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Conseil européen : un repas de famille pour valider l’accord avec la Turquie sur l’accueil des réfugiés

Jeudi 15 octobre, le Conseil européen, réunissant l’ensemble des 28 chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’UE, a démarré par un dîner. L’occasion de reprendre les discussions sur la gestion des flux de réfugiés ou encore d’aborder l’épineuse question du Brexit dans un contexte favorable. Récit.

Jean-Claude Juncker et Donald Tusk

“Crème de potimarron et noix de Saint-Jacques ; perdreau rôti, champignons des bois et endives ; parfait glacé aux châtaignes” . Un menu aux teintes automnales pour 28 dirigeants impatients et réunis autour d’une même table. Le Conseil européen du 15 octobre avait lieu sous forme de dîner, commençant à 19h et ne se terminant que minuit passé.

Entre les plats, l’opportunité pour les dirigeants européens d’échanger sur l’état de leur pays, de leurs affaires, de leur famille aussi, et puis sur la raison de leur rencontre ce jour-là : agir face à la crise des migrants. A la faveur de mets agréables, ils allaient être disposés à s’entendre malgré leurs divergences. Un vrai repas de famille en somme.

L’accord avec la Turquie a donc été validé par les 28. Il implique une aide financière des Etats membres afin que les réfugiés soient pris en charge sur place. L’objectif étant de freiner les flux migratoires en direction de l’Europe. L’accord fait suite à la visite du premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, en Turquie la veille et aux négociations qu’il a menées avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Au menu également, le renforcement du mandat de Frontex, agence chargée de la gestion des frontières extérieures de l’UE. Les dirigeants européens se sont entendus pour lui donner la possibilité de renvoyer les migrants de sa propre initiative si ceux-ci ne répondent pas aux critères des réfugiés prioritaires à accueillir. Les chefs d’Etat et de gouvernement détacheront aussi des gardes frontières dans le cadre des “hotspots” - ou plutôt “structures d’accueil” pour reprendre l’expression qui semble s’imposer - en Grèce et en Italie.

Le tango du Brexit

Alors que David Cameron, le Premier ministre du Royaume-Uni savait que ses homologues attendaient beaucoup sur le Brexit, il a fait le choix d’une arrivée discrète et très anticipée, une demi-heure avant l’heure dite. Angela Merkel et François Hollande l’ont rapidement rejoint pour une discussion à trois voix sur le sujet dans une salle adjacente.

David Cameron et Angela Merkel

En arrivant en avance, M. Cameron avait l’occasion d’annoncer aux journalistes que le référendum était en bonne voie : le projet étant déjà passé à la Chambre des Communes. Le dirigeant britannique s’est dit en outre confiant pour défendre les intérêts du Royaume-Uni auprès de ses partenaires européens.

Depuis le Traité de Lisbonne de 2009, le droit des Etats membres à sortir de l’Union est inscrit à l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. Mais cette possibilité n’a jamais été appliquée et elle contraint le pays concerné à renégocier tous ses accords avec l’UE et ses Etats membres. Le 15 octobre, David Cameron ne devait qu’officialiser son projet auprès de ses homologues et des différents présidents des organes de l’Union (Parlement, Conseil et Commission).

Ainsi, lorsqu’un journaliste britannique demanda à Jean-Claude Juncker s’il pouvait apporter plus de détails sur le projet que David Cameron devra présenter à ses partenaires européens, le président de la Commission a répondu un laconique “no” . Et d’ajouter, fier de son effet qui avait plu à la salle, fatiguée par des heures d’attente : “ça vous énerve hein…” .

Sur une note plus sérieuse, le président de la Commission réutilisa une métaphore qu’il avait employée quelques semaines auparavant. L’organisation du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE va, selon lui, s’apparenter à un tango et M. Cameron ferait mieux d’amener ses chaussures de danse. “Pour un tango il y a deux personnes : le danseur britannique, et les danseurs continentaux” , expliquait M. Juncker, comme souvent facétieux. A cet égard, une lettre officielle présentant les intentions de David Cameron sera présentée à la Commission en novembre.

Discussions en vase clos

Lors des discussions, les dirigeants européens demeurent confinés dans un espace clos, auquel les journalistes n’ont pas accès. Les attachés de presse s’éclipsant simplement à intervalle régulier de cette réunion privée pour aller révéler des bribes de conversation aux journalistes.

Les différents chefs d’Etat et de gouvernement eux, ne sont rentrés qu’assez tard dans la nuit. François Hollande fut même l’un des derniers à quitter le Conseil, à l’issue d’une conférence de presse au cours de laquelle il a confirmé son engagement d’accueillir 24 000 réfugiés sur deux ans. “Ceux qui prétendent que nous serions envahis sont des manipulateurs, des falsificateurs” , a-t-il également précisé, afin de rappeler que le nombre de migrants choisissant la France comme pays d’accueil reste faible.

Seul le Premier ministre bulgare, Boïko Borissov, a quitté les lieux en avance, à 23h15. Apostrophé sur ce départ précipité, Jean-Claude Juncker répondit qu’il n’en connaissait pas la raison. “Déjà que j’ai du mal à parler de ce que je connais, si en plus je dois parler de ce que je ne sais pas!” , esquiva-t-il.

On apprit plus tard dans la soirée qu’un réfugié afghan venait de devenir le premier, depuis le début de la crise des migrants, à mourir sous les balles de forces de l’ordre européennes en essayant de passer la frontière bulgare. Le Premier ministre était donc contraint à un délicat retour anticipé, venant d’ores et déjà noircir le bilan d’un Conseil européen par ailleurs très feutré.

* Article rédigé par Pierre Le Mouel et Victoria Amann-Lasnier dans le cadre de notre partenariat avec Open diplomacy

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