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Comment la douane française agit-elle dans le cadre de Frontex ?

Comment les services de douane européens coopèrent-ils au sein de Frontex et quelle coopération mettre en place dans un contexte de crise migratoire ? Toute l’Europe a rencontré Lionel Fend, douanier français en charge de la coordination aéro-maritime. Il nous explique le travail quotidien de ce service au cœur de la coopération européenne.

Patrouilleurs Fulmar et J.F Deniau
Patrouilleurs Fulmar et J.F Deniau - Crédits : Douane française 

L’administration des douanes françaises a pour mission de contrôler les flux de marchandises. Elle lutte en ce sens contre tout trafic illicite et protège le territoire national.

Dès 1968, l’Union européenne a choisi d’établir une Union douanière entre les Etats membres. Cette Union abolit tous les frais de douane aux frontières entre les pays membres de l’UE et applique un tarif unique aux frontières extérieures de l’Union. Dans les faits, chaque service de douane national participe à l’Union douanière sur son territoire. Les pays à l’extrémité de l’espace Schengen on en effet la responsabilité de la surveillance des frontières extérieures de l’espace.

En France, par exemple, lorsque la douane exerce des contrôles en mer Méditerranée, la zone est à la fois une frontière nationale et l’une des frontières extérieures de l’espace Schengen dans son ensemble. En 2017, les douanes françaises ont ainsi contrôlé plus de sept millions de personnes aux frontières extérieures et intérieures de l’espace.

Dans le cadre de la réforme de Frontex en 2016, la France s’est engagée à mettre à disposition 170 garde-frontières, dont 20 douaniers. Au total, les Etats membres constituent une réserve de 1500 agents qui peuvent être mobilisés pour des opérations ponctuelles.

Avec la crise migratoire, les frontières de l’Union européenne et l’agence européenne des gardes-frontières et gardes côtes (Frontex) sont plus que jamais au centre de l’attention. Toute l’Europe est donc allé à la rencontre de ces acteurs en première ligne, présents aux frontières nationales comme européennes.

Lionel Fend est le chef du bureau chargé de la coordination aéro-maritime et des moyens d’intervention des services au sein de la douane française. Les missions de ce service sont d’établir la stratégie d’approvisionnement et le maintien en condition opérationnelle des moyens.

Comment la douane française agit-elle dans le cadre de Frontex ?

Lorsque nous devons prévoir la participation de la douane aux activités de Frontex pour l’année à venir, nous nous rendons avec les autres pays de l’Union à Varsovie [lieu du siège de l’agence, ndlr]. Nous prévoyons alors avec Frontex la manière dont nous allons mettre à disposition les moyens dont l’agence a besoin et nous programmons les futures interventions.

Nous poursuivons un double objectif. Le premier est d’être bien préparés, c’est-à-dire réviser le matériel, faire en sorte que les moyens soient en parfaite condition pour opérer et s’assurer que le personnel puisse être mobilisé. Le deuxième est de faire tout cela sans mettre en péril la défense de notre espace national et des frontières extérieures de l’UE qui se trouvent en France.

Dans le cadre de Frontex nous envoyons nos éléments, nos bâtiments ou nos avions pour protéger les frontières extérieures des Etats membres qui en ont exprimé le besoin ou pour lesquels Frontex a estimé qu’il fallait leur apporter un soutien.

C’est donc Frontex qui vous communique directement ses besoins ?

De façon concrète, Frontex commence par faire une analyse de la menace. En fonction de cette analyse, l’agence lance un appel d’offres de service à l’ensemble des Etats membres. Frontex nous indique alors que les besoins portent sur tant de moyens humains et matériels, tant de bateaux, tant d’avions, pour telle période et sur telle zone.

En fonction de la négociation avec les exécutifs des Etats membres, le tableau des besoins émis par Frontex se remplit progressivement avec les offres de service des Etats. A la fin des négociations, on produit une carte qui permet de dire “pour telle opération on a tant de moyens, tant de personnel, tant de bateaux, d’avions” . Normalement, à la fin de l’année n le programme d’engagement pour l’année n+1 est donc connu de tous les Etats membres. Au cours de l’année viennent ensuite des compléments lorsque c’est nécessaire. Par exemple, sur le plan terrestre, on peut nous demander un certain nombre d’officiers sur une frontière pour faire un contrôle de l’entrée des piétons voire pour reconduire des indésirables à l’extérieur de l’Union.

Quels sont les moyens mis à disposition par Frontex pour vos missions ?

Certains de nos moyens ont été financés par l’Union européenne. Nous avons des bateaux et des avions qui ont été financés en large partie par ce biais. En contrepartie, nous nous engageons à les utiliser dans le cadre de missions aux frontières de l’UE et nous rendons régulièrement des comptes à l’Union. Nous exerçons avec ces capacités des missions au profit de l’Union, mais aussi au profit du territoire national car, lorsque nous patrouillons en Méditerranée par exemple, nous sommes à la fois aux frontières extérieures de l’Union et à la fois aux frontières extérieures françaises.

La douane française met des moyens matériels et humains à la disposition de deux opérations maritimes de Frontex :

L’opération Thémis, qui remplace l’opération Triton. Lancée en 2014, elle doit aider l’Italie dans le domaine des contrôles aux frontières, de la surveillance et des activités de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale.

L’opération Poséidon, qui a été lancée en 2010 et qui fournit à la Grèce une assistance technique destinée à renforcer la surveillance de ses frontières, sa capacité de sauvetage en mer et ses moyens d’enregistrement et d’identification. (Source : Commission européenne)

Quelles sont les missions de la douane française dans le cadre du contrôle des flux de migrants ?

Nos moyens, lorsqu’ils sont mis à disposition de Frontex, font partis d’un ensemble plus vaste de ressources. C’est pourquoi ces moyens sont coordonnés par un centre qui se trouve dans le pays d’accueil de la mission. Par exemple, pour l’opération Poséidon, c’est en Grèce. Nous avons notre officier de liaison qui se trouve dans ce centre d’accueil et qui est chargé de faire la coordination entre les besoins exprimés au quotidien par l’agence et nos ressources.

Par exemple, l’agence peut avoir besoin de faire patrouiller un bateau ou d’envoyer un avion pour détecter des migrants ou des bateaux dans telle ou telle zone. L’officier de liaison doit alors vérifier si les équipages sont disponibles, c’est-à-dire s’ils ne sont pas déjà déployés sur d’autres zones, s’ils ne doivent pas se reposer et si le moyen est en parfaite condition. En d’autres termes, si la mission peut être assurée. Si elle l’est, on exécute la mission au jour le jour. Lorsque ce sont des patrouilleurs, ils opèrent plusieurs jours de patrouille avant de revenir. Evidemment, s’ils repèrent des migrants et qu’il y a des sauvetages à mener, alors la sauvegarde des vies humaines devient prioritaire. Dans ce cas, la mission est de ramener ces personnes au port que nous désignera Frontex pour qu’ils puissent être mis en sécurité. Ensuite, nous nous réarmons pour repartir sur la mission suivante. Et ceci dure pour l’ensemble de la période pendant laquelle nous sommes à leur disposition, c’est-à-dire en général un mois ou deux.

Pouvez-vous nous donner un exemple de coopération dans le cadre d’une action transfrontalière ?

Nous avons travaillé avec l’OLAF [office européen de lutte contre la fraude, ndlr.] pour l’opération Pascal, que dirigent la France et l’Espagne. Dans ce cadre, nous organisons fréquemment des périodes de contrôles renforcés dans des zones sensibles, notamment en matière de trafic de stupéfiants. Evidemment, ces opérations font l’objet d’analyses préalables : des flux, des dangers, des menaces. Lors de cette période de préparation, nous échangeons avec des organismes en charge de la lutte au sens le plus large et nous nous organisons pour que l’opération rencontre le succès le plus efficient possible. En l’occurrence, la coopération franco-espagnole est l’un des axes qui fonctionnent actuellement le mieux.

L’opération Pascal est une opération de surveillance maritime en Méditerranée. Elle est dirigée de façon conjointe par la direction régionale des douanes et des garde-côtes de Marseille et la direction de surveillance douanière espagnole, en collaboration avec l’Office européen de lutte contre la fraude (OLAF). (Source : Douane.gouv)

La douane française est-elle engagée dans d’autres partenariats bilatéraux ?

Bien sûr, notamment dans le domaine de l’échange de renseignements. Il faut préciser que dans ce domaine, comme dans bien d’autres, la douane n’agit pas seule. Nous échangeons donc avec nos homologues douaniers, mais également avec nos homologues d’autres forces chargées des garde-côtes.

Par exemple, avec les Britanniques, nous agissons notamment dans les champs du renseignement et de la sauvegarde humaine dans la Manche, qui est l’un des détroits les plus fréquenté du monde.

Et nous ne travaillons d’ailleurs pas uniquement avec des pays de l’Union européenne : nous intervenons également sur les territoires d’outre-mer, ce qui nous amène par exemple à coopérer avec les Etats-Unis.

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