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Boyan Slat : le Néerlandais qui veut dépolluer les océans

Trop de plastique. Pas assez de poissons. De ce constat désarmant de simplicité et de tristesse, le Néerlandais Boyan Slat a décidé de dédier ses plus belles années au sauvetage des océans. Qui a dit que le monde n’était plus peuplé que de nihilistes ? Le plus beau c’est que le jeune homme tout juste sorti de l’adolescence a un plan. Pas si compliqué. Pas si coûteux. Empli de bonne volonté, il a réuni quelque 100 bénévoles et 2 millions de dollars pour lancer un projet pilote. Portrait d’un idéaliste.

Boyan Slat : le Néerlandais qui veut dépolluer les océans

Entre Steve Jobs et Nicolas Hulot

Voir Boyan Slat sur scène a un air de déjà-vu. Cheveux en bataille, baskets, chemise sortie du jeans. On dirait le fils de Steve Jobs et de Xavier Niel, l’allure d’adolescent en plus. A peine impressionné, ce sont pourtant ses apparitions, à Delft - sa ville natale - ou à New York qui ont créé le déclic. Ce que 300 chefs d’entreprise lui ont inlassablement refusé, de brefs discours et une vidéo YouTube vont le lui apporter : un peu de notoriété et un soutien financier pour lancer les premières expérimentations en conditions réelles de son projet potentiellement miracle. Lancée en septembre dernier, sa campagne de crowdfunding a atteint son objectif de 2 millions de dollars en… 19 jours. 38 000 donateurs venus de 160 pays. Bienvenue dans l’ère de l’entreprenariat écologique 2.0.

Ocean Cleanup, comment ça marche ?

Ocean Cleanup

Son but : débarrasser les océans de la majeure partie des déchets plastiques qui les polluent gravement. Le moyen : le projet “Ocean Cleanup” . Le procédé : un mécanisme permettant de regrouper et de récupérer les débris en plastique. Plutôt que de sillonner les mers du globe avec des filets - une technique sans résultats probants - Boyan Slat entend utiliser à son profit les courants marins qui entrainent naturellement les déchets plastiques en cinq endroits dans le monde, appelés vortex. Les y attendront deux bras flottants de 50 kilomètres chacun, formant un V et arrimés aux fonds océaniques. Munis d’un rideau enfoncé dans l’eau, ils bloqueront les plastiques de plus de 2 centimètres de long, qui seront ensuite réunis dans des containers.

6 dollars pour 1 kilo de plastique

Naturellement, c’est plus facile à dire qu’à faire. Premièrement car ces vortex se situent en pleine mer, avec des conditions climatiques parfois extrêmes. Deuxièmement car ils sont d’une étendue gigantesque. Le plus important, celui du Pacifique nord - visé par Boyan Slat qui, décidément, voit grand - est même appelé le 8e continent (il représente six fois la France). Troisièmement car il ne faudrait pas que cette construction géante porte atteinte aux espèces vivantes. A tout ça, Boyan Slat et ses équipes réfléchissent. Après des tests concluant dans l’Atlantique, ils vont désormais lancer un projet pilote au large de Hawaï, en conditions réelles, avec un mécanisme d’environ un kilomètre de long. Une expérimentation grandeur nature qui doit durer environ trois ans et qui sera suivie, si Poséidon le veut, de la mise en place d’un projet final, à l’horizon 2020.

Interview de Patrick Deixonne

Interview du navigateur Patrick Deixonne, chef de l’expédition “Septième Continent”

Pour de nombreux scientifiques, l’ambition du jeune Néerlandais est “irréaliste” . La haute mer présente des défis incommensurables et suppose une maintenance du site quasi-permanente. Le projet, estimé à 400 millions de dollars est trop coûteux, trop incertain et trop long à se dessiner. Il existe des alternatives plus efficaces et plus immédiates. Au fond, Boyan Slat serait un séduisant utopiste poussé par la fougue de la jeunesse, une indéniable fibre écologique et un génie technique certain. A ce scepticisme, l’intéressé reste stoïque, opposant une détermination tranquille et un pragmatisme économique qui laisse songeur.

En réalité, peut-on lire sur le site de Boyan Slat, “Ocean Cleanup” est bon marché. 33 fois moins cher pour être exact que les techniques actuelles utilisant péniblement des filets et à l’empreinte carbone contreproductive. A cela s’ajoutent les économies que feront les Etats qui nettoient leurs littoraux à prix d’or et les ressources induites du recyclage des centaines de tonnes de plastique récupérées. En réalité, “Ocean Cleanup” est rapide. S’il fonctionne, ses résultats se feront en presque 4 000 fois moins de temps, en comparaison avec les techniques actuelles. En dix ans, soutient Boyan Slat sans sourciller, ce sont 70 millions de kilos de plastique qui peuvent être ôtés du 8e continent. Environ 6 dollars par kilo donc.

Champion de la Terre

C’est lors d’un voyage en Grèce que Boyan Slat, alors âgé de 16 ans, a eu l’idée folle de nettoyer les océans d’une partie de leur pollution. “En faisant de la plongée, je me suis aperçu que je voyais plus de plastiques flottant dans l’eau que de poissons. J’ai voulu trouver une solution” . Le jeune Néerlandais finit alors son lycée en ne cessant d’y penser. Aux Açores, de nouveau en vacances, l’épiphanie le touche alors. Qu’à cela ne tienne, il abandonne ses études en ingénierie aérospatiale à l’université de Delft pour se consacrer 15 heures par jour à son projet. Un an plus tard, il est adoubé par les Nations unies et est récompensé du titre de “Champion de la Terre” .

A Genève, en septembre dernier, au moment de recevoir son prix, le jeune déclare simplement qu’il s’agit de la preuve “qu’avec de la bonne volonté, on peut arriver à tout” . Et que la jeunesse n’a aucune idée de ce que “irréaliste” signifie. Le million d’oiseaux et les 100 000 mammifères marins qui meurent chaque année pour avoir ingéré du plastique ne s’en porteront pas plus mal.

Portrait réalisé en partenariat avec 28’ARTE

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