L’Union européenne, premier partenaire commercial de l’Afrique
Depuis les indépendances africaines d’après-guerre, les échanges commerciaux et économiques entre les pays d’Europe et d’Afrique n’ont pas cessé. Certains Etats nouvellement indépendants ont calqué leur modèle institutionnel sur les Etats européens, surtout en Afrique francophone. Une proximité politique, culturelle et géographique qui favorise les échanges.
Aujourd’hui, l’Union européenne dans son ensemble reste le premier partenaire commercial de l’Afrique : en 2017, elle représente 36% du commerce africain (import et export). Cependant, chacun des Etats membres perd de l’influence face à des concurrents comme la Chine, devenue le premier pays partenaire de l’Afrique dont elle capte désormais 15 % de la balance commerciale. Tandis que l’Inde, Singapour, le Brésil et la Turquie intensifient également leurs partenariats avec le continent.
C’est l’année 2000 qui marque un véritable tournant dans les relations UE-Afrique. Après avoir stagnées pendant 40 ans, plusieurs économies africaines s’ouvrent et se développent. Les Etats sortent de l’endettement massif et de l’ajustement structurel perpétuel. Au développement de la coopération économique s’ajoute une coopération politique entre les deux continents. Un cadre de coopération stratégique s’installe avec l’accord de Cotonou signé en 2000. Celui-ci fixe le cadre général des relations entre l’Afrique et l’UE, en insistant sur les dimensions de développement, commerciale, politique et sécuritaire.
En 2002, l’Union africaine est créée sur le modèle de l’Union européenne, avec une Commission et un Parlement panafricains. 65% de son budget provient de l’UE.
Renégociation des accords commerciaux : les risques pour l’Afrique
Jusqu’aux années 2000, le commerce lui-même était marqué par une attitude relativement paternaliste et post-coloniale des Etats européens vis-à-vis de l’Afrique. Comme le rappelle l’ancien ambassadeur français Pierre Jacquemot, “l’instabilité des prix des matières premières africaines était compensée par des mécanismes commerciaux facilitant l’exportations vers l’Europe” . “Ces instruments ont évolué suite à la volonté européenne d’intégrer davantage les pays africains au commerce mondial” et de les pousser au respect des règles de l’OMC qui interdisent d’avantager certains exportateurs.
Ainsi les accords de partenariat économique (APE), signés à partir des années 1970 avec les 170 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), ont été transformés avec l’accord de Cotonou. Celui-ci a mis en place un accès libre pour les produits africains en Europe, en échange d’une diminution progressive des barrières douanières pour les produits européens en Afrique. Les négociations pour l”actualisation de cet accord doivent débuter en août 2018 au plus tard .
Mais pour Samuel Nguembock, professeur et responsable des programmes de recherche pour l’Institut Thinking Africa, l’ouverture des frontières a eu des conséquences désastreuses sur la production locale de certains pays africains peu préparés à la concurrence européenne. Ainsi le Cameroun a perdu 4 millions d’euros de frais de douane au cours des 19 premiers mois d’application de l’accord de Cotonou. D’autre part, l”UE se voit régulièrement accusée par les Etats africains de tenir un discours d’ouverture au libre-échange tout en défendant sa production agricole grâce à la politique agricole commune (PAC).
Ainsi, l’UE a peu à peu pris conscience de l’impossibilité d’une politique unique pour tout le continent africain. L’Afrique étant plurielle, les niveaux de développement, d’intégration ou encore de stabilité politique varient beaucoup en fonction des régions. Ainsi, outre la négociation avec l’ensemble des pays ACP dans le cadre de l’accord de Cotonou, l’UE privilégie désormais la coopération avec des entités régionales africaines de moindre envergure ainsi qu’avec chacun des pays individuellement.
Aides au développement : une stratégie économique de l’UE
L’investissement dans les pays africains provient aujourd’hui en grande partie… d’autres pays africains. Le Maroc fait ainsi partie des pays les plus dynamiques. Mais l’Europe reste le premier donateur, avec environ 50% de l’aide publique au développement provenant des pays de la zone euro. Il est cependant difficile de mesurer l’efficacité de cette aide. Selon Samuel Nguembock, l’évaluation de l’efficience de l’aide au développement sur le terrain est tout aussi important que le volume de l’aide. De plus, les ressources humaines pour la réorientation de l’aide dans les pays concernés représente une priorité. Par exemple, les micro-projets agricoles, dont certains sont financés par l’Union européenne, sont souvent plus efficaces que le versement d’aide à l’échelle nationale car ils sont directement pris en charge par les bénéficiaires.
Dans un ouvrage intitulé Notre maison brûle au sud : que peut faire l’aide au développement ? (ed. Fayard), le chercheur Serge Michailof explique que l’aide est efficace pour les pays qui ont déjà une relative solidité institutionnelle et les capacités administratives pour en faire bon usage. En revanche, elle s’avère contre-productive pour les Etats fragiles voire déconstruits, qui ne peuvent pas allouer au mieux l’aide perçue.
Enfin, l’aide européenne au développement fait aujourd’hui partie, selon Pierre Jacquemot, d’une stratégie de diplomatie économique. Celle-ci consisterait “à mobiliser l’ensemble des échanges politiques et de développement comme un soutien aux contrats bénéfiques pour les entreprises européennes” .
Sécurité : la France en première ligne
Au sein de l’Union européenne, la France occupe une place privilégiée vis-à-vis des questions de sécurité en Afrique, et reste le plus souvent la première puissance à s’y engager. Le pays a, depuis 2003, régulièrement recours à l’action militaire sur le continent, comme en témoigne l’opération Artémis en République démocratique du Congo où la France assume le rôle de “nation cadre” dans cette opération et fournie plus de 80% des effectifs militaires. Toutefois, elle appelle de plus en plus les autres Européens à intervenir, sans nécessairement y parvenir. L’Allemagne n’est ainsi jamais intervenue militairement sur le sol africain. Un relatif consensus a néanmoins émergé pour renforcer les capacités militaires des Etats déstructurés et former les forces locales afin qu’elles puissent assurer leur propre sécurité.
L’UE cherche dans l’Union africaine un interlocuteur fiable et efficace pour assurer la paix et la sécurité. Ainsi, 5 000 hommes de la force africaine de l’UA sont intervenus au Burundi quand le président Nkurunziza s’est représenté pour un 3e mandat consécutif en 2015, rappelle Samuel Nguembock.
Plus récemment, en février 2018, la communauté internationale s’est engagée à fournir 414 millions d’euros pour la force conjointe du G5 Sahel, qui a pour mission d’améliorer la sécurité dans la région. Le G5 Sahel regroupe le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Il a permis de lutter contre les groupes djihadistes mais aussi contre les trafics de drogue, d’armes et de migrants.