre, qu’elle redevient un objet de lutte partisane, elle construit les conditions de son propre échec” , dira-t-il plus tard.

Ni gauche ni droite, un boulevard au centre

De cette expérience ambivalente découlerait une partie du projet “En Marche” , lancé en avril 2016. S’affranchissant peu à peu du gouvernement et de François Hollande, Emmanuel Macron se lance dans la campagne présidentielle. Une initiative d’abord raillée et jugée trop floue pour réussir. Sans compter l’absence de troupes politiques, normalement rédhibitoire. Curiosité médiatique, sa candidature surprend par l’engouement durable qu’elle suscite. Jouant sur le rejet du clivage gauche/droite et sur sa capacité à toucher tous les électorats républicains, le futur président profite de surcroît d’un contexte politique extraordinairement favorable.

Dans cette course présidentielle, les planètes s’alignent une à une. Benoît Hamon, vainqueur de la primaire socialiste, qui se situe à l’aile gauche du PS, est freiné par la soudaine ascension de Jean-Luc Mélenchon. Tandis qu’à droite, François Fillon, qui représente la frange conservatrice des Républicains, voit sa campagne, réputée imperdable, pulvérisée par les affaires. L’ouverture au centre apparaît comme une évidence. Emmanuel Macron s’y engage, reçoit le soutien de François Bayrou et arrive en tête du premier tour, devant Marine Le Pen pourtant créditée du meilleur score dans les sondages.

Comme le résumera The Guardian en février dernier, Emmanuel Macron “a eu l’instinct politique de saisir l’ambiance de défiance et désespérance vis-à-vis de la classe politique française” .

Contre l’Europe timide

Son message, d’abord imprécis, se solidifie progressivement, notamment sur le plan économique - il prévoit de libéraliser le marché du travail ou encore de débloquer 50 milliards d’euros d’investissements - et européen. Se positionnant sans ambiguïté comme le candidat de l’Europe, Emmanuel Macron déclare, peu avant le 60e anniversaire du traité de Rome, le 23 mars 2017 : “on ne peut pas être timidement européen, sinon on a déjà perdu” . Le candidat à l’élection présidentielle refuse ainsi de laisser le monopole de la critique de l’UE aux antieuropéens, souhaite inverser “la logique du doute” qui s’est installée depuis 2005 et les “non” français et néerlandais à la constitution européenne, et mettre en œuvre une relance de la construction européenne avec des mesures de “protection” .

Emmanuel Macron est arrivé en tête du second tour de l’élection présidentielle avec 66,06% des voix. Il devance Marine Le Pen, qui recueille 33,94% des suffrages.

Plus d’Europe pour faire face à la crise des réfugiés, pour lutter contre le terrorisme, pour défendre les citoyens dans la mondialisation, pour rééquilibrer la politique économique européenne. Parmi ses propositions emblématiques figure la création d’un budget, d’un Parlement et d’un poste de ministre de l’Economie et des Finances de la zone euro. L’objectif, explique Clément Beaune, son conseiller Europe, pour Toute l’Europe, est de “renforcer la convergence entre les grandes économies” européennes et de mieux faire face aux chocs. Quitte à entériner l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses, comme en matière de défense, pour permettre à une partie des Etats membres d’avancer dans l’intégration européenne sans attendre l’assentiment de tous.

Adoubé par Obama, successeur de Blair ?

Suscitant l’enthousiasme d’une large partie du paysage politique étranger, Emmanuel Macron est aujourd’hui vu comme l’opportunité “d’un nouveau départ pour l’Europe” , comme l’a formulé son ancien homologue allemand lorsqu’il était ministre de l’Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel. Adoubé aussi bien par le centre-gauche que le centre-droit outre-Rhin, le nouveau président a également reçu les encouragements, au cours de la campagne, de Matteo Renzi en Italie, et même de Barack Obama, qui est sorti de sa réserve pour soutenir le fondateur d’En Marche.

Très attendu sur la scène européenne, Emmanuel Macron a également suscité les louanges de Tony Blair. Dans une interview donnée à Libération avant le vote, l’ancien Premier ministre britannique, qui revient dans l’arène politique pour peser sur les modalités du Brexit, estimait que sa victoire le 7 mai “serait une force de changement en Europe” . Initiateur, avec le chancelier allemand Gerhard Schröder, de la “troisième voie” à la fin des années 1990, synonyme de réformes libérales menées par des gouvernements de centre-gauche, l’ancien dirigeant travailliste se retrouve en la personne d’Emmanuel Macron.

Proches sur la forme - lors de son accession au pouvoir en 1997, Tony Blair était également jeune, moderne et à rebours de la politique traditionnelle - les deux hommes le sont aussi sur le fond. Comme l’explique le Britannique : “tout ce qui ressemble à une forme de conservatisme au sein de la gauche ne va jamais fonctionner, parce que les forces progressistes ne gagnent que lorsqu’elles comprennent l’avenir et qu’elles montrent comment elles peuvent faire en sorte que cela marche pour le peuple” .

Au-delà de la seule gauche, d’où il est issu, Emmanuel Macron a en effet réussi à dynamiter nombre de conservatismes politiques français. Refusant les couloirs de la gauche et de la droite, il en a choisi un autre qui, plus que d’être celui du centre, a simplement été le sien. Abonné aux bons choix, il conduisait à l’Elysée.

Par Jules Lastennet

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