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Avec le Brexit, les fonds régionaux européens en baisse ?

Les régions françaises sont de plus en plus responsables de leur développement économique, une tendance soutenue par les fonds structurels européens qu’elles gèrent en grande partie. Mais le Brexit pourrait changer la donne car le Royaume-Uni contribue largement au budget européen. Un manque à gagner qui pourrait avoir des répercussions négatives sur ces fonds régionaux (politique de cohésion).

Le FEDER a contribué à financer la construction de la LGV Est-Europe - crédits : Alain Stoll (Flickr)

70 milliards en moins

Les compétences des régions françaises dans le développement de leur tissu économique sont de plus en plus importantes depuis plusieurs années. En 2015, la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) a renforcé les prérogatives des régions en la matière. D’autant plus que, depuis 2014, ce sont elles qui gèrent la grande majorité des fonds structurels et d’investissement européens (FSIE), auparavant administrés par l’État. Ces fonds financent la politique de cohésion régionale européenne : des subventions aux entreprises et aux associations dont les projets s’inscrivent dans la stratégie Europe 2020 et répondent à ses objectifs environnementaux, d’emploi ou encore de réduction de la pauvreté.

Les FSIE sont au nombre de cinq : le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds de cohésion, le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Pour plus d’information, voir notre synthèse sur les régions et l’Union européenne.

Tous les sept ans cependant, ces fonds structurels européens sont renégociés en même temps que le budget européen dont plus d’un tiers est consacré à la politique de cohésion, soit plus de 400 milliards d’euros. Cette fois-ci, les régions sont inquiètes car les négociations au sein des institutions européennes et entre les États membres autour du prochain “cadre financier pluriannuel” pour la période 2021-2027 seront bien particulières. La sortie du Royaume-Uni de l’UE pourrait en effet amputer le budget européen de près de 10 milliards d’euros par an, selon les estimations d’un rapport de l’Institut Jacques Delors (IJD), think tank européen.

Ce chiffre correspond à la contribution nette (la différence entre les contributions au budget européen et les financements européens reçus) moyenne des Britanniques sur les cinq dernières années au budget européen. Pour le budget post-2020, ce sont donc 70 milliards d’euros dont il faudra se passer. A moins que les plus gros contributeurs nets (Pays-Bas, Suède, Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, France) acceptent d’augmenter substantiellement leur participation, poursuivent les chercheurs de l’IJD, ou encore que l’UE se dote de ressources propres.

Or, tandis que l’attitude de certains gros bénéficiaires nets comme la Pologne agace, les plus importants contributeurs pourraient préférer ne pas combler cette perte liée au Brexit et utiliser la politique de cohésion comme variable d’ajustement. Dans le même temps, les enjeux de sécurité et de défense pourraient représenter une part plus importante du prochain budget européen et faire également pression sur la politique de cohésion.

Le “bon échelon”

En France, les régions bénéficient largement de cette manne : le pays dispose d’une enveloppe de près de 28 milliards d’euros à répartir selon ses territoires. Ces derniers déploient leurs capacités pour financer les PME, l’innovation ou des projets de lutte contre décrochage scolaire, explique Stéphanie Von Euw, vice-présidente (LR) de la région Île-de-France, qui aura la possibilité de recevoir une enveloppe de Bruxelles d’un montant de 915 millions d’euros sur la période 2014-2020. Sur cette somme totale, la région en administre 540 millions directement : c’est au Conseil régional que l’on décide en dernier recours des projets qui pourront bénéficier d’une subvention européenne. Pour la région Occitanie, la donne est sensiblement la même avec un montant alloué de près de 900 millions d’euros à utiliser sur la même période.

Les régions se dotent également de structures pour aider les entreprises à bénéficier des fonds qui restent à Bruxelles s’ils ne sont pas sollicités. Car, comme l’explique Stéphanie Von Euw, “avant, on manquait de projets, (…) ils de remontaient pas” . A présent, la région dispose d’une direction spécifique qui renseigne et accompagne les entreprises sur leurs possibilités de bénéficier des fonds structurels, mais également des programmes européens (COSME, Life, etc.).

Afin de diminuer l’impact du Brexit, le recours aux instruments financiers pourrait être encouragé. Cette ingénierie vise à utiliser les fonds non pas en subventions directes mais en prêts ou garanties de prêts en passant par des intermédiaires (banques, fonds d’investissement) notamment destinées aux entreprises innovantes et en développement. Les régions semblent cependant de plus en plus enclines à les utiliser. Pour Nadia Pellefigue, vice-présidente (Union de la gauche) de la région Occitanie, cela permet de continuer à soutenir les PME au-delà des niveaux de subventions directes : “on peut augmenter la part du capital public dans le secteur privé” . Pour Stéphanie Von Euw, cela permet également “d’éviter les contraintes administratives des partenariats public-privé” .

Pour les deux vice-présidentes de régions, mettre en œuvre des stratégies de croissance nécessite finalement d’avoir une “connaissance fine” du tissu économique et des bassins d’emploi. “Ce que nous souhaitons, c’est que dans les années à venir, les régions puissent faire la démonstration qu’elles constituent le bon échelon pour mettre en place des politiques de soutien au développement économique” , explique Nadia Pellefigue. Une volonté qui pourrait donc être quelque peu remuée après 2020.

Début des négociations

S’il est encore impossible d’estimer l’impact en termes de dotation sur les régions françaises, explique Sébastien Bourdin, chercheur en développement territorial (EM Normandie), il pourrait s’avérer important. Car si le budget de la politique de cohésion diminue, la redistribution des fonds entre les 277 régions européennes sera modifiée. Pour Marc Joulaud, eurodéputé (LR) et membre de la commission Développement régional, dans les scénarios les plus pessimistes envisagés par la Commission, “plus qu’une baisse de leur dotation, les régions françaises métropolitaines pourraient tout simplement ne plus être couvertes par la politique de cohésion, qui se concentrerait sur les régions les moins développées” . Une étude de la Conférence des régions périphériques maritimes souligne effectivement ce phénomène. Le think tank étudie l’impact des différents scénarios potentiels et observe que dans tous les cas, les contributeurs nets perdent une part importante de subventions.

En France, les 12 régions de la catégorie “développées” disposent de 6,3 milliards d’euros, soit 43% de l’enveloppe française des fonds FEDER et FSE. Et pour l’eurodéputé, ces fonds constituent non pas seulement un besoin pour les territoires, mais également un moyen de réaliser “l’Europe de la proximité, utile et concrète” .

La baisse du budget européen n’est pas la seule incertitude des régions françaises. En effet, de toutes les manières, l’enveloppe proposée par Bruxelles ainsi que ses règles d’utilisation sont conditionnées au PIB par habitant de chaque région par rapport à la moyenne européenne. Par exemple, les régions où le PIB est inférieur à 75% de la moyenne européenne reçoivent la part la plus élevée des fonds FEDER et FSE. La sortie du Royaume-Uni conduira à une diminution du PIB total de l’UE. Et si la moyenne européenne diminue, certaines régions craignent de monter dans la catégorie supérieure et de voir leur dotation réduite.

Pour la Direction générale à la politique régionale et urbaine de la Commission européenne, l’effet d’une diminution du PIB sur le classement des régions serait marginal. Effectivement, pour le centre de recherche sur les politiques européenne de l’Université de Strathclyde (Glasgow) (EPRC), seules trois régions passeraient dans la catégorie supérieure si l’on considère le PIB de l’UE à 27 : la région de Yougozapaden (Bulgarie), de même que la Corse et le Burgenland (Autriche). En outre, pour Marc Joulaud, “ces projections ne sont pas forcément pertinentes car elles partent du principe que l’architecture et les règles de la politique de cohésion resteront inchangées après 2020″ . Alors que la Commission pourrait envisager de les simplifier. D’autant plus que “la réforme territoriale et la réduction du nombre de régions [françaises] ne sera effectif qu’après 2020 pour la politique de cohésion” , observe Sébastien Bourdin.

Dans ce cadre, comment les régions vont-elles pouvoir convaincre les institutions et les États membres de ne pas utiliser la politique de cohésion comme variable d’ajustement ? Pour l’eurodéputé, “elles sont déjà mobilisées pour faire entendre leurs voix” , notamment grâce à leurs représentations auprès des institutions européennes. Leur objectif : “démontrer l’efficacité des fonds européens sur le terrain ainsi que la valeur ajoutée de la politique de cohésion” . Les négociations devraient débuter en 2018.

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