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Accord de libre-échange UE-Canada : “une aggravation des menaces qui pèsent sur l’agriculture en Europe et au Canada”, selon Yannick Jadot

Les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) sont terminées. Il peut maintenant être examiné par les parlementaires européens et les chefs d’État et de gouvernement. Un processus pouvant se compter en mois, voire en années. A l’encontre du texte, de vives critiques se sont élevées la semaine dernière. Sigmar Gabriel, ministre des Affaires économiques d’Allemagne a prévenu que son pays ne signerait pas l’accord tant que la clause concernant l’arbitrage n’était pas retirée. Celle-ci permettrait aux entreprises canadiennes d’attaquer un État qui menacerait leurs investissements. Yannick Jadot, député européen écologiste et vice-président de la commission du commerce international, fer de lance de la lutte contre le traité transatlantique, nous explique les raisons du “CETA-bashing”.

Yannick Jadot

L’actuel commissaire européen au Commerce extérieur, Karel de Gucht, a déclaré que la réouverture des négociations causerait la mort de l’accord. Qu’en pensez-vous ?

Il va falloir qu’il s’y fasse, parce que le gouvernement allemand a émis des réserves. On ne peut que regretter que la France ne dise rien. Vendredi après-midi, c’est la commissaire européenne Cecilia Malström qui, dans ses réponses aux questions des parlementaires en amont de l’audition de lundi, a dit son opposition, dans le cadre du traité transatlantique, à l’arbitrage privé investisseur-Etat . Elle le mentionne pour le traité transatlantique, mais il est évident que ça doit maintenant totalement s’étendre à l’accord avec le Canada. Il faut une remise à plat complète des négociations avec le Canada et la suspension des négociations avec les États-Unis pour redéfinir totalement le sens et l’intérêt potentiel ou pas d’une telle négociation.

Le mandat de la Commission européenne pour les négociations donne-t-il trop de marge de manœuvre au commissaire européen au Commerce ?

Non car le commissaire européen, sur le traité transatlantique comme sur l’accord avec le Canada, a suivi le mandat qui lui a été donné par les chefs d’État et de gouvernement et qui a été validé par les principaux partis au Parlement européen [ndlr PPE, S&D et ADLE]. Donc dans cette affaire ce n’est pas le commissaire ou la Commission européenne qui sont en faute. C’est l’évolution du débat public, la mobilisation des citoyens européens, j’espère un peu le travail des Verts au Parlement européen et ailleurs qui ont réussi à éclairer des pans inacceptable de la négociation, mais que certains États et certains parlementaires ne voulaient pas voir jusqu’à maintenant.

Pourquoi les réactions à l’encontre de l’accord se soulèvent maintenant alors que les négociations durent depuis 5 ans ?

La négociation avec le Canada, malgré ce que nous en disions, n’était pas dans le débat public. La négociation avec les États-Unis l’est. L’arrivée devant les États européens et devant le Parlement européen de l’accord négocié avec le Canada, qui apparaît comme le brouillon du traité transatlantique, met d’un coup cet accord CETA en pleine lumière et lui donne une importance que les institutions européennes ont tenté de masquer jusque-là.

L’accord contient un volet sur les données personnelles. Est-ce un retour d’ACTA (accord commercial anti-contrefaçon) ?

L’accord complet avec le Canada vient de tomber. Je n’ai pas encore tous les éléments sur la question des données personnelles et de la liberté numérique. Je sais que c’est un enjeu important dans la négociation avec les Etats Unis. On sait que dans l’accord avec le Canada, il y a un renforcement du pouvoir des firmes pharmaceutiques au détriment des médicaments génériques. Cela faisait aussi parti d’ACTA. Il y a également un renforcement de la propriété intellectuelle sur la question des semences, qui était dans ACTA. Sur la question des libertés numériques je ne peux pas encore vous donner d’éléments.

Vous avez soutenu la manifestation de la confédération paysanne contre cet accord. Quel impact aurait-il sur les agriculteurs européens ?

Dans l’accord avec le Canada il y a 50 000 tonnes de viande de bœuf qui vont être exportées vers l’Europe et 80 000 tonnes de viande de porc. Il y a déjà un élément de déstabilisation des filières d’élevage en Europe. Et puis, au-delà des quantités, il y a évidemment une réduction de la capacité de l’Europe, comme du Canada, de réguler en matière d’environnement, en matière de bien-être animal, en matière de protection de la santé. Donc c’est aussi une aggravation des menaces qui pèse sur l’agriculture paysanne en Europe et au Canada.

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