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A Gaza, une action européenne avant tout humanitaire

La construction d’une vaste usine de dessalement de l’eau dans la bande de Gaza doit débuter courant 2018. Approuvé en 2011, le projet aura nécessité pas moins de sept années pour se concrétiser. Ce n’est qu’en mars dernier que l’Union européenne est parvenue à réunir les fonds. L’objectif ? Fournir en eau potable les quelque 2 millions d’habitants de la région et contribuer à répondre à l’urgence humanitaire, de nouveau particulièrement criante depuis plusieurs semaines.

Difficultés d'accès à l'eau dans la bande de Gaza
Difficultés d’accès à l’eau dans la bande de Gaza - Crédits : Muhammad Sabah, B’Tselem, Creative Commons

La conférence organisée par l’Union européenne le 20 mars 2018 aura été décisive. Grâce à elle, le projet de construction d’une usine de dessalement dans la bande de Gaza, a franchi une nouvelle étape : sa construction devrait pouvoir débuter prochainement et il est prévu qu’elle soit opérationnelle en 2022.

100 millions de m3

A terme, l’usine sera la plus grande infrastructure de la zone, intégrant trois sous-projets. D’abord, l’usine de dessalement transformera l’eau salée en eau douce potable et devrait avoir une capacité globale de 100 millions de m3 par an. Ensuite, un système de transport Nord-Sud doit permettre l’acheminement de l’eau douce dans toute la bande de Gaza, en veillant à réduire au maximum les pertes. Enfin, une centrale solaire combinée à deux éoliennes contribuera à la production d’énergie.

Approuvé à Bruxelles en juin 2011 par les 43 membres de l’Union pour la Méditerranée (UpM), organisation qui regroupe les 28 Etats de l’UE et 15 autres pays du pourtour méditerranéen, le projet aura donc nécessité sept années pour se concrétiser. Il s’agissait pourtant d’une des initiatives phares de l’UpM. Les objectifs sont multiples : garantir un nouvel accès à l’eau douce pour la population et ainsi juguler la propagation des maladies, regénérer la source actuellement utilisée, réduire la pollution des nappes phréatiques et dans la région méditerranéenne et créer des emplois dans la construction des infrastructures.

Le 20 mars, l’Union européenne a ainsi rassemblé à Bruxelles les principaux bailleurs de fonds pour une conférence internationale coprésidée avec l’Autorité palestinienne. A cette occasion, 80% du coût total du projet de l’usine de dessalement y ont été récoltés, soit 456 millions d’euros.

Si les Etats arabes du Golfe se sont engagés à fournir la moitié des fonds requis pour le projet, l’UE apportera pour sa part 70 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 7,1 millions de coûts de gestion. “Le succès de la conférence des donateurs d’aujourd’hui nous permet de franchir une étape supplémentaire vers la réalisation de ce projet, d’améliorer les conditions de vie et du développement économique à Gaza” , s’est félicité Johannes Hahn, commissaire européen chargé de la Politique européenne de voisinage.

A l’origine du projet, le gouvernement palestinien est soutenu par l’Union européenne via la Banque européenne d’investissement (BEI), organe financier commun des Etats membres, ainsi que par la Banque islamique de développement (BID). L’UpM joue quant à elle un rôle de coordination entre les différentes parties prenantes.

Urgence humanitaire

Le projet répond à une urgence humanitaire. Les Nations unies considèrent en effet que 97% de l’eau n’est pas potable dans la bande de Gaza. En cause : le pompage excessif de l’aquifère côtier, c’est-à-dire le réservoir naturel de stockage d’eau souterraine, qui est pour l’instant la seule source d’eau douce régionale. D’après un rapport de l’ONU datant de 2012 et réactualisé en 2017, cette surexploitation pourrait provoquer des dommages environnementaux irréversibles d’ici à 2020. Passé cette date, d’après l’ONU, il sera même impossible de vivre à Gaza si rien n’est fait.

Source : Rapport “Gaza, dix ans après” de l’ONU (2017)

De plus, cet aquifère ne répond plus aux critères de qualité requis, correspondant aux normes relatives à l’eau potable établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’accès à l’eau douce est en outre l’un des plus faibles au monde sur le territoire gazaoui. Un problème accru par la densité de population sur la bande de Gaza : 2 millions de personnes sont concentrées sur une bande d’une quarantaine de kilomètres de long sur la façade méditerranéenne pour une dizaine de kilomètres de large en moyenne. Soit une densité parmi les plus élevées du monde, équivalente par exemple à celle de l’agglomération de Londres.

Loïc Fauchon, président honoraire du Conseil mondial de l’eau et président de la Société des eaux de Marseille, dresse un constat clair : “développement économique, développement agricole et développement démographique demandent de l’eau” . Lors d’un discours prononcé lors du 8ème Forum mondial de l’eau à Brasilia le 23 mars 2018, il a souligné la rareté d’une eau de qualité et en quantité suffisante, appelant à la “responsabilité collective et individuelle d’en assurer la disponibilité” .

L’aide européenne à l’épreuve de la violence

En juillet 2017, un accord a bien été trouvé entre Israël et la Palestine sur la vente d’eau. 33 millions de mètres cubes d’eau - la consommation moyenne journalière d’un Français est de 150 litres (0,15 mètre cube) - doivent être ainsi vendus par Israël à l’ensemble des territoires palestiniens.

Notons qu’Israël contrôle le plateau du Golan, situé au nord-est du pays aux frontières de la Syrie et de la Jordanie, depuis la guerre des Six Jours de 1967. Territoire stratégique d’un point de vue militaire, il l’est aussi s’agissant de l’accès à l’eau, car y coule le fleuve Jourdain et à ses pieds se trouve le lac Tibériade, qui constituent des ressources hydriques incontournables pour Israël.

Mais la situation spécifique de la bande de Gaza paraît critique. A la situation sanitaire et environnementale préoccupante s’ajoute en effet le blocus israélien, en vigueur depuis la prise de contrôle de la région par le Hamas, organisation classée comme terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne depuis 2007. Les Gazaouis ne peuvent plus franchir les frontières avec l’Etat hébreu sur leurs flancs nord et ouest. La frontière avec l’Egypte au Sud, elle, est rarement ouverte. Un blocus maritime ferme la frontière côtière de la méditerranée orientale, et l’espace aérien est également sous contrôle.

Carte de la bande de Gaza - Source : rapport “Gaza, dix ans après” de l’ONU (2017)

Pour Israël, l’objectif est d’empêcher l’importation d’armes et de matériaux de construction dans la zone. Résultat : trois guerres ont opposé le Hamas à Israël depuis le début du blocus. Les civils en font les frais : 80% dépendent désormais de l’assistance internationale, selon l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA). Et les désaccords entre l’Autorité palestinienne et le Hamas ont largement fragilisé les conditions économiques et sociales des habitants de Gaza.

Depuis quelques semaines, les manifestations des habitants de la bande de Gaza à la frontière israélienne sont récurrentes. Le 19 avril 2018, le Parlement européen a adopté une nouvelle résolution appelant à “la levée immédiate et sans condition du blocage et de la fermeture de la bande de Gaza” . Depuis le 30 mars dernier, plus de 100 morts sont à déplorer côté palestinien, dont 58 pour la seule journée du 14 mai, ainsi que plusieurs milliers de blessés, en raison des tirs de l’armée israélienne à la frontière.

Face à ce nouvel accès de violence, l’UE (et la communauté internationale en général) paraît impuissante. L’implication européenne en Palestine, outre le maintien de liens politiques et diplomatiques, est donc essentiellement humanitaire. L’aide dans le domaine de l’eau n’en est qu’une des facettes. Comme l’assurait Johannes Hahn le 31 janvier dernier, l’Europe “est et restera le bailleur de fonds le plus fiable et le plus important de la Palestine” . Au total, depuis 2000, ce sont plus de 700 millions d’euros que la Commission européenne a fournis à la Palestine.

Article dirigé par Toute l’Europe et réalisé avec des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif

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