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Claire Demesmay : “L’Allemagne tient à exercer un ‘leadership partagé’ ”

Claire Demesmay est responsable du programme franco-allemand à l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP) à Berlin. Elle revient pour Touteleurope.eu sur les défis européens qui attendent Angela Merkel suite à son succès électoral.

Le Bundestag

La campagne électorale allemande maintenant achevée, quels sont les grands dossiers européens qu’Angela Merkel souhaite faire avancer ?

Bien que tout dépende du partenaire de coalition qui sera choisi, on peut déjà esquisser plusieurs pistes. L’Union bancaire et la gouvernance de la zone euro sont deux des grands dossiers européens, et l’Allemagne, comme les autres pays de l’Union, est consciente qu’il s’agit de sujets centraux sur lesquels des compromis seront nécessaires.

Cependant, la campagne électorale n’a pas non plus mis la construction européenne en veille. Il y a eu en mai dernier un important accord franco-allemand pour créer une autorité européenne de résolution des crises bancaires. De mon point de vue, la campagne a même permis certaines avancées. La CDU a en effet voulu se positionner face au SPD comme un parti qui ne bloquait pas les négociations européennes et n’était pas indifférente aux conséquences sociales de la crise. Je pense en particulier au programme d’aide contre le chômage des jeunes dans les pays du Sud de l’Europe, même si son impact sera limité.

Une fois que la coalition gouvernementale sera déterminée, il n’est pas exclu que la coopération européenne et le couple franco-allemand retrouvent une nouvelle dynamique. Le couple Hollande-Merkel dispose désormais d’une “fenêtre de tir” de 3 ans et demi avant les prochaines élections, ce qui est un temps relativement confortable pour développer des projets en commun. Tout est maintenant question de volonté des dirigeants politiques, en particulier français et allemands.

Quel leadership européen Angela Merkel est-elle prête à assumer ?

Le succès électoral de la chancelière sortante contraste avec la situation de tous les autres pays européens. Il s’agit de la première dirigeante à être reconduite depuis la crise, avec un fort soutien de la population. Elle jouit donc d’un poids politique important vis-à-vis des autres dirigeants du continent : ce déséquilibre politique, validé par le processus démocratique, vient s’ajouter au déséquilibre économique qui existe depuis plusieurs années déjà.

Cependant, Berlin veut éviter de paraître dominante sur la scène européenne. Malgré ses convictions, notamment sur la politique économique et budgétaire, Angela Merkel fait preuve de prudence. Mais il s’agira d’une tâche difficile pour le prochain gouvernement : on a bien vu au cours de la crise à quel point sa politique européenne exacerbait les susceptibilités et les craintes de ses partenaires. C’est pourquoi elle fera en sorte d’exercer un “leadership partagé” , en particulier avec la France afin de mieux convaincre les pays du Sud.

Concernant la crise de la zone euro, Angela Merkel tient à poursuivre la politique menée lors du précédent mandat, à savoir une politique de conditionnalité : les pays en difficulté seront aidés en échange de réformes de compétitivité et du respect d’une certaine orthodoxie budgétaire. Cela devrait rester le cap de la politique économique de l’Allemagne, mais avec des inflexions, sur la politique sociale en particulier.

Depuis le début de la crise, le SPD et les Verts ont soutenu la politique européenne du gouvernement fédéral, mais la campagne a été marquée par les questions sociales. Avec le départ des libéraux et l’entrée au gouvernement d’un nouveau partenaire de coalition, on peut donc s’attendre à un certain assouplissement en matière économique, et peut-être même l’émergence au niveau européen d’une réflexion sur les standards sociaux, par exemple sur un salaire minimum. L’Allemagne tient ainsi à l’orthodoxie budgétaire, mais pourrait l’assortir d’une certaine souplesse.

L’Allemagne peut-elle faire progresser la coopération européenne en matière d’énergie ?

En Allemagne, la transition énergétique est aujourd’hui l’un des grands dossiers politiques. La décision de sortir du nucléaire plus rapidement que prévu après l’accident de Fukushima place le pays face à d’immenses défis financiers et technologiques.

Je pense qu’il y a donc un fort intérêt de la part de Berlin de faire avancer les choses avec ses partenaires européens. Les sujets difficiles comme l’énergie nucléaire devraient être évités dans les discussions, puisque les divergences sont telles qu’il ne peut y avoir d’accord sur le sujet, mais des avancées sont possibles sur plusieurs dossiers. C’est le cas en particulier des énergies renouvelables, des infrastructures énergétiques mais aussi de l’investissement public au sens large, qui a également été l’un des grands thèmes de la campagne allemande.

Sur ces sujets, les intérêts des Européens convergent. Plus d’un demi-siècle après la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la relance de la coopération européenne en matière énergétique serait en tout cas un beau symbole.

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