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Axel Krause : “Europe/Etats-Unis : un couple marié depuis trop longtemps !”

Axel Krause est éditorialiste au TransAtlantic Magazine et à TV5-Monde, et secrétaire général de l’Association de la presse anglo-américaine en France. Dans une interview accordée à Toute l’Europe, il analyse le regard porté par les Américains sur notre continent, entre indifférence et irritation.

Touteleurope.eu : Où en sont aujourd’hui les rapports transatlantiques ?

Axel Krause est éditorialiste au TransAtlantic Magazine et à TV5-Monde, et secrétaire général de l’Association de la presse anglo-américaine en France. Il s’exprimait le 11 avril lors d’une conférence de l’association Europartenaires sur “L’Europe vue des Etats-Unis” .

Axel Krause : Je pense qu’il n’y a pas d’éloignement permanent entre les Etats-Unis et l’Europe. Dans l’ensemble, les rapports transatlantiques ressemblent beaucoup à une relation de couple marié… depuis peut-être trop longtemps ! Une cohabitation qui existe depuis le XVIIIe siècle, qui fait que dans l’ensemble tout semble acquis.

Le regard de beaucoup d’Américains sur l’Europe peut être résumé à travers trois mots : ignorance, indifférence, irritation.

Ignorance parce que l’Europe ne figure pas sur leur liste de priorités, à la différence de la Chine, l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient. Lorsque j’étais enfant, nous avions tous des amis d’origine européenne, et la présence européenne était réellement visible dans certains quartiers. Tout cela a disparu : la seule présence européenne dans la vie des Américains, qui continuent à venir en Europe en très grand nombre, est donc liée au tourisme. Mais l’Europe n’est aussi un endroit aussi “exotique” qu’avant.

Concernant l’indifférence, on peut noter cette anecdote : lors d’une conférence de presse au sommet de l’Otan de novembre 2010, on a demandé à Obama s’il considérait juste que son administration ignorait l’Europe. Sa réponse a été : “Non, mais nous sommes d’accord sur tout” .

Enfin, il y a régulièrement des irritations, des différends, par exemple sur la question de l’entrée de la Turquie dans l’UE, l’Iran, l’Afghanistan, l’engagement militaire en Libye…


Touteleurope.eu : Ce choix américain correspond-il à une politique plus tournée vers l’avenir ? A contrario, l’Europe apparaîtrait comme un continent un peu poussiéreux…

A.K.: Je crois plutôt que la relation transatlantique est, pour les Américains, “taken for granted” (considérée comme acquise). On travaille en gardant à l’esprit que l’Europe est là, mais plutôt en tant qu’espace dont les membres doivent être distingués. Barack Obama a des contacts réguliers avec David Cameron, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, mais les institutions européennes ne sont pas au premier plan.


Touteleurope.eu : Cette prise de distance ne constitue-t-elle pas une opportunité pour l’autonomie de l’Europe ?

“Barack Obama a clairement annoncé aux Européens qu’ils devaient jouer leur rôle (…) sans avoir constamment les Etats-Unis en première ligne”


A.K. : Oui, ce changement constitue une réelle occasion pour l’Europe. Dans ses trois discours prononcés en 2009 à Istanbul, au Caire et à Accra, Barack Obama a clairement annoncé aux Européens qu’ils devaient jouer leur rôle en Afrique, au Moyen-Orient, en Turquie, au Maghreb, sans avoir constamment les Etats-Unis en première ligne.

Ce qui s’est passé en Libye est également ce que cherchent les Etats-Unis : une coalition au sein de laquelle l’Europe a un poids important. Il s’agit en ce sens d’une rupture totale avec la politique unilatéraliste de G. W. Bush.

Mais l’Europe n’a pas encore de politique de défense, et pas de politique étrangère commune, sauf dans le domaine commercial où elle parle d’une seule voix, Commission en tête. On ne peut donc pas compter sur elle en tant qu’Europe des Vingt-Sept : seuls les grands pays se démarquent. Le jour où l’Europe aura une telle politique, avec de vraies orientations, une politique d’armement, ce sera différent.

La situation actuelle doit bien sûr être prise en compte. Outre la crise économique, notons que Barack Obama comme Nicolas Sarkozy sont tous les deux en pleine campagne pour les présidentielles de 2012, et les raisons électorales jouent aussi leur rôle dans ce manque d’ambition européenne. Cela peut-il changer ensuite ? Si Dominique Strauss-Kahn est élu en France, Barack Obama se trouvera en face d’un chef d’Etat d’un grand pays européen issu de la même famille politique que lui, et qui pourrait mener une politique (notamment économique) allant dans le même sens. Ce n’est pas le cas actuellement, où tous les gouvernements conservateurs de ces pays mènent des politiques d’austérité.

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