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Cameron et Hague : la nouvelle donne conservatrice en Europe ?

Le mardi 11 mai, David Cameron a pris ses fonctions de Premier ministre au 10 Downing Street. La démission surprise de Gordon Brown a précipité des négociations entre les conservateurs et les libéraux-démocrates (LibDems) qui devaient rapidement trouver un accord.

Pour comprendre le saut intellectuel que représente ce pacte de gouvernement, il faut se rappeler que la dernière coalition au Royaume-Uni remonte à 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale. Au vu des divergences sur de nombreux sujets entre les deux partis - le nucléaire, les impôts, l’Union européenne et l’immigration - un accord était loin d’être évident, surtout en raison de la teneur des échanges au cours de la campagne. Toutefois, autour des politiques telles que l’environnement, les services sociaux et la réforme électorale, le consensus a finalement été assez large et a permis la formation d’un gouvernement de coalition avec certaines dérogations pour les LibDems, notamment sur le nucléaire ou les sous-marins Trident.

Sur l’économie, les deux partis se sont retrouvés sur une réduction massive du déficit structurel en comprimant les dépenses. Dès cette année des services publics autres que la santé et l’éducation seront réduits afin de faire des économies. Un des sujets les plus difficiles était de trouver un compromis sur les impôts : les Conservateurs souhaitant réduire certains impôts et les LibDems favorisant plus de redistribution.

Les négociations les plus âpres ont été celles sur les portefeuilles gouvernementaux. Les LibDems en ont exigé cinq ainsi que quelques secrétariats d’Etat et une place de choix pour leur chef Nick Clegg qui deviendra Premier ministre adjoint. Conclu sous la pression des médias mardi soir, ce pacte pourrait évoluer, ou selon certains plus pessimistes, se défaire dans les prochains mois.

William Hague, le nouvel Monsieur Europe de la Grande Bretagne


Une des premières décisions de David Cameron a été de nommer son nouveau ministre des Affaires étrangères, M. William Hague. Bien connu pour ses opinions eurosceptiques, M. Hague entend marquer sa vision sur la politique étrangère du pays et promouvoir l’intérêt national de la Grande-Bretagne dans le monde, y compris au niveau européen. Leur programme électoral intitulé ‘une politique étrangère libérale et conservatrice’ semble avoir déjà anticipé le résultat de l’élection.

Qui est William Hague ? Né le 26 mars 1961, il a fait des études de sciences politiques, de philosophie et d’économie à Oxford et a ensuite complété ses études à l’INSEAD en France. Très impliqué dans la vie politique étudiante, il a rejoint le parti Conservateur très tôt. Il a travaillé pour Shell UK et pour une société de conseil. Ecrivain et grand orateur, il a été élu pour la première fois en 1989. Entre 1997 et 2001, il a été le chef du Parti Conservateur. Suite à la troisième défaite consécutive du Parti Conservateur en 2001, il a décidé de démissionner du poste de chef du parti. Son discours célèbre prononcé en 2001 sur le Royaume Uni “une terre étrangère” a suscité beaucoup de critiques car il cherchait à attiser les peurs des électeurs en évoquant la hausse de la criminalité et de l’immigration qui selon lui résulterait d’un deuxième mandat de Tony Blair. Connu pour ses opinions eurosceptiques, c’est M. Hague que David Cameron a envoyé à Bruxelles pour négocier le retrait des Conservateurs du Parti populaire européen en 2006. Il prônait la tenue d’un référendum sur le traité de Lisbonne et il soutient la politique “euroréaliste” ou “eurosceptique” des Conservateurs selon votre point de vue.

Les propositions très tranchées du programme conservateur n’ont pas toutes été retenues dans les négociations avec les Libéraux. Les points essentiels de l’accord pour le gouvernement sont que le Royaume-Uni ne rejoindra pas l’euro et ne sanctionnera pas le transfert de nouvelles compétences vers l’Union. L’idée assez radicale des Conservateurs de “rapatrier” certains pouvoirs dans le domaine de l’emploi, le social et la justice semble être laissée de côté. En revanche, ils ont retenu l’idée de légiférer sur la mise en place d’un référendum ou d’un ‘verrou démocratique’ sur le partage de nouvelles compétences et l’usage des clauses passerelles à l’avenir.


Lors de son arrivée au ministère des Affaires étrangères aujourd’hui, M. Hague a dit vouloir marquer la ‘politique étrangère du sceau britannique’. Il a insisté sur l’importance de la “relation spéciale” avec les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne. Il a cité les nouvelles puissances économiques : l’Asie du Sud, l’Afrique du Nord et l’Amérique Latine qui sont au cœur de l’action économique mondiale.


‘Business as usual’ ?

Si les tonalités nationalistes et eurosceptiques des Conservateurs font craindre une politique de blocage au niveau européen, M. Hague sait aussi se montrer pragmatique. Les Tories ont déjà fait une volte face sur la tenue d’un référendum sur le traité de Lisbonne. En effet, tant que le traité de Lisbonne n’avait pas été ratifié par tous les pays membres, les Conservateurs s’étaient engagés à tenir un référendum sur le sujet lorsqu’ils arriveraient au pouvoir. Cependant en novembre dernier, lorsqu’il était évident que le traité allait entrer en vigueur, les Conservateurs ont décidé de ne pas poursuivre l’idée d’un référendum ce qui a fait des remous au sein du parti. Deux députés européens, Roger Helmer et Dan Hannan, avaient alors assez spectaculairement quitté le parti pour protester contre ce revirement de principe.


Face à cette frange anti-européenne dans le parti conservateur, M. Hague a prôné une position plus raisonnée. Interviewé dans plusieurs journaux anglais à cette époque, il expliquait que les Conservateurs au pourvoir n’iraient pas à l’affrontement avec leurs partenaires européens. Ils savent que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne marque la fin des débats institutionnels pour plusieurs années et que des réformes constitutionnelles ne sont pas à l’ordre du jour.


“Si nous sommes élus dans une période de la pire crise économique qu’aurait connue un gouvernement depuis la Deuxième Guerre mondiale avec en plus des problèmes en Afghanistan, au Pakistan… ce ne serait pas le bon moment d’enclencher une crise au niveau de l’Union européenne, ce ne serait pas dans l’intérêt du nouveau gouvernement, ou du Royaume-Uni” expliquait-il.

En fin de compte, les priorités du nouveau gouvernement britannique ne changeront pas fondamentalement avec la nouvelle équipe. Au niveau des politiques, le réchauffement climatique, l’achèvement du marché unique et le commerce seront leurs principales préoccupations. Mais dans la forme, nous aurons dans la personne de M. Hague un avocat éloquent d’une Europe minimaliste.



En savoir plus :

Décryptage : parcours et programmes européens des candidats britanniques

Le site du Ministère des Affaires étrangères britannique

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