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Chômage : “Nous devons mettre l’accent sur la qualification des jeunes”

Erasmus, Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), cadre pour un apprentissage efficace et de qualité… Pour lutter contre le chômage des jeunes, l’Union européenne dispose de différentes politiques. Interrogé par Toute l’Europe, l’eurodéputé et ancien ministre Jean Arthuis (LaREM) se dit favorable à l’augmentation des crédits européens alloués à la jeunesse et à la qualification professionnelle des jeunes. Mais il faudrait pour cela que les États membres “s’approprient” davantage “les instruments européens”.

Le développement de l'apprentissage permet de lutter contre le chômage des jeunes, selon Jean Arthuis - Crédits : sturti / iStock
Le développement de l’apprentissage permet de lutter contre le chômage des jeunes, selon Jean Arthuis - Crédits : sturti / iStock

Le Conseil de l’UE, où siègent les États membres, souhaite que les crédits du budget de l’UE pour 2019 alloués à la croissance, à l’emploi et à la formation professionnelle soient réduits de 764 millions d’euros par rapport à 2018. Pourquoi ?

Au mois de mai, la Commission a présenté son projet de budget pour l’année 2019, qui s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020. Elle essaye de faire face aux besoins nouveaux, notamment ceux liés au phénomène migratoire. A la suite de cela, le Conseil a procédé à un coup de rabot rituel : c’est un acte assez technocratique dans lequel les gouvernements constituant le Conseil ne s’impliquent pas véritablement.

Jean ArthuisJean Arthuis est eurodéputé, membre de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE). Préoccupé par les enjeux de la formation professionnelle et de mobilité, il est l’auteur d’un rapport commandé par la ministre du Travail Muriel Pénicaud qui présente les freins à la mobilité européenne des apprentis et des solutions possibles.

Ensuite, le Parlement a, à son tour, procédé à l’examen du projet de budget : il a rétabli assez largement les crédits qu’avait demandés la Commission parce qu’elle est la plus apte à évaluer le niveau des besoins. Nous avons ajouté quelques priorités spécifiques comme la croissance et l’aide aux PME. Et nous entendons également mettre l’accent sur tout ce qui concerne la jeunesse et notamment la qualification professionnelle des jeunes. Nous pensons qu’Erasmus y contribue directement et que par conséquent il faut augmenter ses crédits. Cette question sera au cœur de débats, sans doute très âpres, entre le Parlement et le Conseil. Puisque pour qu’il y ait adoption d’un budget il faut accord entre ces deux institutions.

Pour 2019, est-ce envisageable d’augmenter les crédits européens alloués à Erasmus ? Plus généralement, que peut l’UE pour soutenir la formation professionnelle et l’apprentissage ?

Il faut d’abord bien voir que l’UE n’a pas de compétences propres en termes d’éducation et de formation professionnelle. Donc ce sont des réponses apportées au gré des circonstances. En l’occurrence, un instrument peut largement aider à lutter contre le chômage des jeunes en Europe : le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. L’observation est faite que les pays de l’UE qui ont une culture de l’apprentissage enracinée dans le paysage économique et social n’ont pratiquement pas de chômage des jeunes. C’est vrai pour l’Allemagne, les Pays-Bas, pour l’Autriche et on pourrait y ajouter la Suisse si elle était membre de l’UE.

Donc nous souhaitons développer cela et nous pensons qu’Erasmus peut y contribuer, car il permet la rencontre des bonnes pratiques. Il permet aussi de changer le regard des familles sur l’apprentissage en posant le principe que les apprentis comme les étudiants peuvent accéder aux bourses Erasmus et partir sur des périodes longues. Erasmus Pro - le volet d’Erasmus consacré aux apprentis et aux personnes en formation professionnelle - recevra 400 millions entre 2018 et 2020.

Les États membres ont un rôle déterminant dans la mise en œuvre de cette politique européenne de soutien à la formation professionnelle et à l’apprentissage. En font-ils assez ?

Il faut que les États membres s’approprient les instruments et fassent converger leurs propres législations pour permettre la mobilité. Par exemple, l’UE a adopté une recommandation “pour un apprentissage de qualité et efficace” [cette recommandation décline un ensemble de critères pour encadrer l’apprentissage et assurer sa qualité et son efficacité, ndlr]. Mais cela suppose que tous les États s’emparent de ce modèle pour l’inscrire dans leurs législations nationales.

Les États membres n’en font pas assez, il faut faire pression sur eux. Ils ont tous un peu la tête dans le guidon, mais ne s’impliquent pas suffisamment pour faire converger leurs législations. C’est tout le problème d’une Europe qui reste encore une addition d’égoïsmes nationaux.

Est-ce qu’un chômeur français, par exemple, est informé que l’UE investit pour soutenir la formation professionnelle ?

Non, je ne crois pas que ce soit perçu par les Européens. Ma conviction est que ce sont les États qui s’efforcent de récupérer de l’argent. C’est comme le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation [ce fonds cofinance la reconversion professionnelle lors de licenciements massifs, ndlr] : je doute que les bénéficiaires aient vraiment conscience que c’est l’Europe qui participe au financement de leur formation.

Les choses sont beaucoup plus visibles lorsque l’Europe contribue à soutenir la formation et l’apprentissage avec les mobilités Erasmus, car le jeune se déplace dans un autre pays de l’UE. Et il a conscience que c’est vraiment l’Europe qui lui donne un coup de pouce.

Le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 est actuellement en négociation au sein des institutions européennes. Quels seront les crédits réservés à la formation professionnelle ?

La première chose, c’est le doublement des crédits pour Erasmus : 30 milliards d’euros sur 7 ans. Le Parlement européen a proposé de tripler ces crédits. Car en doublant Erasmus, on permet déjà à tous ceux qui demandent des bourses Erasmus d’en bénéficier - une demande sur deux est écartée faute de fonds. Mais en multipliant par trois, on permet d’accueillir une cohorte d’apprentis et de stagiaires de la formation professionnelle.

A cela s’ajoute le programme Discover Europe, qui devrait disposer de 700 millions d’euros pour permettre aux jeunes de 18 ans de découvrir l’Europe pendant leurs vacances.

Ensuite, l’Initiative pour l’emploi des jeunes [ce programme européen soutient la formation des jeunes dans les régions où le taux de chômage des moins de 25 ans est supérieur à 25%, ndlr] devrait doubler, mais il est incorporé dans le Fonds social européen (FSE). Sachant qu’au sein du FSE, il y a également un volet de 761 millions d’euros spécialement dédié à l’emploi.

Enfin, le Fonds de développement régional (FEDER) pourrait utilement être mobilisé pour construire et équiper des centres de formation professionnelle d’apprentis.

Quelle est votre opinion sur la réforme française de la formation professionnelle et de l’apprentissage, promulguée le 5 septembre ?

Elle va dans la bonne direction. Et on voit déjà, lors de cette rentrée, que les inscriptions en apprentissage sont en forte progression. Muriel Pénicaud [ministre du Travail, ndlr] m’avait demandé un rapport sur comment lever les freins à la mobilité. Le premier était d’ordre législatif : initialement, le maître d’apprentissage français était tenu d’indemniser son apprenti alors même qu’il était parti dans un autre pays et était responsable en cas d’accident. Ces dispositions ont été levées. Mais il faut que ce frein disparaisse aussi chez nos partenaires, car ce que nous voulons c’est aussi que les maîtres d’apprentissage français accueillent des apprentis venant d’autres pays.

Reste également à régler, mais c’est en bonne voie, la reconnaissance des acquis de la mobilité, à la fois en termes d’acquisition de connaissances professionnelles et d’expériences professionnelles pour que les autorités académiques des pays qui délivrent les diplômes prennent en considération les six mois passés dans un autre pays. Cela signifie plus largement qu’il faut aller vers la convergence des diplômes pour assurer la mobilité.

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