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Catherine Chabaud, eurodéputée du groupe libéral : “Il faut se demander comment rendre plus vertueux nos accords commerciaux”

Feux de forêt en Amazonie, préparation du sommet Action Climat des Nations Unies… L’environnement occupe une bonne part de l’agenda des députés européens, réunis en session plénière à Strasbourg du 16 au 19 septembre. Devenue eurodéputée, la navigatrice Catherine Chabaud explique le positionnement de son groupe centriste libéral Renew. Elle défend ses projets autour de l’océan. Et se dit optimiste quant à la capacité de l’Union européenne à effectuer sa mue.

Catherine Chabaud, en bleu de travail à Strasbourg pour défendre l'océan - Crédits : Marie Guitton / Toute l'Europe
Catherine Chabaud, en bleu de travail à Strasbourg pour défendre l’océan - Crédits : Marie Guitton / Toute l’Europe

De nombreux groupes politiques du Parlement européen ont de nouveau appelé, le 17 septembre, les Etats membres de l’Union européenne à renforcer leurs objectifs climatiques.

Faute d’accord des Vingt-Huit, notamment sur la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’Union européenne arrivera “les mains vides” au sommet Action Climat de New York, le 23 septembre, regrette l’eurodéputée écologiste Karima Delli.

Le groupe des Verts pointe également du doigt la politique commerciale de l’Union européenne, et notamment l’accord de libre-échange UE-Mercosur qui irait à l’encontre de la lutte contre le réchauffement climatique. Dans le collimateur des écologistes : “l’ambiguïté” du groupe centriste libéral Renew, qui a refusé de soutenir, le 16 septembre, la mise aux votes d’une résolution sur les feux de forêt en Amazonie, malgré les discours sévères d’Emmanuel Macron sur la scène internationale.

Toute l’Europe a interrogé Catherine Chabaud, eurodéputée du Modem, élue sur la liste Renaissance (portée par La République en marche) en mai 2019, et qui siège au sein du groupe Renew au Parlement européen. C’est la seule Française qui participera - en tant qu’eurodéputée - au sommet de New York le 23 septembre. Ancienne navigatrice, issue de la société civile, elle revient sur les positionnements de sa famille politique… et défend avec beaucoup d’optimisme le sujet qui lui tient à cœur : l’océan.

Les objectifs de l’Accord de Paris sont encore loin d’être atteints. Les dirigeants européens ne s’entendent pas sur la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’UE est-elle bien placée pour encourager ses partenaires du monde entier à renforcer leurs engagements contre le changement climatique ?

Oui, l’Union européenne a une puissance de feu pour engager la terre entière dans la transition écologique et énergétique. Et je crois que l’intérêt de la stratégie proposée par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est de montrer que la transition est aussi une chance d’un point de vue économique et social.

A l’instant t, on a toujours l’impression qu’on n’avance pas. L’urgence est tellement grande qu’on aimerait pouvoir aller plus vite. Mais regardons dans le rétroviseur. Est-ce qu’au démarrage de la précédente mandature, le climat était le sujet principal du candidat élu à la tête de la Commission européenne ? Donc on peut regarder le verre à moitié plein.

Après, je me rends compte de la nécessité absolue d’entraîner tout le monde. Demain, il va falloir financer la transition écologique et énergétique. Il faudra arriver à embarquer des Etats qui sont peut-être moins avancés que d’autres sur le climat. Pour faire un tour du monde, il faut d’abord franchir le Golfe de Gascogne ! Mais je suis optimiste, j’ai envie d’y croire. Je sens globalement une grande volonté commune.

D’un point de vue budgétaire, il va falloir aussi embarquer l’Allemagne, qui semble réticente à augmenter le budget de l’UE pour la période 2021-2027. Plusieurs groupes du Parlement européen, comme les Verts et les Sociaux-démocrates (S&D) estiment aujourd’hui que le portefeuille du futur commissaire européen au “Green Deal” est une coquille vide, tant que la Banque du climat n’est pas pourvue d’une réelle capacité budgétaire. Ils appellent aussi à réorienter vers le climat les liquidités injectées par la BCE dans l’économie. Qu’en pense votre groupe libéral au Parlement européen ?

Oui, il faut encore plus d’argent ! A Renew, on essaie d’envoyer des signaux forts, de pousser le budget au maximum. Dans notre campagne nous avons parlé d’une Banque du climat et d’un budget de 1000 milliards d’euros pour financer la transition énergétique entre 2021 et 2027. C’est toujours notre programme.

La commission environnement du Parlement européen a voté un amendement pour que 40 % du prochain budget pluriannuel de l’UE contribuent aux objectifs en matière de climat. C’est quand même très ambitieux ! Donc je pense que les Verts ne sont plus tous seuls à porter ces sujets-là. Nous sommes là, au Parlement européen, pour peser […].

Et puis il y a aussi la question de savoir comment rendre cet argent facilement accessible aux porteurs de projets. Pendant dix ans, j’ai fait de l’ingénierie de projets pour des PME et des centres de recherche sur des projets de bateaux écologiques. Je peux vous dire qu’aller décrocher des financements publics qui vont compléter les financements privés, c’est parfois une usine à gaz…

Quels sont les projets que vous soutiendrez désormais au Parlement européen et à New York ? Vous souhaiteriez faire reconnaître l’océan comme un bien commun de l’Humanité ?

A New York, en tant qu’eurodéputée, j’ai sollicité d’être reçue par l’envoyé spécial du secrétaire général chargé des océans, Peter Thomson. Je souhaite le mobiliser sur la reconnaissance de l’océan comme un bien commun, une initiative que nous avons lancée en France avec des skippers en juin 2018.

Au Parlement européen, j’ai aussi soumis à mon groupe une proposition de rapport d’initiative sur les navires et les engins de pêche, pour réduire leurs émissions. L’un des sujets que je vais essayer de porter ici, c’est la réduction de l’impact du changement climatique sur les océans. C’est pour ça que je suis ravie de voir un commissaire européen à l’Environnement et à l’Océan, qui va travailler avec un commissaire au Green deal. C’est un premier signe qui me semble très fort. Quand on voit que 90 % des marchandises transitent par la mer aujourd’hui, il est urgent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de tous les navires […].

Sur ce point justement, votre groupe centriste libéral Renew est accusé par les Verts, l’extrême gauche ou encore l’extrême droite européenne d’être “ambigu” . Avec d’un côté un discours sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de l’autre un soutien systématique aux accords de libre-échange qui se multiplient et jettent sur les mers des milliers de porte-conteneurs…

L’ambition que nous affichons à Renew, c’est que les traités de libre-échange soient cohérents avec l’Accord de Paris.

Evidemment, acheminer des denrées d’un pays à un autre a un impact environnemental non négligeable. Je pense qu’il faut au maximum produire son énergie, son eau et son alimentation sur place. Peut-être qu’en disant cela aujourd’hui, je ne suis pas complètement d’accord avec mon propre groupe. Mais c’est ce que je vais porter auprès de lui. Et puis je ne suis pas non plus complètement contre les accords de libre-échange. Nous ne pourrons pas revenir dessus… c’est une utopie. Je suis moi-même consommatrice de produits qui viennent parfois de loin. Vous mettez du poivre et des épices dans votre alimentation, non ?

J’ai une conviction, c’est qu’il ne faut surtout pas être dogmatique. Je suis en ligne avec les Verts sur beaucoup de sujets, mais moins la méthode. Je dis qu’il faut travailler avec tout le monde parce qu’on est tous des affreux pollueurs. Moi-même je suis une affreuse pollueuse. Donc il faut se demander comment rendre plus vertueux nos accords commerciaux. Nous pourrions par exemple réduire la vitesse de tous les navires, pour réduire les émissions… Notre condition sine qua none, à Renew, c’est que ces accords respectent l’Accord de Paris. C’est notre ligne rouge.

Un autre sujet a fâché la gauche européenne les 16 et 17 septembre, en session plénière : votre groupe a refusé la mise aux voix d’une résolution sur les feux de forêts en Amazonie…

J’étais plutôt favorable à la résolution, mais encore une fois, je suis nouvelle ici, et la délégation Renaissance également… Donc qu’il y ait un peu de flottement au démarrage dans la manière dont on se positionne collectivement sur un sujet, c’est normal.

La posture qu’on a finalement suivie était celle de Pascal Canfin, qui préside la commission environnement du Parlement européen. L’idée était de dire que se mettre d’accord en 48 heures sur une résolution fade, ce n’était pas forcément très efficace. En revanche, portons un vrai rapport d’initiative sur le fond, travaillons…

De toute évidence, la préservation de la forêt est l’un de nos sujets de préoccupation majeurs. Au moment où je parle de promouvoir le poumon bleu de la planète, je ne vais pas oublier le poumon vert !

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