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Critères de Copenhague : 25 ans après, quel bilan ?

Préparer l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale à l’Union européenne : telle était l’ambition des critères de Copenhague signés en 1993. 25 ans plus tard, ceux-ci sont-ils respectés ?

Critères de Copenhague : 25 ans après, quel bilan ?
Crédits : pixelprof iStock

Il y a 25 ans, les 12 Etats membres de l’Union européenne signaient les critères de Copenhague. Objectif : préciser les conditions politiques et économiques qui permettraient désormais d’adhérer à l’Union. Une décision qui s’adressait alors plus particulièrement aux ex-pays soviétiques désireux de rejoindre le club. Aujourd’hui membres de l’UE, respectent-ils toujours ces critères ?

Préparer le grand élargissement

Le 22 juin 1993, le Conseil de Copenhague définit trois séries de critères que les pays doivent satisfaire pour adhérer à l’Union européenne. Les critères politiques concernent le respect et promotion de la démocratie, qui passe par des institutions stables, le respect des droits de l’homme et la protection des minorités. Les critères économiques visent à assurer une économie de marché viable et à résister à la pression commerciale. Enfin, les Etats doivent également souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire et entériner l’acquis communautaire. C’est-à-dire mettre en œuvre les règles et normes de l’UE dans l’ensemble de ses domaines de compétence (agriculture, commerce, environnement…).

Si ces critères existaient déjà auparavant, leur institutionnalisation apparaît nécessaire dans les années 1990. Elle devient alors effective lors du sommet de Copenhague de 1993. Jusqu’à cette date en effet, les pays candidats se présentent comme des démocraties solides, ouvertes à l’économie de marché. De plus, l’élargissement reste progressif, marqué par des entrées simultanées de deux ou trois pays seulement.

Mais après la chute du Mur de Berlin, les Etats membres s’inquiètent de l’éventualité d’un agrandissement bien plus important, qui inclurait plusieurs pays d’Europe centrale et orientale marqués par plusieurs décennies d’occupation soviétique. Les Critères de Copenhague apparaissent alors comme une garantie de préserver les valeurs et l’identité européennes.

En 1995, l’intégration de l’acquis communautaire est précisée au Conseil européen de Madrid. Celui-ci insiste sur la nécessité, pour les Etats candidats, d’adapter les structures administratives nationales afin d’y transposer la législation européenne de manière adéquate. Cet acquis prend la forme d’un ensemble de règles, réparties sur 35 domaines négociés séparément (transports, énergie, environnement, etc.). Mais c’est avant tout le critère politique, c’est-à-dire le respect des valeurs fondamentales de la démocratie, qui va déterminer la poursuite des négociations.

Afin de prétendre à une candidature pour devenir membre de l’Union européenne, un Etat doit respecter les conditions posées par l’article 49 du Traité sur l’Union européenne. Celui-ci impose le respect des principes fondamentaux de l’Union, énoncés à son article 2 : dignité humaine, liberté, démocratie, Etat de droit, droits de l’homme. Le dépôt d’une candidature ouvre une procédure dont le dernier mot revient aux 28 Etats membres qui statuent à l’unanimité.

Des critères plus ou moins respectés en 2004…

Chercheur XXX

C’est la Commission européenne qui, avant l’adhésion d’un Etat, contrôle le respect des critères de Copenhague. Chaque année depuis 1997, un rapport est ainsi publié afin d’évaluer leur mise en œuvre. Et tant que ceux-ci ne sont pas considérés comme ayant été atteints, le processus d’adhésion se poursuit. C’est le cas aujourd’hui pour les 7 pays candidats à l’Union européenne.

Issus d’une déclaration du Conseil européen, les Critères de Copenhague ne sont toutefois pas juridiquement contraignants. A charge pour la Commission européenne de les faire respecter. Le caractère très juridique du processus amène les Etats candidats à réaliser un nombre important de réformes à un rythme effréné et à se plier au contrôle du “screening” . Mais la procédure d’adhésion est soumise à un jeu éminemment politique.

Ainsi, l’enthousiasme des Etats nouvellement candidats a rapidement été tempéré, à la fin des années 1990, par un découragement devant l’ampleur des mesures à mettre en œuvre. Les institutions européennes ont alors décidé de fixer une date d’entrée pour ces 10 nouveaux Etats : ce serait 2004. Une initiative qui a conduit certains Etats “à lever le pied dans leur processus d’adaptation aux exigences de l’acquis communautaire” , juge ainsi Olivier Costa, Professeur au Collège d’Europe et directeur de recherche au CNRS. “Si l’on avait appliqué les critères de manière stricte, certains Etats ne seraient jamais rentrés” , poursuit-il.

… et bafoués aujourd’hui

Mais depuis, ces critères sont clairement remis en cause par plusieurs Etats. En particulier par les gouvernements de Hongrie et de Pologne, qui remettent partiellement en question l’Etat de droit avec des mesures de contrôle des médias, des universités, des institutions judiciaires ou encore des ONG. “Les dirigeants de ces deux pays […] tentent de fragiliser les cours constitutionnelles, de remettre en cause l’indépendance de la magistrature, de limiter la liberté de l’audiovisuel public et de mettre au pas l’administration”, déplore ainsi Jacques Rupnik, politologue et chercheur à Sciences Po Paris. Et d’autres pourraient bientôt les rejoindre : en Roumanie, le gouvernement social-démocrate de Viorica Dăncilă tente de limiter le pouvoir des procureurs anticorruption, tandis qu’en Italie, le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a appelé à expulser les Roms du pays.

De fait, l’Union européenne ne parvient pas à faire respecter ses valeurs aux Etats. “Il n’y a pas de tribunal de droit constitutionnel européen à proprement parler” , explique ainsi Martin Michelot, directeur adjoint de l’Institut EUROPEUM à Prague, pour qui “il n’y a jamais eu de stratégie claire de la Commission sur comment faire respecter la règle de droit sur le territoire européen” . En décembre 2017, l’article 7 du traité sur l’Union européenne a été enclenché vis-à-vis de la Pologne. Celui-ci prévoit des sanctions, et notamment la suspension du droit de vote au Conseil, d’un Etat qui violerait gravement les valeurs de l’Union européenne. Mais l’activation du mécanisme est subordonnée à un vote du Conseil à l’unanimité des autres Etats membres, auquel s’opposerait nécessairement la Hongrie. Par ailleurs, l’article 259 du traité sur le fonctionnement de l’UE permet aux Etats de saisir la CJUE s’ils estiment qu’un Etat membre a manqué à une de ses obligations. Mais une telle option, extrêmement dommageable en termes diplomatiques, n’a jamais été utilisée à ce jour.

D’autres pistes sont-elles envisageables ? Président de l’Institut Jacques Delors et ancien président du Conseil italien, Enrico Letta estime quant à lui que “l’Europe a manqué de rendre permanente l’application des fameux critères de Copenhague, au moment de l’élargissement” . Il propose alors de créer une “commission Copenhague” dédiée à la surveillance et à l’évaluation du respect des critères après l’adhésion. Une idée à laquelle adhère également Martin Michelot, si cette commission dispose de “pouvoirs élargis, qui pourrait s’appliquer à tous les pays, qu’ils soient ou non membres de l’Union européenne” .

Enfin, dans sa proposition de budget pour la période 2021-2027, la Commission européenne a proposé de conditionner au respect de l’Etat de droit l’accès des Etats aux fonds de cohésion. Un projet qui n’a pas manqué de faire réagir la Pologne, principal bénéficiaire de ces fonds, mais qui pourrait voir le jour si une majorité d’Etats y est favorable.

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