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Stratégie Globale de l’UE : vers une autonomie stratégique européenne ?

Dévoilée le 28 juin 2016, la Stratégie Globale de l’Union européenne en matière de politique étrangère et de sécurité apporte une réelle nouveauté. De par son recentrage sur les intérêts propres de l’UE et de ses citoyens, elle dépasse le concept trop réducteur de “soft power” et ancre l’UE en tant que “smart power”. En partenariat avec le Diploweb, Toute l’Europe publie cet article de Quentin Weiler, conseiller politique au Service européen pour l’Action extérieure (SEAE).

Stratégie globale de l'Union européenne politique et sécurité Mogherini
Cet extrait est issu d’un article de Quentin Weiler publié sur le Diploweb.com le 3 janvier 2017.

Quentin Weiler est conseiller politique de la secrétaire générale du Service ruropéen pour l’Action extérieure (Union européenne).

Compte twitter : @QWeiler. Les propos tenus dans cet article n’engagent que leur auteur.

23 JUIN 2016 : le Royaume-Uni vote à 51,9% en faveur du Brexit et devient donc le premier membre de l’Union européenne (UE) à ouvrir la porte à un processus de “dés-adhésion” .

28 juin 2016 : la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, présente au Conseil européen la nouvelle Stratégie Globale de l’Union européenne sur la politique étrangère et de sécurité.

Rien d’anodin dans cette succession d’événements contradictoires, en cinq jours, l’un symptomatique d’une Union toujours plus impopulaire et incomprise, l’autre une tentative de consacrer son rôle croissant sur la scène internationale. D’aucuns avaient émis l’hypothèse que la Haute Représentante retarderait son initiative en cas de “oui” au Brexit le temps de digérer ce résultat historique. Loin s’en faut, Federica Mogherini est allée de l’avant, précisément pour envoyer un signal d’unité et de projection dans l’avenir, et ce malgré une perte de visibilité inévitable due au Brexit. Six mois plus tard, le Royaume-Uni n’a toujours pas lancé la procédure officielle de sortie prévue par l’article 50 du Traité sur l’Union européenne, tandis que le Conseil des ministres de l’UE a adopté une série de décisions ambitieuses sur la mise en œuvre de la Stratégie Globale.

L’heure n’est donc pas seulement aux récriminations sur l’état de l’UE mais bien à une volonté d’aller de l’avant sur la base d’un discours stratégique renouvelé. Ceci apparait d’autant plus impératif au regard des incertitudes sur la nature du partenariat transatlantique nées de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis, le 9 novembre 2016. De ce point de vue, la Stratégie Globale a contribué à (re)poser la question de l’autonomie stratégique de l’UE suscitant encore aujourd’hui un vrai débat idéologique.

(…)

Du “multilatéralisme efficace” au “pragmatisme de principe”

L’environnement géopolitique de l’UE a considérablement évolué ces dix dernières années sans pour autant que cela soit accompagné d’une véritable adaptation du discours stratégique. Par comparaison, la France a adopté durant cette même période deux Livres Blanc sur la sécurité et la défense nationale, en 2008 puis en 2013, reflétant le besoin de s’adapter à un monde qui change. C’est la raison pour laquelle le successeur de Catherine Ashton, Federica Mogherini, entreprend ce grand chantier dès sa nomination (novembre 2014).

Les cinq priorités définies dans la Stratégie Globale ne sont pas foncièrement novatrices mais centrées sur l’Union et les intérêts des citoyens. Il en résulte une approche moins idéologique basée sur les valeurs et plus réaliste fondée sur les intérêts, s’appuyant sur l’idée que “nos valeurs fondamentales sont ancrées dans nos intérêts” (stratégie globale, p. 10). Cette nuance subtile mais importante démontre la prise de conscience d’une nouvelle réalité en Europe, notamment due aux récentes attaques terroristes et l’invocation inédite par la France en novembre 2015 de la clause d’assistance mutuelle (article 42.7 du Traité sur l’UE).

La sécurité de l’Union devient donc la première priorité, ce qui implique à la fois une capacité de projection et de protection. (…) Dans le même temps, l’approche générale vis-à-vis du voisinage de l’UE a évolué. La volonté quelque peu illusoire évoquée en 2003 de promouvoir “un ensemble de pays bien gouvernés” (stratégie européenne de sécurité, p.8) a été remplacée par le soutien à la résilience étatique et sociétale en lien avec les Objectifs de développement durable. Cette approche a pour ambition de soutenir des structures de gouvernance inclusives et de renforcer le tissu socio-économique, sans imposer un modèle depuis l’extérieur et en s’appuyant sur les acteurs locaux. (…) Par ailleurs, la politique extérieure de l’UE reste marquée par cette capacité unique à mettre un œuvre une approche intégrée des conflits et des crises (…). Enfin, les priorités liées aux ordres régionaux de coopération et la promotion du multilatéralisme sont à la fois plus traditionnelles et s’inscrivent au cœur de l’action de l’UE en tant qu’acteur diplomatique. Contrairement à 2003, la Stratégie de 2016 détaille l’approche européenne vis-à-vis des principales régions du monde sur la base de principes bien établis (…) et d’objectifs précis. Le multilatéralisme efficace de 2003 est devenu un pragmatisme de principe en 2016.

(…)

Des avancées vers une autonomie stratégique de l’UE

La coïncidence entre le référendum sur le Brexit et la publication de la Stratégie Globale a ouvert la porte à l’idée qu’une impulsion nouvelle pourrait être insufflée à la coopération européenne, en particulier dans le domaine de la sécurité et de la défense où le Royaume-Uni a souvent été force de ralentissement, si ce n’est d’opposition. Le sommet historique de Bratislava du 16 septembre 2016, le premier à 27 alors que le Royaume-Uni restera membre de plein droit de l’UE jusqu’à sa sortie effective, s’est inscrit dans cette dynamique.

Il a néanmoins mis en lumière la masse plus dense d’Etats membres, principalement du nord de l’Europe, initialement réticents à intensifier la coopération en matière de défense. Ceci a également révélé une fracture idéologique toujours existante avec les “otaniens” sur l’acceptation d’une autonomie stratégique de l’UE, y compris au sein de certains cercles d’influence aux Etats-Unis. (…) L’élection aux Etats-Unis de Donald Trump a néanmoins insinué une incertitude stratégique sur la contribution américaine aux institutions transatlantiques et a favorisé un déblocage des négociations.

Entre le 14 novembre et le 6 décembre 2016, l’UE adopte un paquet de mesures significatif dans le domaine de la sécurité et la défense fondé sur trois axes principaux : un plan de mise œuvre sur la sécurité et la défense (…) fondé sur la protection, la projection et l’assistance et proposant des actions concrètes pour renforcer les outils à disposition (…) ; un plan d’action européen de la défense (…) visant à maximiser les dépenses et la coopération en matière de défense ; (…) un plan de mise en œuvre de la déclaration UE-OTAN du 8 juillet 2016 basé sur 42 mesures concrètes, notamment sur la cyber-sécurité, les capacités militaires ou la recherche (…).

A l’heure du Brexit et de la montée des populismes, la Stratégie Globale a permis de mettre en exergue l’agenda transformationnel de l’UE. Quoique fondé sur les principes traditionnels de la politique étrangère européenne, ce document apporte une réelle nouveauté de par son recentrage sur les intérêts propres de l’UE et de ses citoyens permettant ainsi de dépasser le concept trop réducteur de “soft power” et d’ancrer l’UE en tant que “smart power” .

Dans ce contexte, l’élection de Donald Trump devra être perçue comme une réelle opportunité pour l’Union européenne de jouer un rôle accru sur la scène internationale en intensifiant la coopération dans certains domaines avec un partenaire américain plus pragmatique et en assumant un vrai leadership dans d’autres, tels que la sécurité, le changement climatique ou la migration, où les Etats-Unis risquent de se démobiliser.

Copyright Janvier 2017-Weiler/Diploweb

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