Pour quelle raison Nicola Sturgeon a-t-elle finalement décidé de demander un nouveau référendum d’indépendance ?
Alyn Smith : Nous sommes très en colère contre le gouvernement britannique. En 2014 lors du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, nous avons voté pour rester dans le Royaume-Uni mais également dans l’Union européenne.
A cette époque, la question européenne était au cœur des débats. Depuis le référendum du 23 juin dernier sur le Brexit, nous avons proposé des compromis au Royaume-Uni, comme par exemple quitter l’Union européenne et rester dans le marché unique. Nous avons engagé des pourparlers avec le gouvernement britannique, la question d’un partenariat a été évoquée mais aujourd’hui nous n’avons aucune proposition concrète sur la table. Il est donc dans notre droit de soulever à nouveau la question de la séparation, pour que les Ecossais puissent avoir le choix entre “hard Brexit” et indépendance.
Nicola Sturgeon a dit souhaiter que ce référendum intervienne entre l’automne de 2018 et le printemps de 2019, au moment de la fin des négociations sur le Brexit. Ce timing vous semble-t-il réaliste ?
Il est aussi réaliste que celui du Brexit. Nous devons connaître les détails des négociations sur le Brexit pour concevoir nos propositions sur les conditions de l’indépendance de l’Ecosse afin de les soumettre aux Ecossais qui auront alors le choix entre deux options. La période annoncée pour l’organisation du référendum n’est pas définitive. Actuellement, beaucoup de paramètres évoluent mais ce qui est certain c’est que nous l’organiserons. Nous ne voulons absolument pas rester passifs dans ce débat.
Lors du référendum de 2014, le SNP était majoritaire au Parlement. Ce n’est plus le cas depuis les élections du 5 mai 2016. Certains partis dont les travaillistes sont a priori opposés à la tenue d’un nouveau référendum. Comment Nicola Sturgeon va-t-elle faire adopter le projet de loi organisant ce référendum ?
Au sein du Parlement écossais, le SNP bénéficie d’une grande majorité grâce aux Verts et aux socialistes qui sont favorables à l’indépendance. Nous allons voir également l’avis des libéraux sur cette question. Des discussions entre Edimbourg et Londres sont en cours. Si le gouvernement britannique prend connaissance des intérêts écossais, nous serons prêts à discuter.
En cas d’indépendance, le maintien de l’Ecosse dans l’Union européenne sera compliqué. Quels sont les différents scénarios envisageables ?
Devenir un Etat membre tout en étant indépendant du Royaume-Uni et avoir le même statut que le Danemark ou l’Irlande. Nous voulons rester dans le marché unique et continuer à bénéficier des quatre libertés : la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. L’immigration pointée du doigt par les pro-Brexit n’est absolument pas un problème en Ecosse, c’est au contraire un avantage pour notre économie et notre société. Il existe plusieurs scénarios. Le Royaume-Uni pourrait aussi rester dans l’Espace économique européen, dans ce cas nous aurions les mêmes relations que la Norvège et l’Islande avec l’UE.
Certains pensent que les députés européens britanniques en faveur du Brexit devraient cesser de participer aux travaux du Parlement européen…
Ce n’est pas sérieux, l’activation de l’article 50 est le commencement d’un processus, ce n’est pas la fin. Nous sommes encore dans l’Union européenne, les députés européens britanniques ont donc encore le droit de représenter leurs citoyens. Au Parlement, nous avons actuellement beaucoup de dossiers en cours. Certains députés européens travaillent très dur pour sauver la relation proche entre le Royaume-uni, l’Ecosse, l’Irlande du nord, Gibraltar et le reste de notre continent. Il est impossible de faire une sélection et de choisir de ne maintenir au Parlement que les députés européens britanniques opposés au Brexit. Ce choix serait trop dangereux.
Le député européen Alyn Smith lors des 60 ans du traité de Rome
Propos recueillis par Alexandra Lesur