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Climat : quel bilan pour l’action européenne 2 ans après la COP21 ?

Deux ans après la COP21, où en est la lutte contre le changement climatique ? Alors que les Etats-Unis de Donald Trump se désengagent et que la France, avec le sommet sur le climat du 12 décembre 2017, a voulu donner une nouvelle impulsion, Toute l’Europe fait le point sur l’action européenne pour le climat et passe en revue cinq indicateurs clés.

Activistes réclamant des mesures pour améliorer la qualité de l'air à Edimbourg (Ecosse)
Activistes réclamant des mesures pour améliorer la qualité de l’air à Edimbourg (Ecosse) - Crédits : Friends of the Earth

1. Emissions de gaz à effet de serre : l’Europe ne progresse plus

D’ici 2030, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40% par rapport au niveau de 1990. Alors qu’il ne reste plus que treize ans pour atteindre cet objectif, l’incertitude demeure quant à la capacité des Européens à y parvenir.

En 2016, d’après la Commission européenne, les GES ont diminué de 0,7% par rapport à l’année précédente. Une performance honorable, surtout compte tenu de la reprise de la croissance, qui a incité Miguel Arias Cañete, commissaire européen au Climat et à l’Energie, à l’optimisme. “Nos émissions baissent et l’économie se développe, en grande partie grâce aux technologies innovantes, montrant ainsi que la croissance et la lutte contre le changement climatique peuvent aller de pair” , a-t-il ainsi déclaré le 9 novembre dernier.

Ce chiffre de -0,7% apparaît toutefois encore insuffisant. Particulièrement au regard de la “régulation sur le partage de l’effort” sur laquelle les Vingt-Huit se sont entendus le 13 octobre dernier. Très critiques vis-à-vis de cet accord, les ONG, à l’instar du Réseau Action Climat (RAC), estiment qu’il donnera la possibilité aux Etats membres de ne pas avoir à respecter leurs engagements, notamment car ces derniers pourront compenser leurs manquements en utilisant des crédits carbone disponibles (voir plus bas). Il s’agit, pour Neil Makaroff, responsable Europe du RAC, d’une “échappatoire pour ne pas faire les efforts nécessaires vers la trajectoire dictée par l’Accord de Paris” . De plus, la proposition allemande de calculer l’effort de réduction des GES par rapport aux niveaux anticipés de 2020 et non de 2017 - ce qui aurait été plus ambitieux - a été rejetée. Le Parlement européen pourrait toutefois peser pour revoir les ambitions européennes à la hausse.

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Ne pas atteindre l’objectif de 40% de réduction des GES d’ici 2030 aurait tout d’une sévère contre-performance pour les pays de l’UE. D’autant plus que, selon un rapport de la Cour des comptes européenne, rendu public en septembre, “pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre que s’est fixé l’UE pour 2030, il faudra doubler nos efforts (…) et les multiplier par trois ou quatre pour ceux de 2050″ .

2. Energie : les renouvelables en hausse, le charbon toujours présent

D’ici 2030, les pays européens se sont aussi engagés à porter la part des renouvelables à 27% du mix énergétique. Un objectif qui paraît atteignable dans la mesure où les énergies propres, de plus en plus rentables, ont le vent en poupe partout dans le monde.

En la matière, rappelle la direction générale Climat de la Commission européenne, l’UE est le champion mondial en termes de brevets, mais manque encore de réalisations concrètes sur son territoire. De plus, le continent est de plus en plus concurrencé par la Chine, l’Inde et les Etats-Unis où la croissance des énergies renouvelables, comme le solaire, est particulièrement forte. L’Agence internationale de l’énergie indique à cet égard que la progression des renouvelables en Europe devrait être moins importante entre 2017 et 2022 qu’elle ne l’a été entre 2011 et 2016.

Un pays comme la France tend d’ailleurs à prendre du retard. Pour respecter ses engagements, le pays devrait en effet doubler son parc d’éoliennes et multiplier par cinq sa production d’électricité d’origine photovoltaïque d’ici 2035. Pour l’heure, les renouvelables ne représentent en effet que 16% du mix énergétique français encore largement dominé par le nucléaire. A cet égard, le gouvernement a annoncé, le 7 novembre, que la France ne serait pas en mesure de baisser la part du nucléaire de 75 à 50% à l’horizon 2025, comme le prévoyait initialement la loi de transition énergétique, adoptée lors du précédent quinquennat. Une ineptie estiment les écologistes, qui arguent que le coût de l’atome ne cesse d’augmenter et qu’en parallèle le pays pourrait rater le wagon des énergies propres.

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Pays du nucléaire, la France a en revanche renoncé au charbon. A l’image des Pays-Bas, puis de la Belgique, de l’Italie, ou encore du Portugal lors de la COP23 à Bonn (Allemagne), Paris a officialisé son désengagement total de cette énergie particulièrement polluante. Un choix inverse de celui de la Pologne, où 80% de la production d’électricité est encore issue du charbon, ou encore de la Bulgarie, de la Grèce ou de la République tchèque où la part de cet énergie dépasse également les 40%. En Allemagne également, notamment pour compenser le retrait brutal du nucléaire, le charbon conserve une place prépondérante.

Au total, selon un rapport conjoint de l’Institut britannique de développement et du Réseau Action Climat, ce sont encore 112 milliards d’euros de subventions qui sont consacrés aux énergies fossiles chaque année en Europe, entre autres par le biais d’avantages fiscaux en faveur du diesel.

3. Marché du carbone : une réforme trop timide ?

Le marché européen du carbone est un système d’échange de quotas d’émissions de CO2 qui fixe un plafond d’émissions pour les industries les plus polluantes, et qui permet aux entreprises qui dépassent les limites d’acheter des droits d’émissions à d’autres. L’efficacité de ce système, dont l’objectif final est de réduire les émissions de GES, est depuis plusieurs années très contestée en raison du prix très faible de la tonne de carbone, qui s’élève à l’heure actuelle à environ 10 euros.

Le 9 novembre dernier, les Vingt-Huit et le Parlement européen se sont entendus sur une réforme de ce marché du carbone, après des mois de tractations, les eurodéputés validant l’accord en février 2018. Est prévue une réduction annuelle des quotas disponibles de 2,2%, un chiffre qui devrait être revu à la hausse en 2024. De cette manière, d’ici 2030, le prix de la tonne de carbone devrait atteindre les 25 ou 30 euros. Une perspective qui a été jugée insuffisante par les ONG environnementales et les écologistes.

Seule une lourde taxation des émissions de gaz à effet de serre permettrait de stabiliser le réchauffement climatique” , soutient également Gaël Giraud, économiste en chef à l’Agence française pour le développement (AFD), rejoignant ici l’opinion d’autres experts comme Joseph Stiglitz et Nicholas Stern. Fixer d’ici 2020 le prix de la tonne de carbone entre 40 et 80 dollars (34-68 euros), puis entre 50 et 100 dollars (42-85 euros) d’ici 2030 serait pour eux la solution à adopter, et si possible à l’échelle mondiale. L’impact positif sur le climat serait rapide et sur le plan économique, la mesure neutre car elle s’appliquerait à tous.

4. Qualité de l’air : les villes multiplient les mesures

Selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE), ce sont encore 500 000 décès qui sont à déplorer chaque année en raison de la pollution de l’air. A cet égard, les particules fines, dont les concentrations sont en baisse, apparaissent comme la principale cause de mortalité, étant responsables d’environ 400 000 morts. Les deux autres principales substances nocives sont le dioxyde d’azote, dont la notoriété a connu un bond avec l’affaire du Dieselgate, et l’ozone.

En 2015, indique l’AEE, 7% de la population aurait ainsi été exposée à des niveaux de particules fines supérieurs aux limites européennes - une proportion qui monte à 82% si l’on considère les niveaux les plus exigeants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). A cet égard, deux régions européennes se distinguent par une qualité de l’air particulièrement mauvaise : la vallée du Pô de Milan à Padoue en Italie et l’ensemble du sud-est polonais autour des villes de Varsovie et Cracovie.

Concentrations annuelles moyennes de particules fines de diamètre inférieur à 2,5 micromètres (2,5PM) en 2015 - Source : Agence européenne de l’environnement

Pour faire face à ce type de pollution, nombreuses sont les grandes villes européennes à avoir mis en œuvre des mesures. Paris a par exemple instauré en janvier 2017 une vignette indiquant le niveau de pollution des véhicules. L’objectif est de limiter la circulation des voitures et camions diesel antérieurs à 1997. Tandis que les véhicules les plus propres doivent bénéficier de facilités de circulation et de stationnement. Plus récemment, depuis le 23 octobre, Londres impose une taxe de 10 livres (11,20 euros) par jour aux conducteurs de voitures diesel et essence antérieures à 2006. Elle vient s’ajouter au péage urbain (12,90 euros par jour) datant de 2003 et destiné à limiter le trafic dans le centre de la capitale. D’autres villes encore ont adopté pareilles mesures : Berlin avec une vignette, Athènes avec une circulation alternée permanente, ou encore Milan avec un péage.

5. Economie : les investissements verts en pleine croissance

Les investissements verts ont le vent en poupe en Europe. D’après la banque HSBC, l’Union européenne est même le leader mondial en la matière, la France seule se situant en troisième position. “La France occupe la première place en Europe en termes d’émissions d’obligations vertes et la troisième place au niveau mondial avec 13% des volumes émis, derrière la Chine (17%) et les Etats-Unis (14%)” , relate HSBC, qui ajoute que 68% des opérateurs prévoient d’augmenter leurs investissements verts.

Pour l’année 2016, les investisseurs pour le climat se sont ainsi élevés à 31,7 milliards d’euros en France. Un chiffre donc élevé, mais qui demeure insuffisant si le pays veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 comme le souhaite Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement. Le doublement de ce volume d’investissements serait à cet égard nécessaire, estiment Les Echos.

Au niveau européen, la donne est la même. Comme l’explique la direction générale Climat de la Commission européenne, ce sont 180 milliards d’euros d’investissements par an qui manquent à l’appel. Une somme jugée atteignable, mais qui suppose l’engagement accru du secteur privé. Le plan d’investissement européen, également appelé plan Juncker, lancé en 2015 et prolongé jusqu’en 2020, doit contribuer à cette augmentation. En participant au financement de projets potentiellement risqués, l’UE via la Banque européenne d’investissement incite les acteurs privés à également s’engager.

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