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Claude Turmes : “La Commission européenne s’est dotée d’un instrument efficace grâce au nouveau paquet sur le marché intérieur”

Député européen Vert/ALE, Claude Turmes est membre de la commission parlementaire de l’industrie, de la recherche et de l’énergie. Il revient sur les enjeux du paquet sur l’énergie et nous fait part de ses réflexions sur le Grenelle de l’environnement et de ses attentes envers la Présidence française.

La Commission européenne doit remettre une feuille de route sur une politique étrangère commune dans le domaine de l’énergie. Quels sont les objectifs et les enjeux de cette politique ? Comment peut-on diminuer la dépendance de l’UE vis-à-vis des pays tiers tels que la Russie ?

L’objectif de la communication de la Commission européenne est de s’adresser d’une seule voix, au nom de l’Europe, aux grands pays, que ce soit des pays producteurs mais aussi des pays consommateurs comme l’Inde et la Chine. Depuis les vingt dernières années, les grands pays ont privilégié une approche trop nationale. La Commission européenne doit maintenant améliorer la confiance que les Etats membres ont dans les capacités d’analyse et d’action de l’UE.

La Commission européenne s’est dotée d’un instrument efficace grâce au nouveau paquet sur le marché intérieur. Dans ce paquet, il existe une clause de réciprocité, notamment envers les producteurs de gaz. Cette clause va permettre un meilleur rapport de force par rapport à des pays comme l’Algérie et la Russie mais aussi discipliner certains pays qui ont une approche trop nationale.

Une fois que la directive sera votée, dans environ un an et demi, cette clause entrera en vigueur. En attendant, cette disposition existe et donc, diplomatiquement, il est très difficile pour l’Italie d’aller négocier avec Gazprom un contrat dans lequel elle ne respecterait pas les indications européennes.

La Commission européenne a reporté à la mi-janvier la présentation de ce paquet de mesures législatives qui était prévu pour le 5 décembre. Quels sont vos commentaires ?

Depuis plusieurs semaines, j’avais déjà anticipé ce report. La date du 5 décembre 2007 comportait le désavantage d’être en pleine conférence de Bali sur le climat. Le grand risque était que pendant cette conférence, l’Europe soit plutôt perçue comme une entité et que le changement climatique soit traité comme une question théorique. L’autre risque était que les Etats cherchent plutôt à se rallier par groupe et qu’en pratique ils tirent les uns sur les autres pour se refiler la ‘patate chaude’.

La Commission européenne a compris que ce n’était pas très malin de montrer que l’Union européenne n’était pas unie sur la question. Mais il faudra voter tous ces paquets avant les élections de 2009, donc il ne faudra pas tarder, mi-janvier étant la dernière date limite pour la Commission pour présenter le paquet législatif.

Au moment où la Commission européenne présentera ce paquet, il y aura des réactions très fortes de certains gouvernements. La Commission européenne devra imposer des contraintes sur les pays membres en matière de “burden sharing” (partage des charges) au niveau du CO2 mais aussi au niveau des plafonds des certificats de CO2 et au niveau des objectifs d’énergies renouvelables.

En septembre 2007, le groupe parlementaire des Verts/ALE, auquel vous appartenez, a condamné le soutien de la commissaire européenne à la Concurrence, Neelie Kroes, à l’énergie nucléaire. Quelle est votre position à ce sujet ?

Dans le marché intérieur de l’énergie, il n’y a pas de distorsion entre les différentes sources d’énergie. Or la décision de Mme Kroes de permettre à la Coface, l’organisme qui donne des crédits à l’exportation française, d’agir dans le cas du réacteur Areva construit en Finlande, s’oppose aux décisions qui existent au niveau européen, par exemple de la Cour de justice. C’est une distorsion du marché intérieur en faveur du nucléaire.

En dehors du débat “pour ou contre le nucléaire” , la moindre des choses c’est que la Commission européenne, pour être crédible en matière de concurrence, veille à ce que le nucléaire n’ait pas des avantages indus à l’intérieur du marché intérieur.

Vous êtes l’auteur d’un rapport selon lequel l’énergie renouvelable pourrait couvrir 80 % de tous les besoins en énergie d’ici la fin du siècle. Quelle est la situation actuelle ? Comment cette proportion peut-elle être augmentée ?

Actuellement la part d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie en Europe tourne autour de 8 % en énergie finale. En mars 2007, les chefs d’Etats ont décidé de passer de 8 à 20 % en 2020. 20 % en 2020 cela signifie que 35 % de l’électricité sera de l’électricité verte, 20 % de la chaleur et du froid et 10 % des carburants seront d’origine renouvelable.

Il faut noter le développement technologique en cours de très grands projets. L’Europe du Centre et de l’Est et la Scandinavie vont développer la biomasse. La mer du Nord possède, quant à elle, un énorme gisement d’énergie pour l’éolien et les énergies marines. Enfin, le Sud de l’Europe possède de très grosses installations pour convertir le solaire en électricité.

Par ailleurs, le développement sera réalisé dans les Etats membres grâce à l’intégration du secteur du bâtiment avec le secteur des énergies renouvelables décentralisées. En France, le Grenelle de l’environnement propose par exemple de construire des maisons plus écologiques pour 2020. En Autriche et en Allemagne, c’est déjà partiellement le cas.

Comment se situe la France sur le plan des énergies renouvelables par rapport aux autres Etats membres ?

La France est le pays d’Europe avec le plus grand potentiel d’énergies renouvelables. C’est un pays très boisé qui possède de grandes surfaces agricoles qui permettent la biomasse. C’est également un pays où il y a beaucoup de soleil et de vent et qui est riche en énergies marines.

Jusqu’à présent la France était très à la traîne par rapport à d’autres pays comme l’Espagne et l’Allemagne. Le Grenelle de l’environnement fera peut-être changer les choses.

L’environnement figure parmi les priorités de la Présidence française de l’UE en 2008. Qu’attendez-vous de la France dans ce domaine ?

D’une part, j’espère une grande avancée au niveau du transport. Je souhaite que la France nous aide à réinvestir dans les chemins de fer, notamment au niveau d’un TGV européen, mais aussi au niveau du routage.

D’autre part, j’espère une aide de la France pour faire adopter pendant la Présidence française une proposition sur la TVA réduite sur tous les produits très performants en énergie. Cette proposition concerne tous les appareils ménagers et bureautiques ainsi que le matériel de construction.

En France, un Grenelle de l’environnement a été lancé. Êtes-vous favorable à l’idée d’organiser un “Grenelle européen” de l’environnement ?

L’idée d’organiser un “Grenelle européen” de l’environnement me paraît une très bonne idée parce que les décisions environnementales sont plus urgentes que jamais et que l’environnement a un énorme potentiel pour reconnecter les citoyens européens avec l’Europe. Donner plus de place et d’espace aux organisations qui portent les revendications de l’écologie serait une excellente chose.

Propos recueillis le 25/10/07

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