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C’est quoi aujourd’hui pour vous, la déclaration Schuman ?

Jerzy Buzek, Sylvie Goulard, Elie Barnavi et d’autres personnalités européennes ont partagé avec nous leurs impressions du sens de la Déclaration Schuman 60 ans après le 9 mai 1950. Prononcée seulement cinq ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, ils en soulignent le caractère inédit et révolutionnaire. Selon eux, le courage de cette main tendue aux Allemands, la force de la paix, l’esprit de réconciliation et de solidarité restent des fondements essentiels de notre Union aujourd’hui.

Jerzy BuzekJerzy Buzek, Président du Parlement européen

60 ans après le 9 mai 1950, la déclaration Schuman pour moi c’est …60 ans de paix et de solidarité.

La déclaration Schuman fut le certificat de naissance de notre communauté. Cette construction unique nous a tous inspirés, d’Ouest en Est, du Sud au Nord de l’Europe.

Robert Schuman et les pères fondateurs de l’Europe ont agi avec une combinaison unique de courage, de discernement, de patience et de passion.

Ils ont laissé derrière eux un passé enlisé dans la haine et le ressentiment, et se sont impliqués dans la construction d’un avenir meilleur pour les générations futures.

Ce fut cette terrible expérience de la guerre qui mena les pères fondateurs à établir une Europe unie.

Depuis l’établissement, il y a maintenant de nombreuses années, de la première Communauté, nous avons fait tomber les murs que la Seconde Guerre Mondiale avait laissés derrière elle. Nous ne pouvons permettre qu’ils voient à nouveau le jour. C’est pourquoi il est aujourd’hui si important d’afficher notre solidarité, alors que nous traversons une période économique difficile. Cette solidarité mérite toutefois d’être accompagnée de responsabilité.

Il y a soixante ans, Robert Schuman lança un appel en faveur d’un “pool de souverainetés” au cœur de l’industrie lourde : le charbon et l’acier, ressources stratégiques du milieu du 20e siècle.

Nous devons, en ce jour anniversaire de la déclaration Schuman, être aussi téméraires dans notre réflexion. Nous devons commencer à réfléchir à la possibilité d’un pool de souverainetés plus important dans le secteur de l’énergie du XXIe siècle. Nous devons sérieusement réfléchir à la création d’une Communauté européenne de l’énergie. Celle-ci devrait constituer notre projet commun pour les années à venir.

Je veux rendre hommage à un grand patriote français, l’un des plus remarquables hommes d’Etat du XXe siècle en Europe, Robert Schuman. J’ai l’honneur d’être, en tant que président du Parlement européen, l’un de ses successeurs.

Sylvie GoulardSylvie Goulard, Présidente du Mouvement Européen France et Députée européenne (ADLE)

Robert Schuman est un judoka. Confronté à la puissance de l’esprit de revanche, il l’a renversée pour la mettre au service de la paix. Mesurant la détermination des Américains à imposer un rapprochement avec l’Allemagne, il a pris les devants, allant jusqu’à suggérer cette chose inouïe : un partenariat égalitaire avec le vaincu. Ou plutôt l’effacement du vaincu et du vainqueur, leur convergence dans un même dessein.

Son sens du long terme lui a permis de surmonter les blessures et les rancoeurs pour voir loin et penser grand. Sans exagération, sans verbiage, avec une incroyable modestie, il a su formuler, avec Jean Monnet, le projet politique le plus époustouflant de l’histoire de l’humanité ; un projet de paix, de réconciliation, de solidarité. Un projet aussi doux à l’homme que les guerres avaient été odieuses. Un croisement d’intérêts et d’amour mutuel qui, pour être inattendu, n’a finalement si mal réussi.

Aux nostalgiques de l’équilibre des puissances et de la realpolitik, comme à tous ceux qui, en son temps, le traitaient de « boche », aux chauvinistes, aux souverainistes, je rappellerai quels périls, toujours, le nationalisme porte dans ses flancs. Et le prix qu’il faut payer pour la courte vue.

Sa double culture - française, de cœur, allemande par les nécessités de l’Histoire - a aidé Schuman à trouver les mots justes, à comprendre que les Allemands attendaient une main tendue. La mise en commun du charbon et de l’acier, dans un ensemble supranational, à la fois pragmatique et idéal, est un coup de génie. Vielen Dank, Monsieur Schuman.

Elie BarnaviÉlie Barnavi, Historien et essayiste, Conseiller scientifique auprès du Musée de l’Europe, Bruxelles, Ancien ambassadeur d’Israël à Paris

60 ans après cette déclaration est… une révolution, tout simplement. « Les propositions Schuman, écrit leur inspirateur, Jean Monnet, dans une lettre à Harold MacMillan, sont révolutionnaires ou elles ne sont rien. »

Révolutionnaire, d’abord, la vision d’un ordre international inédit, fondé non sur l’équilibre des puissances, nécessairement fauteur de guerres, mais sur la mise en commun des intérêts et des ressources.

Révolutionnaire, ensuite, la manière de traiter le vaincu, admis à la table du vainqueur, d’égal à égal, et invité à participer à une initiative constructive conjointe.

Révolutionnaire, aussi, la méthode communautaire imaginée par Monnet et ses amis, que « l’inspirateur » résume ainsi dans ses Mémoires : « Créer progressivement entre les hommes d’Europe le plus vaste intérêt commun géré par des institutions communes démocratique auxquelles est déléguée la souveraineté nécessaire. »

Révolutionnaires, enfin, les potentialités de cette nouvelle conception des relations entre nations. Ce que la Déclaration Schuman annonçait en fait, c’est tout bonnement le premier empire démocratique de l’histoire, c’est-à-dire un ensemble bâti non sur la domination d’un peuple et l’ambition d’un homme, mais sur la libre volonté des nations qui s’y agrègent.

Oui, c’est bien une révolution qu’accomplissaient les gentlemen mûrs et compassés qui portaient l’Europe sur les fonts baptismaux. Leurs épigones, hélas, semblent l’avoir oublié.

Sandra KalnieteSandra Kalniete, députée européenne lettone et membre du Parti populaire européen

60 ans après le 9 mai 1950, la déclaration Schuman pour moi c’est…un ferme rappel du principe de solidarité, sur lequel est construite notre Union.

“La paix et la prospérité à travers la solidarité” , ce principe a constitué le fondement de l’unification européenne pendant soixante années.

La mondialisation et les crises récentes ont une fois de plus confirmé à quel point cette valeur était importante pour l’Union et, de fait, pour le monde entier.

Cependant, je suis préoccupée par l’affaiblissement du sens de responsabilité mutuelle, de l’interdépendance et du destin partagé, chez les dirigeants et les nations de notre continent.

Nos réponses aux nouveaux défis n’ont pas toujours été guidées par le code ‘un pour tous, tous pour un’. Nous avons placé nos propres intérêts individuels, locaux, nationaux ou partisans au-dessus du bien commun. Nous n’avons pas toujours eu le courage de nous dire - et de dire à notre peuple - que des sacrifices étaient nécessaires à court terme, afin de prospérer à plus long terme dans ce nouveau monde en évolution.

J’espère que les Européens trouveront assez de volonté et de perspicacité pour s’entraider, au nom de cette pacifique et prospère maison européenne des générations futures.

Sonia AlfanoSonia Alfano, députée européenne italienne (ALDE)

60 ans après le 9 mai 1950, la déclaration Schuman pour moi, c’est le point de départ d’un processus encore en évolution.

Malgré le temps passé depuis le jour où le Ministre français des Affaires étrangères introduisit la notion d’Europe politique, je crois qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour que le projet d’intégration entre les Etats membres soit achevé.

Peu sont ceux qui connaissent et se souviennent de ce discours qui est pourtant à la base de la création de la Communauté européenne.

C’est par cette déclaration que naquit ce sentiment d’unité qui allait caractériser l’Europe et nous encourager à miser sur la coopération.

La monnaie unique est juste l’un des objectifs fixés et réalisés. Mais maintenant, il va falloir dépasser cet immobilisme dominant qui ne permet pas aux citoyens européens de demander la résolution des problèmes nationaux par le biais du Parlement européen.

C’est une cause qui me tient beaucoup à cœur. En effet, j’ai souvent porté à l’attention du Conseil et de la Commission, certains aspects dramatiques de la situation italienne actuelle sans trouver l’aide nécessaire pour les résoudre.

Je crois que c’est à l’Europe aujourd’hui de rapprocher les citoyens des politiques européennes en les rendant acteurs de celles-ci.

Le traité de Lisbonne va dans le bon sens : il reconnaît le droit d’initiative citoyenne, que je considère comme la vraie démocratie directe. De plus, elle permettra aux citoyens de participer à la vie politique de l’Union, non pas comme des citoyens nationaux, mais comme des citoyens « européens ». Il s’agirait d’un résultat historique.

Sandra GozziSandro Gozi, député italien

La déclaration Schuman a toujours eu pour moi le caractère d’une révolution tranquille. La dévaluation des frontières physiques, politiques et mentales entre Européens : tel est le message que j’ai saisi et c’est la grande force de cette déclaration, rédigée seulement 5 ans après la fin de la Seconde grande guerre civile européenne du XXème siècle.

Je crois qu’aujourd’hui qu’il est impossible de s’investir en politique dans n’importe quel pays européen sans porter en soi la force, la clairvoyance, et même le “grain de folie ” de ce formidable acte de courage.

En savoir plus :

Le dossier de touteleurope.fr sur la déclaration Schuman

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