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Agnès Saal : “Nous avons, à la BnF, une responsabilité particulière auprès des autres bibliothèques nationales de l’Europe et du monde”

Directrice générale de la Bibliothèque nationale de France, dont est partie l’aventure Europeana, Agnès Saal retrace les débuts du projet de Bibliothèque numérique européenne et dresse un tableau du chemin qui reste à parcourir.

Europeana est un prototype de bibliothèque en ligne développé par la Bibliothèque numérique nationale de France (BnF). Il s’agit de la contribution française au projet de Bibliothèque numérique européenne. Comment a débuté l’aventure Europeana ?

L’aventure Europeana a débuté en réaction à un projet de numérisation de grande envergure annoncé par la moteur de recherche Google fin 2004, qui a émis l’idée de numériser une quinzaine de millions d’ouvrages issus notamment des grandes bibliothèques patrimoniales du monde, à la fois des Etats-Unis et d’Europe.

Cette réaction ne répond pas à de l’inimitié à l’égard de Google. Google étant un moteur de recherche, une entreprise commerciale et une entreprise américaine, nous nous sommes demandé pourquoi laisser à cette entreprise le soin de numériser tout un pan de la culture, de la civilisation, de l’histoire, de la création vivante de l’Europe. Ce danger-là a été très vite perçu à la BnF par Jean-Noël Jeanneney et son équipe, qui ont réagi en rappelant que nous avions une responsabilité particulière avec les autres bibliothèques nationales de l’Europe et du monde.

L’écho à cette réaction a été très positif. Au niveau national, Jacques Chirac, a perçu très tôt l’intérêt de la démarche. Au niveau européen, la balle a également été saisie très rapidement . Cinq autres chefs d’Etat et de gouvernement ont signé avec le président Chirac une lettre au président du Conseil européen de l’époque et au président de la Commission européenne pour leur demander de soutenir le projet d’une bibliothèque numérique européenne. Toutes les bibliothèques nationales de l’Europe regroupées au sein d’une fédération, la CENL, ont relayé notre message en indiquant qu’elles étaient tout à fait favorables à la démarche et qu’elles s’y associaient.

Dans les mois qui ont suivi, la BnF a lancé toute une série de chantiers sur la numérisation et a été investie officiellement par le gouvernement français, en mai 2006, du pilotage opérationnel de la mise en œuvre de la bibliothèque numérique européenne, pour sa partie française. Dès l’année 2006, nous avons eu l’assurance d’un soutien financier important de la part des pouvoirs publics, avec une enveloppe d’une dizaine de millions d’euros et la création de 13 emplois.

Dans un premier temps, l’Elysée nous a demandé de mettre au point une maquette, puis un prototype de ce que pourrait être les fonctionnalités de cette future BNE, les exigences des internautes s’étant fortement accrues, par rapport à ce qui avait été développé pour Gallica (la bibliothèque numérique de la BnF), en 1995-1996. Nous avons finalisé la maquette en octobre 2006, et le prototype en mars 2007. Nous avons mis au point toute une série de fonctionnalités, qui s’assimile à ce qu’offre aujourd’hui le web 2.0. Celles-ci ont été bien accueillies.

Le site Europeana est déjà en ligne, pouvez-vous déjà évaluer son succès ?

Europeana.eu est en ligne. Nous avons évidemment le devoir et l’ambition de transposer ce prototype en grandeur réelle, c’est-à-dire d’étendre les fonctionnalités que nous avons définies et qui nous semblent pertinentes à la totalité des fonds et pas seulement aux premiers fonds mis en ligne : 7 000 ouvrages français, 4 000 hongrois et 1 000 portugais. 

C’est une position ingrate que d’évaluer aujourd’hui le succès d’Europeana, qui s’est fait en très peu de temps. Cependant nous avons déjà des échos des internautes du monde entier, qui consultent le site et s’estiment globalement satisfaits. Ils souhaitent que le projet continue. Nous comprenons que le fait de proposer seulement 7 000 œuvres françaises en ligne soit frustrant pour les internautes conscients des fonctionnalités intéressantes qui sont proposées…

La question du bilan de l’audience aura vraiment un sens que lorsque nous aurons mis en ligne davantage d’ouvrages. Le prototype mis en ligne pour rendre compte du travail effectué reste loin des objectifs que nous nous sommes fixés et que nous voulons atteindre pour la version finale de la Bibliothèque numérique européenne. 

Un groupe d’experts de haut niveau, auquel participent des responsables de la British Library, de la Deutsche Nationalbibliothek, de la Fédération des éditeurs européens et de Google, a présenté le mercredi 18 avril 2007 à la Commission européenne un rapport consultatif sur la problématique du droit d’auteur. Quel problème principal se pose en terme de droit d’auteur dans le cadre de la réalisation de la bibliothèque numérique européenne ?

L’un des principaux chantiers actuels porte sur la possibilité de mettre en ligne des ouvrages encore couverts par le droit d’auteur. Nous considérons en effet qu’une Bibliothèque numérique européenne digne de ce nom même si elle est riche en ouvrages déjà tombés dans le domaine public, doit comprendre également des ouvrages récents.

Mais nous ne voulions pas, pour réaliser cela, agir comme Google, c’est-à-dire numériser sans l’accord des ayants droits. Nous nous sommes donc lancés dans une démarche de concertation avec le syndicat national des éditeurs puis de manière bilatérale avec chaque éditeur. Leur accord préalable est essentiel à la fois pour la numérisation et pour la mise ne ligne et nous n’avons aucune intention de les mettre en péril économiquement.

C’est pourquoi il nous faut concevoir un modèle économique moyennant effectivement une rétribution. Nous nous sommes concertés dans le cadre d’un groupe de travail et nous avons consulté un opérateur extérieur pour envisager les différents modèles économiques possibles. Une proposition est actuellement à l’étude.

Quelles sont les prochaines étapes pour parvenir à la bibliothèque numérique européenne tant désirée ?

Les prochaines étapes sont les suivantes :

la réalisation des différents marchés de numérisation ;

la mise en ligne progressive d’une quantité très importante d’ouvrages ;

la définition d’un mode de collaboration avec d’autres bibliothèques ;

françaises, qui se trouvent dans des bibliothèques soit municipales, soit universitaires ;

au niveau européen, poursuivre le travail avec les bibliothèques du CENL, pour définir des programmes de numérisation qui soient cohérents et permettent aux autres bibliothèques nationales d’inscrire leurs collections dans la bibliothèque numérique européenne ;

le développement avec les éditeurs d’un moyen de proposer en ligne d’ici fin 2007, également des ouvrages du patrimoine qui sont encore sous droits avec une expérimentation du modèle économique de rétribution.

Propos recueillis le 14/05/07

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