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Chypre : un plan de sauvetage incongru

Dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 mars, le Fonds monétaire international (FMI) et les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont entendus sur un plan de sauvetage du secteur bancaire chypriote. Fixée à 10 milliards d’euros, l’enveloppe allouée à Chypre s’avère bien en-deçà du montant de 17 milliards estimé nécessaire au redressement économique du pays par les autorités chypriotes. Les 27 ont estimé que l’engagement de remboursement d’une somme équivalente au Produit intérieur brut (PIB) de l’île serait impossible à tenir.

5e Etat membre de la zone euro bénéficiaire d’une aide internationale depuis 2010 après la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, Chypre fait son entrée sur le banc des “mis sous tutelle” de la zone euro. Alors qu’en l’espace de trois ans, quelque 643 milliards d’euros ont été distribués pour prévenir la zone euro de la faillite par contagion, la recapitalisation des banques chypriotes ne semblent pas peser lourd dans la balance des prêts européens.

Une assistance européenne aux conditions controversées

En réaction à la taxe sur les dépôts bancaires, la presse moscovite se déchaîne : “Europe civilisée” brisée, “acte barbare soviétique”, le quotidien proche du pouvoir Izvestia, fustige la décision européenne. D’après l’agence Moody’s, les sociétés russes détiendraient 19 milliards de dollars d’avoirs dans les établissements bancaires chypriotes. Quant aux banques russes, elles auraient placés quelque 12 milliards de dollars dans les coffres chypriotes.


Si les gouvernements grec, irlandais, portugais, et espagnol, ont dû garantir à leurs bailleurs de fonds de sérieux efforts (gel des salaires, réduction des dépenses publiques, etc.) on assiste aujourd’hui à un épisode tant saugrenu qu’inédit dans l’histoire de la sortie de crise européenne. En contrepartie d’un plan de sauvetage international, les bailleurs de fonds de Chypre exigent l’imposition d’une taxe sur les dépôts bancaires des épargnants chypriotes. Initialement évaluée à hauteur de 6,75% sur les épargnes inférieures à 100 000 euros et de 9,9% pour des sommes supérieurs à ce seuil, l’Eurogroupe a finalement revu sa copie face à l’émoi suscité par cette annonce auprès de l’opinion en faveur des “petits” épargnants. Ainsi, “la zone euro a unanimement soutenu hier soir une exonération totale des dépôts bancaires en-deçà de 100.000 euros à Chypre” a déclaré le ministre français des Finances, Pierre Moscovici. Malgré cet assouplissement, il semble que la proposition de l’Eurogroupe ne sera pas celle examinée par le parlement chypriote en cette fin d’après-midi. Les députés chypriotes devraient se pencher sur une nouvelle version du projet de loi épargnant d’une taxe les dépôts bancaires de moins de 20 000 euros. Les taxes de 6,75% sur les épargnes de 20 000 à 100 000 euros et de 9,9% au-dessus de ce seuil seraient maintenues (source AFP/Reuters). Dans ce cas, la taxe ne devrait rapporter à l’Union européenne que 5,5 milliards sur les 5,8 milliards d’euros escomptés selon le gouverneur de la Banque centrale chypriote, Panicos Demetriades (source CNA). Un manque un gagner qui pourrait remettre en cause le plan de sauvetage décidé par les 27.

Aide financière européenne : 4 pays, 4 contextes

La crise des “subprimes” déclenchée par l’explosion de la bulle immobilière de 2008 aux Etats-Unis est l’élément déclencheur de la crise économique européenne. La chute de la banque Lehmann Brothers en septembre 2008, entraîne l’écroulement des bourses européennes et la paralysie du secteur bancaire du Vieux continent. La recapitalisation des banques européennes est désormais inévitable, l’Union doit payer la facture. Concomitamment, le voile se lève sur la réalité des comptes grecs (déficit 12,7% - dette 113,4% du PIB). Méfiance des marchés, la crise s’installe.


En 2010, la Grèce fut le premier Etat membre de la zone euro a sollicité une aide financière internationale. Bousculée par une crise économique mondiale, le pays a perçu un premier versement de 110 milliards d’euros en mai 2010, puis un second prêt de 165 milliards en février 2012, accompagné d’un effacement de 107 milliards d’euros de sa dette auprès de ses créanciers privés. Si les autorités grecques ont accepté jusqu’à présent toutes les conditions de prêts de la troïka (UE, FMI, Banque centrale européenne), les négociations autours du prochain versement de 2,8 milliards programmé pour la fin du mois de mars piétinent (taux de TVA et suppression d’emplois dans la fonction publique). Une réouverture du dialogue serait pressentie pour le début de mois d’avril.

Au mois de novembre 2010, l’Irlande bénéficia à son tour d’une enveloppe de 85 milliards d’euros répartie entre ses établissements bancaires (35 milliards €) et ses dépenses budgétaires (50 milliards €). Secouée par l’effet domino de la crise immobilière américaine qui affecta son secteur bancaire surdéveloppé en comparaison de son poids économique, l’Irlande n’eut d’autre choix que d’accepter les contreparties exigées par ses bailleurs de fonds, dont un sérieux plan d’austérité. Mercredi 13 février, l’Irlande a réalisé un véritable retour en fanfare sur les marchés financiers. Emettant sa première émission d’obligations à dix ans (5 milliards €) depuis son sauvetage, les investisseurs ont mis sur la table une somme inattendue de 13 milliards d’euros.

En mai 2011, l’UE et le FMI accordèrent une aide de 78 milliards d’euros au Portugal conditionnée à la mise en œuvre d’un plan de rigueur budgétaire. Lors du dernier Conseil européen, vendredi 15 mars, les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement ont concédé au Portugal une année supplémentaire pour ramener son déficit au-dessous des 3% du PIB. En 2012, le déficit public portugais s’est établi à 5%.

Enfin, en juin 2012, 100 milliards d’euros ont été versées au secteur bancaire espagnol en contrepartie d’une restructuration de ses banques. Contrairement à ses prédécesseurs, l’Espagne n’est jamais passée sous assistance européenne.


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