“Un des Conseils européens les plus denses depuis longtemps” , lâche un fonctionnaire européen. Et pour cause : rarement une réunion des chefs d’Etats et de gouvernement de l’UE avait cumulé autant de sujets cruciaux, dont plusieurs doivent être réglés à brève, voire très brève, échéance.
Brexit le 31 octobre ?
Jeudi 17 octobre, un accord a été trouvé in extremis entre Bruxelles et Londres. Les Européens ayant donné un mandat confiant la responsabilité de la négociation à Michel Barnier et son équipe uniquement, son approbation au Conseil européen ne devrait pas poser problème. Cette réunion des dirigeants de l’UE n’avait d’ailleurs, selon une source à l’Elysée, pas vocation à poursuivre les négociations, mais simplement à acter la présence ou l’absence d’un accord. Les chefs d’Etat et de gouvernement devrait donc simplement formellement adopter le deal proposé.
Toujours est-il qu’une fois validé, il devra ensuite être approuvé par le Parlement britannique, exceptionnellement convoqué samedi 19 octobre. Et le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn, de même notamment que le parti unioniste nord-irlandais DUP, ont déjà fait savoir qu’ils ne voteraient pas le texte. Si celui-ci était refusé, ainsi qu’une sortie sans accord de l’UE, le Benn Act voté début septembre par les parlementaires oblige Boris Johnson à demander un report du Brexit aux Européens. Mais lui qui ne cesse de répéter qu’il fera sortir son pays de l’UE le 31 octobre s’y conformerait-t-il ?
Si oui, alors un Conseil européen extraordinaire pourrait être convoqué avant l’échéance du Brexit pour que les dirigeants de l’UE discutent d’une éventuelle extension.
Offensive turque en Syrie : quelle réaction européenne ?
Les Vingt-Huit doivent également tenter de s’accorder sur une nouvelle position commune vis-à-vis de la Turquie. Lundi 14 octobre, les ministres des Affaires étrangères réunis à Luxembourg ont déjà condamné l’offensive du pays dans le nord-est de la Syrie, lancée le 9 octobre. Ils se sont également engagés en faveur de “positions nationales fortes” pour mieux contrôler leurs ventes d’armes vers le pays, certains Etats comme le Royaume-Uni ayant déjà décidé de suspendre ces exportations. Ces positions devraient être endossées par les chefs d’Etat et de gouvernement réunis en sommet.
Par ailleurs, Ankara s’est engagée, en mars 2016, à contenir les flux de migrants en direction de l’UE en échange d’un financement européen. Cet accord subira-t-il les frais de l’offensive turque ? A l’heure où la quasi-totalité des 6 milliards des crédits européens destinés à la Turquie à la faveur de l’accord ont été engagés, la reconduction de ce dernier dans ce contexte devrait s’avérer des plus complexes.
Autre problème dans la relation UE-Turquie : les forages illégaux d’hydrocarbures de la Turquie dans les eaux chypriotes. Le Conseil des Affaires étrangères a convenu lundi 14 octobre de la mise en œuvre d’un régime cadre de mesures restrictives afin de cibler les acteurs, individus et personnes morales, impliqués dans ces forages.
Budget 2021-2027
Autre sujet majeur, le futur budget de l’Union européenne, qui doit couvrir la période 2021-2027. Un dossier des plus épineux, où les positions divergent encore fortement malgré des délais serrés. Sur le montant global déjà, dont l’essentiel est versé par les Etats membres eux-mêmes, et qui sont le plus souvent moins généreux que ne le souhaite la Commission. De fait, celle-ci a proposé que ce budget atteigne 1,11 % du RNB (Revenu national brut) européen, ce que refusent plusieurs Etats parmi les “contributeurs nets” (qui jusque-là versent plus qu’ils ne reçoivent du budget européen), pays du Nord au premier plan. Pour eux, ce chiffre doit se limiter à 1,04 % du RNB : une différence qui pèse plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Autre débat : la part accordée à chaque poste de dépenses. La Commission a proposé de diminuer celles consacrées aux politiques dites “traditionnelles” : la PAC (-5 %) et la politique régionale (dite “de cohésion”) de 7 %. En contrepartie, elle souhaite qu’au moins 25 % des dépenses de l’UE contribuent à ses objectifs en matière de climat. Attachée à la PAC, la France refuse une diminution de son financement mais soutient en revanche une part 40 % du budget consacrée à la transition écologique.
Autre pomme de discorde : la Commission propose de conditionner le versement des fonds européens au respect de l’Etat de droit. Pas sûr que la Hongrie et la Pologne y soient les plus favorables…
Avec autant de visions divergentes, ce sommet pourrait essentiellement avoir pour fonction de réaffirmer les points de vue de chacun, une position commune étant prévue pour décembre.
Climat et élargissement
Le climat et l’élargissement seront également évoqués. Mais comme pour le budget, il sera difficile de progresser sur ces points, tant les autres sujets occuperont déjà largement les discussions.
Concernant l’élargissement, le Conseil européen devrait confirmer le refus, mardi 15 octobre par les ministres des Affaires européennes et notamment par la France, d’ouvrir les négociations d’adhésion à la Macédoine du Nord et à l’Albanie. Un approfondissement politique de l’UE est un préalable nécessaire avant tout élargissement, plaide l’Elysée. De leur côté, les pays de l’Est se sont au contraire montrés très favorables à cet élargissement. Tout comme l’Allemagne et l’Autriche.