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10 ans de mesures exceptionnelles après les attentats terroristes en Europe

Le 13 novembre, Paris a connu sa deuxième attaque terroriste au cours de l’année 2015. 130 victimes décédées sont venues s’ajouter aux 17 du début de l’année. Avant cela, ce fut Oslo, Londres ou encore Madrid en 2004. Partout en Europe les gouvernements, à leur manière et parfois ensemble, cherchent à faire face à cette menace. Retour sur plus de 10 ans d’attentats terroristes en Europe, et sur les mesures exceptionnelles qui ont été prises.

Madrid après les attentats de janvier 2015 à Paris

Novembre 2015 : “La France est en guerre” contre le terrorisme

Devant le Parlement français réuni en Congrès à Versailles le lundi 16 novembre et suite aux attaques du vendredi 13, le chef de l’Etat a déclaré la France “en guerre” contre le terrorisme. Depuis le samedi 14, la France est officiellement en état d’urgence, un statut spécifique permettant de consolider les prérogatives des pouvoirs publics, à l’égard des libertés individuelles notamment, afin d’assurer la sécurité du territoire et des citoyens.

 Parlement français réuni en Congrès à Versailles - 16 nov. 2015

Le déclenchement de ce régime est un événement rare, bien que des mécanismes similaires existent ailleurs en Europe.

L’état d’urgence, un régime français

L’état d’urgence est un régime d’exception, qui n’est pas inscrit dans la Constitution française (contrairement à l’état de siège). Institué par la loi du 3 avril 1955 en réaction à la situation en Algérie, ce régime se situe entre l’état de siège et la situation normale.



François Hollande a également appelé à la solidarité européenne au travers de la clause de défense mutuelle (article 42.7 TUE), un outil de la politique de défense et de sécurité commune.

La vocation première de l’état d’urgence est de renforcer les pouvoirs de l’exécutif à des fins de sécurité, sur tout ou partie du territoire. Sa durée maximale initiale est de douze jours. En novembre 2015 il a été utilisé pour multiplier les perquisitions et assigner des personnes à résidence sans l’autorisation préalable d’un juge.

Cependant le gouvernement a annoncé son intention de l’étendre sur une durée de trois mois et de modifier les prérogatives attribuées. Bien que l’état d’urgence soit proclamé par l’exécutif, il ne peut être prolongé qu’avec l’accord du Parlement, ce que le gouvernement français a demandé. Le projet de loi pour l’extension de l’état d’urgence durant les trois prochains mois concerne principalement le régime de l’assignation à résidence, la poursuite des perquisitions administratives sans accord judiciaire préalable et supprime la possibilité de contrôle de la presse.

Quelques équivalents européens : état d’exception, état de crise intérieure

“L’état d’urgence” est une disposition purement française, néanmoins d’autres voisins européens peuvent bénéficier de régimes similaires.

Par exemple, en Espagne, une loi de 1981 permet la proclamation, par le gouvernement et pour 30 jours, de “l’état d’exception” , qui s’apparente à l’état d’urgence français. Cette loi n’a jamais été mise en œuvre, même suite aux attentats de 2004.

La Loi fondamentale allemande (soit la Constitution) prévoit depuis 1968 la possibilité de déclarer “l’état de crise intérieure” qui permet lui aussi une limitation des libertés individuelles. Cette disposition n’a elle non plus jamais été mise en œuvre.

Les Etats européens ne réagissent pas tous de la même façon à la menace

En Norvège, Oslo est touchée en 2011

En 2011 la Norvège a connu deux attaques terroristes ayant fait 77 morts. Anders Behring Breivik avait posé une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, puis avait ouvert le feu, déguisé en policier, dans une zone touristique de banlieue.

En réaction, le gouvernement norvégien a décidé de fournir aux forces de l’ordre en patrouille, jusqu’alors désarmées, un pistolet.



Tous les éléments et chiffres-clés dans notre infographie :

Comment l’Union européenne lutte-elle contre le terrorisme ?

Peu de temps avant les attentats ayant touché Paris en novembre 2015, le ministre de la Justice norvégien annonçait la fin de cette mesure temporaire. A la lumière des événements, la discussion entourant la mesure a été repoussée.

Le Royaume-Uni connait son attentat le plus important à Londres en 2005

Avant même les événements de 2005, le Royaume-Uni avait promulgué le Terrorism Act 2000, qui établissait notamment une liste d’organisations interdites considérées comme terroristes.

Le 7 juillet 2005, les transports londoniens sont touchés par une série de quatre attentats-suicide ayant fait 52 victimes.

Après ces évènements, Tony Blair, alors premier ministre, déclenche sa lutte contre le “terrorisme mondial” et annonce une nouvelle loi antiterroriste, le Terrorism Act 2006.

La chambre des Lords ayant refusé la proposition d’une détention de 90 jours sans charges à l’encontre des personnes suspectées de liens avec le terrorisme, la loi ne sera adoptée que l’année suivante. Les individus présumés terroristes peuvent être détenus jusqu’à 28 jours sans charges, entre autres ajouts.

En 2014, David Cameron présentait un nouveau projet de loi antiterroriste. Le parlement a adopté le texte, qui a par la suite été déclaré illégal par la Haute Cour de justice car trop liberticide.

Au lendemain des attentats de janvier ayant touché Paris, David Cameron annonçait pourtant vouloir compléter son arsenal législatif par des mesures permettant la surveillance des communications sur Internet.

Puis, suite aux attentats de novembre à Paris, le gouvernement britannique a annoncé se doter de capacités de “cyberdissuasion” , notamment en doublant les dépenses en cybersécurité d’ici à 2020, tout en augmentant les effectifs de ses services de renseignements.

A Madrid, le 11 mars 2004, a lieu l’attentat le plus meurtrier qui ait été perpétré sur le sol européen

Le 11 mars 2004 ont lieu les attentats de Madrid, revendiqués par al-Qaïda. Dix bombes avaient été posées dans les transports madrilènes, faisant 191 morts et plus de 1 800 blessés.

C’est à ce jour l’attentat le plus meurtrier que l’Europe ait connu. En réaction, l’Espagne n’a adopté aucune législation augmentant les pouvoirs des services de renseignement, mais a augmenté leurs moyens.

Dès mai 2004, le gouvernement nouvellement élu instaure le Comité exécutif pour le commandement unique des forces et corps de sécurité de l’Etat (CEMU), ainsi que le Centre national de coordination antiterroriste (CNCA). Ce second réunit la police nationale, la Guardia civile, les institutions pénitentiaires et le Centre national de renseignement (CNI).

Les forces de l’ordre espagnoles voient graduellement leurs effectifs augmenter de 4 000 personnes entre 2004 et 2008. Sur la même période, les effectifs dédiés au renseignement et à la lutte contre le terrorisme auront augmenté de 35%, de 72% pour la police et de 22% pour la Guardia civile. Enfin, le dispositif antiterroriste a été renforcé en janvier 2015 suite aux attentats de Paris et à nouveau en mai 2015.

Sur le plan européen, les attentats de Madrid auront donné l’impulsion expliquant l’intégration de la clause d’assistance mutuelle et de solidarité (art. 42.7 du Traité sur l’Union européenne) dans les traités fondateurs de l’Union lors de leur révision au travers du traité de Lisbonne.

Le Patriot Act américain

Aux Etats-Unis, après les attaques du 11 septembre ayant causé la chute de tours jumelles, le Gouvernement Bush propose au Congrès le Patriot Act, qui a été adopté.

Cette législation permettait aux agences de renseignement américaines de bénéficier d’un accès sans précédent aux informations concernant toute personne présente sur le sol américain, et avait été progressivement décriée à mesure que le souvenir des détournements s’estompait.

En Juin 2015, le Patriot Act évolue et devient le Freedom Act, un texte moins liberticide ne permettant pas la collection automatique des métadonnées des américains par leurs agences de renseignement.

Au lendemain des attentats de Paris et en pleine campagne des primaires présidentielles outre-Atlantique, le républicain Jeb Bush s’est d’ores et déjà prononcé en faveur d’un retour au fonctionnement du Patriot Act.

En Europe, la problématique “PNR”

Sur un autre sujet, mais dans la même thématique, l’Union européenne connait un débat similaire, qui n’a pas encore été tranché.

En février 2015, Toute l’Europe vous proposait un focus sur le PNR, outil de la lutte antiterroriste, au sein de notre dossier spécial Lutte antiterroriste : l’Europe mobilisée.

En effet, suite aux événements de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, la question de la création d’un PNR (pour Passenger Name Record) européen est revenue sur la table. La création du registre interconnecté a été proposée par le Conseil ainsi que par la Commission, afin d’établir une traçabilité à l’échelle européenne des personnes revenant de Syrie ou d’Irak.

En 2014 la Cour de Justice s’était prononcée contre le stockage généralisé et indifférencié de données personnelles, de façon généralisée et indifférenciée et n’assurant aucune garantie essentielle sur ce qu’est le PNR. C’est sur ce fondement que le Parlement européen freinait les discussions autour de la question.

Suite aux événements de novembre, les discussions semblent s’accélérer.

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