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Crise du lait : l’Union européenne en période de vaches maigres

Quel avenir pour le lait ? C’est la question que tout le monde se pose au sein de l’Union européenne, tant la situation des producteurs est devenue difficile depuis la crise qui a affecté, dans la plupart des Etats membres, le secteur laitier en 2008. C’est aussi l’interrogation formulée par la Commission européenne, qui rassemblait aujourd’hui des acteurs de tous bords (institutions européennes, OCDE, syndicats de producteurs, syndicats d’industries laitières, associations de consommateurs…) et de tous pays pour recueillir leurs propositions et leurs revendications. Principal enjeu : la définition du futur marché européen du lait, secteur fondamental de la politique agricole commune, jusqu’à la supression totale des quotas laitiers en 2015.

Un marché laitier détérioré

Mis en place en 1984 dans le cadre de la PAC, le régime des quotas laitiers avait pour but de limiter et de stabiliser la production au niveau de la consommation intérieure et des exportations non subventionnées. A l’époque, les décideurs européens étaient contraints d’acheter puis de stocker des masses de lait et de produits dérivés dans d’immenses entrepôts.

D’abord contesté par les agriculteurs (notamment français) le système des quotas est aujourd’hui défendu par ces mêmes producteurs, partisans d’un marché régulé. Cependant les Etats membres ont décidé de les supprimer progressivement jusqu’en 2015, en particulier pour se conformer aux règles de concurrence définies par l’OMC.

A quelques pas du Conseil européen consacré à la crise économique (et à la veille de la journée française du fromage) s’est déroulée, vendredi 26 mars, une autre réunion d’importance : plus de 400 délégués de tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement en produits laitiers et parties prenantes des milieux politiques et administratifs se sont retrouvés à Bruxelles pour réfléchir à l’avenir du secteur laitier.

Organisée par la Commission européenne à 3 jours du Conseil Agriculture, la conférence « Quel avenir pour le lait ? » s’est penchée sur les problèmes auquel le secteur est gravement confronté :


  • extrême volatilité des prix depuis la fin de l’année 2008, qui a conduit en particulier à la diminution de moitié des revenus des producteurs de lait entre 2008 et 2009 (pour une quantité vendue équivalente) ;



  • dissymétrie du pouvoir de négociation entre producteurs de lait souvent mal organisés, entreprises de transformation des produits laitiers et détaillants, tous deux accusés par les premiers et s’accusant mutuellement d’avoir profité de la baisse des coûts de production pour accroitre leur marge sans diminuer les prix de vente ;



  • augmentation des quotas laitiers jusqu’à leur supression dans tous les Etats membres le 1er avril 2015.

Constitué de représentants des Etats et présidé par le Directeur général à l’Agriculture et au développement rural de la Commission, Jean-Luc Demarty, le Groupe de travail à haut niveau sur le secteur laitier rendra son rapport en juin 2010. Il examine en particulier : les relations contractuelles entre les producteurs de lait et les laiteries en vue de mieux équilibrer l’offre et la demande sur le marché ; les mesures possibles pour renforcer le pouvoir de négociation des producteurs de lait ; l’adéquation des instruments de marché existants ; la transparence et l’information des consommateurs, les questions de qualité, de santé et d’étiquetage ; l’innovation et la recherche dans la perspective d’une amélioration de la compétitivité du secteur ; la création éventuelle d’un marché à terme dans le secteur laitier.

La crise du secteur, particulièrement visible en Septembre 2009 lors des manifestations d’agriculteurs devant les institutions européennes (on se souvient des litres de lait déversés à même la chaussée…), est loin d’être aujourd’hui résolue.

Ses causes sont diverses : l’élargissement de l’UE à 12 nouveaux Etats membres, dont les coûts de production sont plus faibles, conjuguée la baisse de la demande internationale, la diminution des importations de grands pays tels que la Chine, l’aggravation des conditions climatiques et bien sûr la crise économique globale, ont fait baisser les prix de vente sans faire baisser les coûts de production.

La précédente Commission Agriculture et Développement rural, dont Mariann Fischer Boel avait la responsabilité, met pourtant en avant de nombreuses initiatives en faveur du secteur laitier.

Celles-ci vont de mesures de stabilisation du marché (rachat des invendus, aides au stockage privé, subventions aux exportations…) au soutien financier d’actions de promotion des produits laitiers (…« des sensations pures »), en passant par la mise en place d’un groupe de haut-niveau chargé d’améliorer la stabilité du marché, de garantir les revenus des producteurs, de réduire la volatilité des prix et de renforcer la transparence du marché.

Des parties prenantes divisées

L’UE exporte 9 % de sa production et importe 1% de sa consommation laitière.

La Commission, c’est un fait rappelé par le commissaire européen lui-même au début de la conférence, souhaite orienter le secteur du lait vers plus de marché. Sans pour autant prôner la libéralisation totale du marché, Dacian Ciolos a rappelé que, dans un contexte d’ouverture du marché européen, il devenait nécessaire que les prix du lait soient déterminés par l’équilibre entre l’offre et la demande, tout en maintenant des filets de sécurité (aide au stockage privé, intervention et subvention) en cas de crise.

Pourtant, a souligné le directeur général Jean-Luc Demarty, la majorité des Etats membres souhaiteraient déroger aux règles de la concurrence pour le secteur laitier. M. Ciolos a également souligné que, bien qu’elle n’ait pas disparu, la volatilité des prix avait repris ces derniers mois un cours plus « naturel », et que la production européenne de lait ne s’était pas accrue malgré l’augmentation progressive des quotas.

Face aux analyses des institutions européennes, plusieurs parties prenantes étaient invitées à donner leurs avis sur les sujets abordés. Parmi elles, le Copa-Cogeca a réaffirmé la nécessité de mesures favorisant une meilleure organisation et une augmentation des revenus des producteurs. De son côté Via Campesina a demandé une plus forte régulation du secteur afin que les prix soient plus adaptés à la demande, une meilleure distribution des quotas, et dénoncé la concentration des aides dans des exploitations de plus en plus intensives.

Au contraire, l’European Milk Board approuve la supression des quotas tout en soulignant l’importance de relations contractuelles symétriques entre producteurs, transformateurs et détaillants. Ces derniers étaient représentés par Eurocommerce, qui a déclenché l’hilarité d’une partie de l’audience en prônant des mesures très libérales et en s’opposant à l’intervention de l’UE dans les négociations avec les autres parties prenantes.

Enfin, le Bureau européen des consommateurs (BEUC) a déclaré qu’une position européenne était impossible car chaque pays était confronté à une situation différente, mais que détaillants comme entreprises de transformations devaient reporter la baisse des coûts de production (et pas seulement la hausse comme c’est le cas en France) sur les prix de vente.

En savoir plus :

Conférence « Quel avenir pour le lait » - Commission européenne

La Politique agricole commune - Touteleurope.fr

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