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ACTA : le Parlement européen prêt à montrer les crocs

Jeudi 9 septembre 2010, la déclaration écrite n°12/2010 sur l’ACTA a été adoptée en session au Parlement européen. Cette institution qui représente les citoyens dans l’Union européenne montre ainsi qu’avec le traité de Lisbonne, il sera une voix qui compte dans l’adoption du traité ACTA, si décrié par ses opposants.

Qu’est-ce que l’ACTA ?

L’Accord commercial anti-contrefaçon, ou Anti-Counterfeiting Trade Agreement, est plus connu sous le sigle ACTA. C’est un traité international actuellement en négociation. Il repose sur la possibilité d’établir des règles fondées sur le droit de la propriété intellectuelle, touchant Internet et le commerce de produits protégés par ce droit.

Ce texte est négocié au niveau international par plusieurs Etats, dont l’Union européenne. Malheureusement, les négociations de ce traité ont été totalement opaques. Du fait de fuites, une mobilisation “anti-ACTA” est apparue, d’abord sur Internet puis au niveau politique.

Ce traité est très important car le droit de la propriété intellectuelle touche d’autres domaines que simplement la lutte contre les échanges illicites de films, musique ou autre productions culturelles sur Internet. C’est par exemple le cas du secteur de la santé avec les licences des médicaments.

ACTA risque de faire globalement l’amalgame entre faux médicaments et médicaments génériques sans licence. Il tend à considérer tout médicament qui ne respecte pas les brevets comme une contrefaçon. Pour autant, le non-respect des brevets n’indique en rien qu’un médicament est contrefait ou dangereux.

Ainsi, les détenteurs des brevets risquent de faire bloquer par les douaniers les médicaments génériques en transit dans leur pays en attendant le paiement d’une taxe par exemple. Or, les médicaments génériques sont nécessaires dans certains pays du Sud pour sauver des millions de vies.

C’est pour cette raison que, dans le cadre des négociations sur le commerce mondial à Doha en 2001, certains pays avaient imposer une licence obligatoire pour certains médicaments génériques. Mais ceci était au désavantage des grands groupes pharmaceutiques. Ils comptaient sur l’argent rapporté par les brevets pour compenser l’investissement mis dans la recherche pour trouver ce médicament. ACTA risque donc de constituer un retour en arrière sur cette question de santé publique.

Où en sont les négociations ?

Normalement, les négociations commencées en 2008 sont censées se terminer cette année avec un dernier “tour” (ou “round” en anglais pour chaque nouvelle session de négociation) au Japon. Cependant, de nombreux désaccords existent encore, notamment entre Américains et Européens.

La campagne anti-ACTA a clairement pesé sur la position des négociateurs européens. Ils ont fait alléger les sanctions, diminuer la portée du texte, et laisser plus de liberté d’interprétation aux juridictions locales. Les références à une responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet ont été retirées sous pression de l’UE, et remplacés par des “propositions” de mesures de répression à adopter volontairement.

A priori, pour garantir que le traité n’interdira pas les médicaments génériques, il sera clairement indiqué qu’il faut respecter la déclaration de Doha sur la santé publique. Mais, du fait de l’opacité des négociations, les peurs des associations et lobbys citoyens restent en l’état, malgré les annonces rassurantes des représentants européens. Ainsi, le Commissaire européen Karel De Gucht a présenté mercredi cet accord à huis clos aux eurodéputés, les enfermant dans un “pseudo sceau sacré” , a regretté le député Kader Arif (S&D). C’est d’ailleurs au Parlement européen que risque de se jouer la plus grande bataille sur ACTA.

La déclaration écrite n°12 du Parlement européen

Nouvelle étape dans la bataille d’ACTA, la déclaration écrite n°12. Sous ce nom est adoptée une prise de position importante du Parlement européen sur le sujet. En effet, peu de déclarations arrivent au bout et sont officiellement portées par le Parlement européen.

C’est la cinquième fois seulement dans cette législature. 389 eurodéputés ont ainsi soutenu ce texte présenté par Françoise Castex (S&D), Zuzana Roithová, Alexander Alvaro, Stavros Lambrinidis. Cette mobilisation a été notamment portée du côté citoyen par la Quadrature du Net et son porte-parole, Jérémie Zimmerman.

Cette déclaration n°12 dénonce “l’absence d’un processus transparent et la présence d’un contenu potentiellement controversé concernant l’accord commercial anticontrefaçon” . Les eurodéputés affirment d’une voix commune que “la propriété intellectuelle ne doit pas prévaloir aux libertés fondamentales et à la santé publique” , pour la NURPA (Net Users’ Rights Protection Association). Les députés demandent la garantie que les fournisseurs d’accès Internet ne soient pas “tenus responsables des données qu’ils transmettent ou hébergent par l’intermédiaire de leurs services dans une mesure qui impliquerait une surveillance préalable ou le filtrage de ces données” .

“Cela montre la sensibilité des parlementaires européens sur les questions et enjeux liés à l’ACTA. Ils n’ont pas du tout apprécié d’être tenus à l’écart aussi longtemps des négociations. Par cette déclaration, le Parlement Européen s’introduit dans le débat duquel on voulait le tenir à la marge” , s’est ainsi félicitée la députée française Françoise Castex (S&D). Le Parlement européen se place ainsi comme un acteur de poids dans les négociations. Car avec le traité de Lisbonne, ce type d’accords commerciaux est fortement validé par le Parlement européen.

Or, avec une telle déclaration, le Parlement européen démontre que les négociateurs européens ne pourront pas présenter n’importe quel projet, sous peine de se voir rejeter le texte. Une résolution sur ACTA est d’ailleurs prévue par les auteurs de la déclaration écrite n°12. La question est pour eux de savoir si celle-ci doit être présentée avant ou après le “tour de Tokyo” , censé finaliser le traité, pour peser au mieux sur les négociations.

En savoir plus

présentation de la déclaration écrite n°12 sur le site de François Castex (S&D)

présentation du traité de Lisbonne - Touteleurope.eu

présentation d’Acta par la Quadrature du Net

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