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Russie - Union européenne : un état des lieux

Dimanche 18 mars, Vladimir Poutine a été largement réélu président de la Fédération de Russie. L’occasion pour Toute l’Europe de revenir sur les relations entre le pays et l’Union européenne, qui mêlent interdépendance, tensions et incompréhension réciproque.

Juncker-Poutine
A gauche, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker et à droite, le président de la Russie, Vladimir Poutine. Photo : Pyotr Kovalyov - Crédits : Union européenne. 

Un accroissement des tensions

Les préoccupations de la Russie expliquent en partie les tensions avec l’Union européenne. Moscou craint de voir l’OTAN se rapprocher des ex-pays soviétiques à sa frontière. Une grande partie de sa politique étrangère tente donc de la prémunir contre cette avancée, vécue comme une menace de l’Occident. La guerre en Ukraine représente le paroxysme de cette opposition. Mais plus récemment, la tentative d’assassinat de l’ex-espion russe Skripal au Royaume-Uni a brutalement envenimé les relations.

Cependant, Russie et Europe continuent à entretenir des relations poussées : les jeunes Russes font des études en Europe, les échanges commerciaux restent importants et les Russes sont toujours les premiers demandeurs de visas pour l’espace Schengen. Ces relations sont bien vues par une partie de la société russe, notamment parce qu’elles affaibliraient l’OTAN de l’intérieur.

Quant au Kremlin, il n’est pas opposé par principe à l’élargissement de l’Union européenne, mais craint la dépendance de la politique étrangère européenne vis-à-vis des Etats-Unis et de l’OTAN. Mais l’UE exporte également ses valeurs, en conditionnant par exemple l’ouverture de relations avec les pays tiers à l’acceptation de normes, ce que rejette totalement la Russie.

De son côté, la Russie pratique également une politique de “soft power” pour influencer les gouvernements et les populations européennes sans utiliser de moyens militaires. La promotion de la langue et de la culture russes, mais aussi les relais médiatiques puissants que sont par exemple la chaine Russia Today et l’agence d’information Sputnik (300 millions d’euros seraient chaque année consacrés à la “propagande russe”), enfin les grands événements sportifs (Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014, Coupe du monde de football en 2018) ont pour objectif de redonner une envergure internationale à la Russie.

Le pivot ukrainien

En février 2014, de violentes émeutes éclatent à Kiev. La révolution de Maïdan renverse le président pro-russe Yanoukovitch et son gouvernement, remplacés par un gouvernement pro-européen. Les Russes observent les bouleversements qui s’opèrent chez leur voisin, dont ils redoutent une prochaine adhésion à l’OTAN. Un scénario inacceptable, qui aurait signifié une perte d’influence sur cet ex-pays soviétique et la fermeture du port stratégique de Sébastopol. Fin février 2014, les soldats russes envahissent donc la Crimée.

Profitant de la confusion générale, les régions de l’est de l’Ukraine se révoltent contre le pouvoir en place et font sécession en avril 2014. La Russie leur envoie des armes, du matériel et des hommes. S’ensuit un référendum donnant l’indépendance aux deux nouvelles républiques de Donetsk et Lougansk. Bien que les irrégularités du scrutin soient indéniables et que Kiev refuse de reconnaitre ce résultat, les deux régions deviennent à nouveau sujets de la fédération de Russie.

Pour mettre fin aux hostilités, l’Union européenne appuie les accords de Minsk qui instaurent un cessez-le-feu en septembre 2014 entre l’armée ukrainienne et l’armée des républiques indépendantes soutenues par les Russes. Toutefois, les cessez-le-feu successifs sont régulièrement violés, et la situation n’est aujourd’hui toujours pas clarifiée. Depuis l’élection en juin 2014 du président Petro Porochenko, l’Ukraine garde à distance les républiques du Donbass : elle ne tient pas à voir dans l’électorat ukrainien des forces qui lui sont fermement opposées.

Le pays est donc coupé en deux : la Russie exerce son autorité sur les régions du Donbass et de la Crimée sans aucun dialogue avec l’Ukraine ou l’Union européenne. La gestion de ces territoires échappe totalement à Kiev, la Russie payant par exemple les pensions de retraite et les salaires des fonctionnaires.

Des sanctions à l’efficacité relative

Les pays de l’UE représentent près de la moitié du commerce extérieur russe. Les échanges commerciaux sont donc un moyen de pression important vis-à-vis de la Russie. Ainsi, c’est en mars 2014 que l’UE a adopté des sanctions économiques pour la première fois contre Moscou. Elle y a interdit les exportations de technologie militaire et d’équipements de forage pour l’Arctique, ainsi que les échanges financiers avec les principales banques russes. En représailles, le Kremlin a mis en place un embargo contre les produits alimentaires européens, américains et australiens. Le blocus sur la Crimée pèse aujourd’hui lourd sur l’économie du territoire, celui-ci n’ayant plus accès aux produits européens par les voies officielles et l’implantation des entreprises étrangères y étant interdit.

Si le blocage des transferts de technologie est problématique pour la Russie, le manque de produits agricoles a pu être résorbé. De fait, les pertes ne sont pas extrêmement handicapantes. De 2014 à 2016, celles qui seraient dues aux seules sanctions seraient de 42 à 43 milliards d’euros en Russie. Loin derrière d’autres facteurs (chute des prix du pétrole en particulier), elles n’expliqueraient donc que 27 % à 28 % des pertes totales intervenues dans les échanges avec la Russie depuis 2013. L’UE a néanmoins su imposer des sanctions relativement substantielles et d’une valeur politique forte à un coût très modeste pour sa propre économie.

Enfin, la Russie a certainement été surprise de voir l’UE s’accorder aussi rapidement sur une question de politique extérieure. Toutefois l’instrumentalisation de ces sanctions permet aussi de diffuser une mauvaise image de l’UE, perçue par la population comme un ennemi de la modernisation de la Russie.

Une menace territoriale pour l’Union européenne ?

Si les pays européens frontaliers de la Russie s’inquiètent de voir ce voisin se renforcer à leurs portes, nombre d’experts relativisent la menace d’invasion que pourrait représenter la Russie.

Depuis la guerre de Géorgie en 2008, le pays a entamé une remilitarisation des positions russes en Biélorussie. L’OTAN a d’ailleurs relevé plusieurs incursions fortuites de l’aviation militaire russe hors de son espace aérien. L’investissement dans l’armée est une priorité pour le gouvernement, qui a investi 69 milliards de dollars en 2016, soit 5,3% de son PIB (contre 3,3% pour les Etats-Unis et 1,9% pour la Chine). La population russe elle-même considère que la menace d’une guerre n’a jamais vraiment disparu, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.

Toutefois, ces démonstrations de force n’iront probablement pas jusqu’à toucher des pays comme la Pologne ou les Etats baltes, qui ne sont pas seulement membres de l’Union européenne mais également de l’OTAN. La Pologne possède une bonne armée professionnelle et des unités paramilitaires bien entrainées, soutenues par le gouvernement depuis l’annexion de la Crimée. A l’inverse, l’armée ukrainienne était très faible à cette date, sans compter les nombreux déserteurs pro-russes qui avaient amoindri encore un peu plus ses capacités.

Depuis, les Etats-Unis ont livré du matériel militaire et des armes à l’armée ukrainienne, qui a par ailleurs augmenté son budget de défense. Si l’OTAN n’a pas envoyé de force militaire sur place, elle entraîne en revanche l’armée. L’organisation a enfin installé 4 bataillons sur la frontière avec la Russie entre la Lituanie et le nord de l’Ukraine, comme réponse proportionnée à la menace.

La Russie pourrait cependant essayer de jouer sur d’autres plans pour déstabiliser ses voisins, comme l’influence sur les communautés russophones ou la dépendance au gaz. 30% de la consommation de gaz de l’Union européenne vient en effet de la Russie, mais la dépendance énergétique est très disparate en fonction des pays membres. En 2014, Moscou a ainsi fermé le gazoduc qui passe à travers l’Ukraine, vraisemblablement pour exercer une pression sur l’Europe au motif que l’Ukraine se servait au passage. Cependant, la Russie ne peut pas se permettre de jouer cette carte régulièrement, car l’énergie reste sa principale ressource et les pays européens ses plus gros clients. En 2016, les hydrocarbures représentaient 40% des revenus du budget russe et presque 60% de ses exportations.

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