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Brexit : les députés britanniques rejettent une troisième fois l’accord de sortie de l’UE

Bien qu’elle ait cette fois promis de démissionner si l’accord de sortie de l’UE était enfin validé, Theresa May n’a de nouveau pas obtenu, vendredi 29 mars, le soutien de la Chambre des communes. Le Brexit pourrait à présent avoir lieu le 12 avril sans accord, à moins que les Britanniques ne présentent aux Vingt-Sept une alternative qui impliquerait un report potentiellement long.

Theresa May défend l'accord de sortie, avant le vote, au sein de la Chambre des communes - Crédits : Parliament TV (copie d'écran)
Theresa May défend l’accord de sortie, avant le vote, au sein de la Chambre des communes - Crédits : Parliament TV (copie d’écran) 

Ce 29 mars devait être le jour de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne… il n’aura finalement été que celui du troisième rejet, par la Chambre des communes, de l’accord de sortie du Royaume-Uni de l’UE négocié par Theresa May avec Bruxelles.

Les députés britanniques se sont à nouveau prononcés contre l’accord par 344 voix contre 286. Un écart de 58 voix, bien moins important que lors des deux premiers vote (29 janvier et 12 mars) mais toujours insuffisant pour permettre une sortie ordonnée de l’UE le 22 mai…

14 jours avant le Brexit

Le Conseil européen avait en effet conditionné, le 21 mars dernier, un report automatique du Brexit au 22 mai 2019 à l’approbation par la Chambre des communes de l’accord de retrait “le 29 mars au plus tard” . La Chambre des communes a donc été de nouveau appelée à voter aujourd’hui.

Espérant ainsi assurer ce report automatique, la motion déposée par le gouvernement prévoyait de ne faire voter qu’un élément : l’accord de retrait qui définit les modalités du divorce (droits des citoyens expatriés, facture à régler par Londres et frontière irlandaise), tronqué de la déclaration politique qui l’accompagne et vise à encadrer les négociations sur la future relation entre les deux parties.

Sans ce second volet de l’accord de sortie, le speaker John Bercow a fini par autoriser le vote sur la motion du gouvernement, de ce fait “substantiellement” différente des précédentes, comme il l’exigeait.

Peu après midi et quelques heures avant le vote, la Commission européenne a par ailleurs bien rappelé qu’au regard de la loi, la ratification de l’accord de retrait (sans la déclaration politique) par les Communes aurait suffi à reporter le Brexit au 22 mai. En vain.

L’accord a de nouveau été rejeté. Et les dernières conclusions du Conseil européen prévoient que le Brexit sera reporté au 12 avril pour une sortie sans accord… D’ici là, Downing Street a la possibilité de demander aux Vingt-Sept un report long du Brexit, impliquant l’organisation d’un scrutin européen afin d’éviter une chaotique sortie sans accord.

Des conservateurs toujours divisés

Afin de convaincre les plus ardents brexiters, Theresa May avait offert sa démission, la veille, en contrepartie de la validation de l’accord, laissant ainsi à son successeur le soin de gérer la seconde phase des négociations. Celle-ci aurait débuté le 22 mai avec la période de transition, dans le but de régir la future relation entre le Royaume-Uni et l’UE.

Un argument convaincant pour ceux qui aiguisaient leurs lames depuis des semaines pour prendre sa place. Son principal rival Boris Johnson, ancien ministre des Affaires étrangères et l’un des ex-leaders de la campagne du Leave, a confirmé qu’il soutiendrait le texte pour assurer la tenue du Brexit : “J’en suis arrivé à la triste conclusion que ni le gouvernement ni le Parlement ne sont prêts à sortir de l’UE sans accord. Nous courons donc le risque […] de perdre complètement le Brexit” , a-t-il écrit sur Twitter. Même chose pour l’ultralibéral Dominic Raab, ex-ministre du Brexit, ou encore l’influent brexiter Jacob Rees-Mogg.

Malgré tout, seuls 43 des 75 conservateurs qui avaient voté contre le deal le 12 mars ont modifié leur position. Il restait donc de nombreux réticents, notamment la députée pro-Brexit Owen Paterson qui n’envisageait pas de changer d’avis au nom de son “intégrité” étant donné que le deal n’a pas été modifié.

De leur côté, les unionistes nord-irlandais du DUP, alliés aux conservateurs, ont à nouveau refusé de soutenir l’accord. Sammy Wilson, porte-parole du parti pour le Brexit, a déclaré que voter pour le deal aurait pour effet de remettre en question l’intégrité du Royaume-Uni et d’emprisonner l’Irlande du Nord dans le backstop. Ce fameux “filet de sécurité” mentionné dans l’accord de sortie prévoit de maintenir l’Irlande du Nord dans une union douanière avec l’UE tant qu’aucune solution alternative n’est trouvée pour éviter le retour d’une frontière avec la République d’Irlande.

Pas de rébellion travailliste

Les travaillistes ont également voté contre. Adopter l’accord tronqué de la déclaration politique qui encadre les discussions sur la future relation revenait pour le Labour à accepter un Brexità l’aveugle” et ainsi “laisser le prochain leader du Parti conservateur libre de détruire les droits et les protections essentiels, miner les emplois et le niveau de vie” , selon un porte-parole cité par The Guardian. “Un affront à la démocratie” , a ajouté Jeremy Corbyn.

Dans l’espoir de faire changer d’avis quelques députés travaillistes effrayés par une sortie sans accord, le procureur général Geoffrey Cox avait annoncé que le gouvernement serait prêt à laisser les Communes fixer le mandat de négociation pour la prochaine phase du processus de sortie. En vain : sans vote sur la déclaration politique, le Labour craint tout de même que le successeur de Theresa May, potentiellement issu d’une frange ultralibérale et pro-Brexit du parti, ait les mains libres sur les futures négociations entre UE et Royaume-Uni.

Quoi qu’il en soit, la position de Theresa May est de plus en plus difficile à tenir. Bien qu’elle ait échoué à faire valider l’accord et n’est donc pas contrainte de démissionner, le Labour et le Scottish National Party ont déjà demandé le départ de la Première ministre et la tenue d’élections générales.

Et maintenant ?

Report long ? Soft Brexit ? Plusieurs scénarios sont encore envisageables pour éviter un no deal le 12 avril, écarté par les Communes. Le gouvernement doit proposer aux Vingt-Sept une solution alternative avant cette date. Lundi 1er avril se tiendra une nouvelle série de votes indicatifs à la Chambre des communes, même si la séance de mercredi a déjà échoué à déterminer la position des députés britanniques.

Mis face à leurs responsabilités et à la pression d’un no deal, ces derniers pourraient toutefois aboutir à une proposition, notamment un Brexit plus doux comme proposé par le Labour : le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière permanente avec l’UE.

Cela nécessiterait, comme l’envisagent les dirigeants européens de leur côté, une extension longue du Brexit qui obligerait les Britanniques à organiser le scrutin européen le 26 mai pour élire leurs représentants au Parlement européen et continuer à être représentés dans les institutions de l’UE, dont ils seront encore membres.

Mais si le gouvernement reste “complètement paralysé” , comme l’envisage The Guardian, les Européens seront aussi dans l’impasse. Donald Tusk a annoncé la tenue d’un Conseil européen exceptionnel le 10 avril pour déterminer si les Vingt-Sept pouvaient eux-mêmes proposer une longue prolongation directement à la Chambre des communes.

Prévoyant, Michel Barnier a toutefois annoncé à l’occasion d’une réunion des 27 ambassadeurs des Etats membres auprès de l’UE le 28 mars, qu’une sortie sans accord, le 12 avril, était à présent considérée comme “l’issue la plus probable” .

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