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[Bilan 2016 : épisode 5] La progression sans fin des populismes

Brexit, terrorisme, immigration, commerce, populismes : du 26 au 30 décembre, Toute l’Europe a dressé le bilan de l’année 2016.

Dans ce cinquième et dernier article de notre série, focus sur la montée continue des populismes en Europe : de la Pologne à l’Autriche, en passant par la France.

Viktor Orban

L’Europe et les Européens impuissants pour enrayer la progression des formations populistes ? La situation politique dans certains Etats membres en 2016 le laisse penser. Mis au pilori depuis des mois, les gouvernements polonais et hongrois, dirigés respectivement par les ultra-conservateurs Beata Szydlo et Viktor Orban, n’ont, par exemple, pas flanché cette année.

Kaczynski contre Walesa

Le premier est pourtant dans le viseur de Bruxelles pour ses atteintes répétées à l’Etat de droit. Au pouvoir depuis octobre 2015, Mme Szydlo, femme lige de Jaroslaw Kaczynski, qui s’est volontairement placé en retrait des projecteurs, s’est en effet attaquée à la Cour constitutionnelle polonaise, dont l’autorité et l’indépendance sont sérieusement entravées, ou encore aux médias publics en vue de museler leurs critiques vis-à-vis du gouvernement.

Egalement très proche du milieu catholique, ce dernier a également eu pour projet, en juin, de restreindre encore davantage les possibilités de recours à l’avortement, suscitant des manifestations dans le pays et de nouvelles critiques de la part des Européens. En octobre, le Parlement polonais a finalement rejeté le projet de loi.

Face à cette dérive autoritaire du pouvoir, Lech Walesa, figure tutélaire de la vie politique polonaise, n’a pas de mots assez durs. Ennemi numéro 1 du PiS, le parti de M. Kaczynski, le leader de Solidarnosc a encore appelé l’Europe, le 19 décembre, à réagir, “quitte à jeter la Pologne hors de l’UE” . Une perspective toutefois difficilement envisageable dans la mesure où la Commission européenne n’a, pour l’heure, pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre de Varsovie.

Lech Walesa

Lech Walesa

L’article 7 sur traité sur l’Union européenne prévoit bien la possibilité de sanctionner un pays membre en cas d’entorse à l’Etat de droit, mais cette option s’apparente à un dernier recours pour Bruxelles. D’autant plus que l’unanimité des 27 autres Etats membres serait requise, et qu’un pays comme la Hongrie serait plus que susceptible de s’y opposer.

Solidarité flexible et référendum

Pour tout savoir sur le groupe de Visegrad, consultez également notre Questions/Réponses

En effet, dans le cadre du groupe de Visegrad, auquel appartiennent également la République tchèque et la Slovaquie, Pologne et Hongrie marchent main dans la main. Leur bonne entente s’est particulièrement exprimée le 16 septembre dernier, lors d’un sommet européen organisé à Bratislava, sous l’égide de la présidence slovaque de l’UE. A cette occasion, leur concept de “solidarité flexible a en effet prévalu en ce qui concerne l’accueil des réfugiés, enterrant par conséquent le plan de relocalisation contraignant voulu par la Commission européenne.

Voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ?” , a également demandé Viktor Orban à ses concitoyens le 2 octobre par référendum. Ces derniers, à plus de 98%, ont répondu “non” à cette question pour le moins orientée, même si le quorum de 50% de participation n’a pas été atteint, invalidant la consultation.

49,7%

Sur le plan électoral, c’est en Autriche que le couperet du populisme de droite est passé le plus proche en 2016, lors de l’élection présidentielle. Cette dernière, d’ordinaire très confidentielle au niveau européen et peu cruciale pour la vie politique d’un régime parlementaire comme l’Autriche, a en effet vu arriver au second tour le candidat du Parti de la liberté (FPÖ, extrême droite) Norbert Hofer. Battu d’extrême justesse le 22 mai par son adversaire écologiste Alexander Van der Bellen - les candidats de centre-gauche et centre-droit ayant été sèchement battus au premier tour - M. Hofer n’a été défait que de 0,3 point.

Norbert Hofer

Norbert Hofer

Contesté par le FPÖ, le résultat fut effectivement invalidé en raison d’irrégularités. Rejoué le 4 décembre, le second tour a cette fois permis une victoire plus confortable pour M. Van der Bellen, qui a recueilli 53,8% des voix. Si l’Europe respire désormais mieux, la vitalité de l’extrême droite autrichienne, par ailleurs proche alliée du Front national français au niveau européen, paraît toutefois durable. D’autant plus que les Autrichiens semblent vouloir en finir avec l’hégémonie des sociaux-démocrates et des démocrates-chrétiens, qui se partagent le pouvoir depuis 1945. Prévues pour 2018, les prochaines élections législatives autrichiennes devraient par conséquent causer de nouveaux cheveux blancs aux Européens.

Brexit et Renxit



Pour en savoir plus sur le Brexit, consultez notre dossier spécial

Au Royaume-Uni et en Italie également, de manière moins directe, les événements électoraux de l’année 2016 ont renforcé le crédit des forces populistes, cette fois avec le concours des gouvernements. Premier promoteur d’un départ de l’Union européenne, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage a de fait remporté son pari lors du référendum du 23 juin. Il a, à cet égard, été largement aidé par une partie substantielle des conservateurs au pouvoir, dont Boris Johnson le maire de Londres devenu depuis ministre des Affaires étrangères. Peu de chances toutefois pour le parti de M. Farage de réussir une entrée fracassante au Parlement dans un avenir proche, compte tenu du système majoritaire favorisant les partis traditionnels de gouvernement.

Et en Italie également, le gouvernement a perdu son référendum, le 4 décembre. Après de désastreuses élections municipales en juin, au cours desquelles les villes de Rome et Turin ont été conquises par l’inclassable Mouvement 5 étoiles (M5S) de l’humoriste Beppe Grillo, le Premier ministre Matteo Renzi a en effet été désavoué par les électeurs. Ces derniers lui ont refusé son projet de réforme constitutionnelle, censé simplifier et renforcer l’efficacité de la vie politique italienne. Promettant sa démission en cas de défaite, l’impétueux chef du gouvernement, à l’exercice de l’Etat très personnel, aura donc vu se liguer contre lui un hétéroclite alliage d’opposants dominé par M. Grillo. Ainsi écarté du pouvoir, Matteo Renzi a cédé sa place à Paolo Gentiloni, son ministre des Affaires étrangères, avant que des élections législatives anticipées de tous les dangers ne soient probablement organisées courant 2017.

Pays-Bas, France et Allemagne retiennent leur souffle

Outre l’Italie, des élections majeures auront lieu dans trois Etats membres en 2017. Aux Pays-Bas d’abord, en mars. Premier ministre depuis 2010, le libéral Mark Rutte, actuellement à la tête d’une coalition avec le Parti travailliste (centre-gauche), devra notamment affronter le Parti pour la liberté (PVV), emmené depuis 2006 par Geert Wilders. Autre allié de Marine Le Pen au niveau européen, le PVV, qui entretient un discours résolument xénophobe, est pour le moment annoncé en tête par certains sondages. Signe de sa forte influence, le 6 avril 2016, le parti de M. Wilders a enregistré un succès de taille en contribuant au rejet par les Néerlandais de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. En filigrane derrière ce référendum - un autre perdu par les partis politiques de gouvernement en 2016 - s’est illustrée la montée de l’euroscepticisme aux Pays-Bas.

Geert Wilders

Geert Wilders

De la même manière, en France, le Front national est promis à une qualification pour le second tour de l’élection présidentielle de mai prochain. En constante progression depuis son accession à la tête du parti en 2011, Marine Le Pen cherchera à capitaliser sur ses bons résultats lors des européennes de 2014 - le FN était arrivé en tête - ou encore des régionales de 2015, lorsque les Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur n’avaient échappé au parti d’extrême droite qu’à la faveur du retrait du Parti socialiste. En cas de victoire en 2017, Mme Le Pen serait susceptible de convoquer un référendum proposant un Frexit.

Pour faire le point sur la politique allemande, consultez également notre interview de Hans Stark, professeur de civilisation allemande

Enfin, en septembre ou octobre, ce sera au tour des Allemands d’être appelés aux urnes pour renouveler le Bundestag. Chancelière depuis 2005, Angela Merkel a été investie par son camp le 6 décembre dernier pour mener la liste démocrate-chrétienne (CDU). Se plaçant en candidate de la “défense des valeurs démocratiques face à la montée du populisme, Mme Merkel aura notamment à affronter l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), la récente formation souverainiste de droite radicale qui a le vent en poupe.

En dépit de profondes divisions internes, l’AfD a en effet enchainé les bons résultats lors des élections régionales allemandes, terminant même devant la CDU dans les Länder de Saxe-Anhalt et du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Bénéficiant d’une cote de popularité plus qu’honorable, la chancelière ne manquera toutefois pas de se faire attaquer sur sa politique d’ouverture à l’égard des réfugiés - à propos de laquelle elle a amorcé un mea culpa - ainsi que sur sa gestion du risque terroriste à la suite de l’attentat de Berlin du 19 décembre.

Par Jules Lastennet

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