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Emmanuel Macron, le dernier Européen ?

La presse française le présente comme l’Européen de la campagne, la presse internationale comme le dernier rempart contre le repli de l’Union européenne. Emmanuel Macron est-il vraiment le seul Européen de la campagne ? Son programme fait en tout cas la part belle au renforcement de l’intégration et propose des pistes pour remédier à la défiance des citoyens envers le projet européen.

Emmanuel Macron

Érigé en défenseur et promoteur de l’Union européenne, Emmanuel Macron a résumé sa “vision” européenne lors du débat télévisé de TF1 le 20 mars dernier : “Une France forte dans une Europe forte” . Par France forte, Emmanuel Macron désire redonner à la France son rôle historique de leader de la construction européenne. Par Europe forte, ce dernier rappelle sa volonté de positionner la souveraineté du peuple au niveau européen : “la vraie souveraineté passe par une action européenne” , estime-t-il. Loin d’être antinomiques, les deux échelons de souveraineté seraient complémentaires. Et reprenant l’un des éléments de langage des institutions européennes, le candidat d’En marche voit dans l’Europe “une protection supplémentaire” pour les Français.

L’Europe qui protège

“L’Europe qui protège” est présente dans le discours sur l’État de l’Union de Jean-Claude Juncker en septembre 2016. Un mot d’ordre qui guide les actions de l’actuelle Commission européenne depuis son entrée en fonctions en novembre 2014. Et dont Emmanuel Macron semble s’être inspiré dans la mesure où, dans son programme présidentiel pour l’Europe, il lie ses propositions relatives à la sécurité ou à l’économie à l’idée de protection.



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L’ancien ministre de l’Économie souhaite par exemple porter à 5 000 hommes mobilisables le contingent à la disposition de l’Agence européenne des garde-frontières, créées en octobre 2016, et pour l’heure dotée d’un effectif de 1 500 agents. A cette mesure visant à renforcer la protection des frontières de l’UE, M. Macron se montre également favorable à la mise en œuvre d’une Europe de la défense. Cela passerait par la création d’un fonds européen de défense, ainsi que par l’établissement d’un Conseil de sécurité européen, qui regrouperait les responsables militaires nationaux. Des orientations novatrices et considérables dans la mesure où cela supposerait une collaboration étroites des états-majors européens et, par conséquent, une mise en commun de cet élément central de la souveraineté des États membres.

En matière économique, le candidat d’En marche propose aussi de renforcer l’intégration européenne puisqu’il se donne pour objectif de modifier la gouvernance de la zone euro. En effet, il désire opérer un rééquilibrage macroéconomique par la création d’un budget de la zone euro, devant permettre de lancer des investissements et de contrebalancer les effets d’éventuelles crises, et qui serait placé sous le contrôle d’un poste de ministre de l’Économie et des Finances dédié à cette zone. Une ambition qu’il partage avec Benoît Hamon, même si les deux hommes divergent quant à l’ampleur des investissements à réaliser, mais qui se distingue de celle de François Fillon qui, pour sa part, souhaite plutôt la constitution d’un “directoire politique” au fonctionnement intergouvernemental.

Et outre les réformes de gouvernance, toujours à l’image de M. Hamon, Emmanuel Macron désire instaurer un “Buy European Act” : une loi visant à réserver les marchés publics aux entreprises localisant la moitié de leur production en Europe. Plus généralement, en matière commerciale, compétence appartenant à l’Union, M. Macron, afin de répondre aux controverses survenues lors de la signature du traité CETA avec le Canada, proposera la création d’un comité de vigilance incluant des représentants des ONG durant les négociations.



Consultez également notre synthèse du programme d’Emmanuel Macron, ainsi que le fact-checking de ses mesures par la presse française.

Démocratie et identité européennes

En définitive, le candidat d’En marche tâche à la fois d’apporter une réponse aux inquiétudes grandissantes des électeurs quant au fonctionnement de l’Union européenne, qu’ils jugent de plus en plus libéral et insuffisamment démocratique, et de conserver une approche résolument pro-européenne. En atteste encore la position de M. Macron concernant la directive relative au détachement des travailleurs. Cherchant une ligne équilibrée, le candidat à la présidentielle, comme il l’a à nouveau présenté lors du débat télévisé du 4 avril sur BFMTV et CNews, estime que cette dernière ne doit pas être supprimée - contrairement à la majorité de ses concurrents dont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon - mais simplement révisée. Selon Emmanuel Macron, réduire la durée maximale du détachement à un an, contre trois ans actuellement, et renforcer les inspections du travail seraient suffisants pour mettre un terme aux entorses.

Soucieux de ne pas briser l’acquis européen et de ne pas s’écarter des règles communes - Emmanuel Macron a répété sa détermination, au cours de la campagne, à rester dans les clous des 3% de déficit - l’ancien ministre de l’Économie entend également relancer le sentiment d’appartenance des citoyens à l’Europe. A cet égard, M. Macron proposera, s’il est élu, l’organisation de conventions démocratiques, dans chacun des États membres, dont l’objectif serait de définir les prochaines priorités de l’UE. Une idée proche de celle formulée par Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, qui dans son ouvrage Sauver l’Europe (éditions Liana Levi, 2016) suggère l’organisation d’une “conférence de refondation” afin de sortir l’Union de l’impasse. Le programme Erasmus serait en outre susceptible d’être étendu de manière à ce que 200 000 jeunes Français par an puissent en bénéficier pendant au moins un semestre d’ici 2022.

Cette semaine, Toute l’Europe se plonge dans les projets européens des principaux candidats. Consultez nos articles d’analyse sur François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

De la même manière, Emmanuel Macron souhaite consolider la démocratie paneuropéenne en renforçant la dimension symbolique des élections au Parlement européen. Reprenant ici une idée énoncée par Daniel Cohn-Bendit, autre soutien officiel du candidat d’En marche, M. Macron propose de faire élire les 73 sièges d’eurodéputés prochainement libérés par le départ du Royaume-Uni de l’UE par le biais de listes européennes, renforçant la dimension continentale d’un scrutin organisé au niveau national.

Le candidat de 39 ans s’inscrit par conséquent dans la lignée des responsables politiques centristes, tels que Valéry Giscard d’Estaing, dont la campagne de 1974 est comparable à celle d’Emmanuel Macron en 2017, ou encore François Bayrou, devenu son allié le 23 février dernier. Libéral sur le plan économique, progressiste sur le plan sociétal et, donc, Européen, le représentant d’En marche n’a en revanche que peu d’équivalent en Europe. Parmi eux, le plus évident est probablement le mouvement espagnol Ciudadanos (Citoyens), situé au centre-droit de l’échiquier politique et dont la progression a été facilitée par les multiples scandales de corruption qui ont décrédibilisé le Parti populaire (PP, conservateur). Un contexte qui n’est pas sans rappeler celui de la France où Emmanuel Macron est susceptible de profiter des déboires judiciaires de François Fillon.

Article dirigé par Toute l’Europe et réalisé avec des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif

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