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Brexit : Boris Johnson change la donne

Coup de tonnerre à Downing Street. Dimanche dernier, sur le perron de sa maison londonienne, le charismatique maire de la capitale britannique, Boris Johnson, a affirmé aux journalistes qu’il ferait campagne pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne - Brexit. Une décision lourde de conséquences qui plonge David Cameron dans l’embarras, tant Boris Johnson est une figure majeure du Parti conservateur. En filigrane, c’est bien évidemment la lutte pour la direction du Parti qui débute.

Boris Johnson

Eternels rivaux

Déjà cinq ministres du gouvernement de David Cameron se sont, jusqu’à présent, déclarés pour le Brexit. Des dissidences prévues de longue date et assumées par le Premier ministre dès sa réélection en mai dernier, et une fracture donc limitée du Parti conservateur. D’autant que David Cameron s’est assuré du soutien essentiel de Theresa May, ministre, eurosceptique, de l’Intérieur.

C’était donc sans compter sur la manœuvre du maire de Londres Boris Johnson. Rival non-officiel de David Cameron depuis les bancs de l’université d’Oxford - les deux hommes ont d’ailleurs fait partie du très élitiste et controversé Bullingdon Club au même moment - il a prévenu son ancien camarade seulement quelques minutes avant son allocution, par SMS. Un coup dur incontestablement pour l’actuel locataire du 10 Downing Street. Non seulement la campagne en faveur d’une sortie gagne une figure de poids capable de faire basculer de nombreux indécis, mais surtout cette défection pourrait en inspirer d’autres au sein des Tories. Pour l’heure, d’après The Guardian, 128 députés conservateurs ont déclaré qu’ils soutiendraient le ‘In’, alors que 110 ont fait le choix inverse.

Questions/Réponses : Brexit

Pour en savoir plus sur le Brexit, consultez également notre Question/Réponse “Qu’est-ce que le Brexit?”

‘Game changer’

La date du référendum étant officiellement fixée au 23 juin, la désignation et le lancement officiel des deux campagnes ‘In’ et ‘Out’ vont pouvoir commencer. Bien que le camp du maintien affiche des soutiens notables depuis longtemps, parmi lesquels d’anciens Premier ministres comme les travaillistes Tony Blair et Gordon Brown ou le conservateur John Major et des personnalités non politiques comme l’homme d’affaires Richard Bronson, le camp pour une sortie de l’Union ne pouvait se targuer d’une telle force de frappe médiatique.

Hormis le tonitruent Nigel Farage, peu nombreux étaient les partisans du Brexit à être connus du grand public. Avec Boris Johnson, c’est une autre histoire. Car le maire de Londres, ancien correspondant à Bruxelles pour The Telegraph, quotidien conservateur et eurosceptique pour lequel il est toujours chroniqueur, est une personnalité politique de premier plan au Royaume-Uni.

Un sondage Ipsos-Mori indique d’ailleurs qu’aux yeux des Britanniques, il apparait comme la deuxième personnalité la plus influente pour ce référendum après David Cameron lui-même, et la personne la plus susceptible de le remplacer. Connu pour ses coups médiatiques et son allure peu conventionnelle, même si dimanche il est apparu étonnement sobre et bien peigné, Boris Johnson est également reconnu pour sa capacité à bouleverser des élections, comme ce fut le cas en 2008 lorsqu’il ravit la ville de Londres au Parti travailliste, à la surprise générale.

Preuve que les choses bougent déjà outre-Manche, la livre sterling a chuté dès l’annonce du maire de Londres pour atteindre son plus bas niveau face au dollar depuis mars 2009. Et autre preuve s’il en est, les fameux bookmakers anglais ont revu leurs cotes à la hausse, celle d’une victoire du ‘Out’, tout comme celle de voir Boris Johnson comme prochain leader du Parti conservateur.

David Cameron menacé

Car bien qu’il s’en soit défendu dans son allocution, puis dans sa tribune parue lundi dans le Telegraph, c’est bien un affront majeur qu’il vient d’opposer à David Cameron, un casus belli. Il ne fait en effet plus de doutes qu’en cas de Brexit en juin, le maire de Londres réclamerait des élections internes au Parti conservateur, pour remettre en cause le leadership d’un Premier ministre affaibli par la défaite. Un scénario qu’avait connu Margaret Thatcher en 1990. A l’époque, les frondeurs étaient, ironie de l’histoire, les plus europhiles des Tories et, mise en ballotage à l’issue du premier tour, la Dame de fer avait fini par jeter l’éponge plutôt que de risquer un désaveu public lors du second tour contre son ancien ministre de la Défense Michael Heseltine, l’un de ses plus farouches opposants.

Brexit : A vos souhaits

Officiellement, et non sans malice, Boris Johnson soutient le Premier ministre qui, selon lui, “a fait de son mieux dans le peu de temps qu’il avait” , précisant également qu’il ne participera à aucun débat télévisé contre son propre parti. Plutôt pondéré dans ses déclarations, le maire de Londres a toutefois pris de court la plupart des commentateurs politiques qui étaient nombreux à penser qu’il profiterait de la fin de son deuxième mandat de maire, en mai prochain, pour entrer au gouvernement. Ce dernier l’assure, il a mûrement réfléchi sa décision et “ne [pouvait] faire autrement” .

Plus que jamais, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne s’annonce comme un tournant dans l’histoire britannique, dont l’issue pourrait être déterminée par les ambitions de certains protagonistes. Ainsi David Cameron pourrait être le Premier ministre ayant offert les conditions d’un Brexit. Tandis que Boris Johnson, à 51 ans, joue le reste de sa carrière sur ce coup de poker à haut risque. Si ses concitoyens votent pour rester dans l’UE, il aura les pires difficultés à revenir sur le devant de la scène, vraisemblablement bloqué par un David Cameron conforté et revanchard. Dans le cas inverse, il sera en pole position pour supplanter Theresa May et George Osborne, actuel n°2 du gouvernement et Chancelier de l’Echiquier depuis six ans, dans la course au leadership du Parti conservateur. Ces derniers ayant fait le choix de la loyauté envers le Premier ministre.

Visionnez également l’émission 28′ minutes d’Arte du 16 février 2016 autour de la question : Europe : faut-il laisser les Britanniques sortir de l’Union ?

https://youtube.com/watch?v=3DQIZsndGs4

Article écrit dans le cadre d’un partenariat avec notre correspondant en Ecosse Maxime David

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