L’étendue de la réforme était vaste. Si le projet d’ouverture à la concurrence n’a pas été contesté, les questions de droits fondamentaux des internautes, notamment les cas de coupure de connexion dans le cadre de la lutte contre le piratage, ont pressé la procédure législative de l’Union Européenne jusqu’à la procédure dite de conciliation, nécessaire quand aucun accord ne semble plus possible entre conseil et Parlement.
La lutte contre le piratage menace les droits des internautes
Les députés européens, emmenés par les Verts, sont allés jusqu’à cette extrémité, arguant que ce projet, qui permettait de couper la connexion Internet aux citoyens qui téléchargeaient illégalement, enfreignait les droits fondamentaux les plus stricts. En la matière, le projet français de loi Hadopi, avec son système des trois assignations avant coupure, personnifiait cette crainte. Notons que la première version de ce projet de loi a d’ailleurs été invalidé par le Conseil constitutionnel français lui-même !
Si les français se fondaient sur l’article 9 de la déclaration de 1789 garantissant la présomption d’innocence, les eurodéputés insistaient sur le fait que l’accès à Internet était essentiel pour l’exercice de certains droits fondamentaux tels que le droit à l’éducation, la liberté d’expression et l’accès à l’information. Les droits fondamentaux des internautes restaient en tous les cas au cœur du blocage.
Le Parlement, via l’amendement de l’eurodéputé française Catherine Trautmann, a donc demandé que les droits des utilisateurs ne soient pas restreints sans décision préalable des autorités judiciaires, conformément à l’article 11 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE sur la liberté d’information. Mais au nom de l’autonomie procédurale de chaque Etat membre, cette solution n’était pas envisageable.
Les droits fondamentaux des internautes sont clairement réaffirmés
Ce mercredi, et en prévision de l’Assemblée plénière de fin novembre, une délégation du Parlement et du Conseil discutaient un compromis. Les députés ont obtenu une législation nuancée et plus subtile :“l’accès d’un utilisateur à Internet pourra être restreint, si cela est jugé nécessaire et proportionné et seulement au terme d’une procédure juste et impartiale tenant compte du droit pour l’internaute d’être entendu” . Le recours à la justice n’est pas explicite, ni même obligatoire, mais la procédure juste et impartiale satisfait les revendications des députés, d’autant que les principes de présomption d’innocence et du droit à la vie privée sont également cités.
Une victoire à la Pyrrhus
Mais malgré l’enthousiasme unanime autour cet accord, un détail chiffonne. Le Conseil reprochait aux députés de bloquer un texte pour lequel ces derniers n’avaient pas compétence. Les garanties procédurales exigées par l’intervention d’un juge pour couper Internet, relevaient, en effet, de la compétence nationale, selon le principe d’autonomie procédurale. Les Etats ne voulaient pas procéder tous de la même façon.
Pourtant, les projets jumeaux d’Hadopi, telles que les mesures proposées par le ministre Peter Mandelson au Royaume-Uni, ou à l’initiative des parlementaires aux Pays-Bas, prolifèrent en Europe. La représentante du Bureau des Consommateurs européens (BEUC) s’interroge sur l’efficacité du compromis trouvé, qui n’invaliderait donc pas les Lois du type Hadopi.
Le vote définitif est à l’ordre du jour de la plénière du 23-26 novembre à Strasbourg. Compte tenu du stade sans retour de la procédure, il ne peut pas être rejeté sauf à annihiler le travail de trois années…